Portraits de chapelles avant le concile de Trente – le baroque savoyard (6)

Ces chapelles mettent en évidence que le soin apporté aux décors en Savoie est antérieur au Concile de Trente même si ce dernier aura suscité un élan tout à fait remarquable. Nous allons vous présenter trois chapelles pré-tridentines aux décors particulièrement remarquables : Saint-Sébastien de Lanslevillard, Saint-Grat de Vulmix et Saint-Antoine de Bessans.

Chapelle Saint-Sébastien – Lanslevillard

La tradition orale nous enseigne qu’elle fut édifiée au XVème siècle par un habitant de Lanslevillard, Sébastien Turbil en reconnaissance d’avoir été préservé de la peste. C’est une modeste chapelle bâtie sur promontoire, surplombant directement le départ de la route du col du Mont-Cenis. Protecteur contre la peste et saint patron des archers, saint Sébastien est très souvent incontournable en Savoie comme dans le Royaume de France. Les murs sont ornés de fresques réalisées en peinture à la détrempe posée sur un mortier riche en chaux. L’esquisse a été décalquée sur l’enduit. Le plafond est Renaissance, on y décompte environ 900 caissons peints et sculptés.

Il est fort probable que ces peintures aient été réalisées par un atelier piémontais du Val de Susa. Les états de Savoie englobaient le Piémont. Ici l’influence de l’art flamand où le souci du détail est manifeste et où la lumière semble baigner le paysage est aussi décelable. Les scènes de l’Annonciation et de la Nativité sont à ce titre exemplaires. L’extrados de l’arc triomphal est orné de larges rinceaux de feuillages déchiquetés, de couleur ocre jaune sur fond noir.

Deux cycles narratifs juxtaposés nous sont proposés : le cycle de la vie de saint Sébastien disposé sur 2 registres sur le mur sud et à gauche de la porte d’entrée. Et un cycle de la vie du Christ disposé sur 2 registres recouvrant les autres murs et l’arc triomphal ; les écoinçons de ce dernier sont occupés par 2 personnages en pied : saint Fabien, portant la tiare papale, et saint Sébastien, représenté en damoiseau. Le récit est émaillé de détails pittoresques, propres à susciter l’émotion. On se rapproche d’une représentation théâtrale comme les mystères si fréquents au Moyen-Age.

Ainsi dans le cycle de la vie du Christ, l’épisode la fuite en Egypte est assorti de de deux anecdotes qu’on retrouve fréquemment dans les vallées alpines : le panneau 6 narre l’épisode dramatique de la poursuite de la sainte famille par les soldats d’Hérode : les fuyards rencontrèrent en chemin un laboureur qui semait son blé ; l’enfant-Jésus mit la main au sac de semence du laboureur et le blé qu’il sema fut immédiatement mûr ; quand les soldats d’Héros rencontrèrent plus tard le paysan et qu’ils l’interrogèrent, (scène représentée ici, voyez plus bas) il répondit qu’il les avait vu quand il semait son blé et les soldats le prirent pour un fou et rebroussèrent chemin.

Chapelle Saint-Grat de Vulmix

Cette chapelle à une nef en berceau brisé date du XIVème tandis que le chœur a lui été construit au XVème siècle. Les murs de l’église sont recouverts sur trois registres de la légende de saint Grat qui se déroule comme une bande dessinée. Saint Grat, évêque d’Aoste, au cours d’une vision, a la révélation que la tête de saint Jean-Baptiste est caché au fond d’un puits en Palestine. Le pape lui donne la mission d’aller la chercher. Revenant victorieux de sa mission, il rapporte la tête du précurseur à Rome, seule la mâchoire ira jusqu’à Aoste.

On date cette peinture murale du XVème siècle, époque où il existait en terre savoyarde une école d’artistes dont le représentant le plus connu et le plus talentueux est Jacomo Jaquerio, auteur de peintures en Val de Suse. Il est fort probable que l’auteur de Vulmix faisait partie de cette équipe d’artistes. Saint Grat dont la fête est le 7 septembre est très vénéré dans son diocèse pour ses vertus et de ses miracles.

Sur les murs de la chapelles est représenté le pèlerinage en Terre Sainte pour rapporter le tête du Précurseur à Rome selon la mission qu’il avait reçu. Les dix-huits tableaux racontent comment le saint évêque a rapporté la sainte relique à Rome.

Les restes de saint Grat sont aujourd’hui conservées dans la cathédrale d’Aoste.

Chapelle Saint-Antoine de Bessans

La chapelle Saint Antoine de Bessans

La chapelle s’élève sur un éperon rocheux proche de l’église paroissiale tout comme à Lanslevillard.

Saint Antoine protecteur des animaux domestiques, en particulier des mulets, était aussi invoqué pour se protéger de la peste. Les mulets étaient des animaux précieux s’il en est puisqu’ils étaient utilisés comme animaux de bât pour le passage du col du Mont-Cenis : ces transports sont une source importante de revenus. La corporation des muletiers est une des plus importante de la région.

Chapelle Saint-Antoine de Bessans

La chapelle est ornée de 40 panneaux sur deux registres séparés par un encadrement blanc. Ils relatent la vie du Christ depuis l’Annonciation jusqu’à la Pentecôte. La technique utilisée est celle de la fresque : une peinture à l’eau sur du mortier frais.

Chapelle Saint-Antoine de Bessans : la Transfiguration
Chapelle Saint-Antoine de Bessans : la Transfiguration

L’artiste a intégré nombre de détails locaux qui mêlent la vie du village à celle du Christ, les costumes de la Transfiguration sont typiques de la mode des années 1450/1460. Certains panneaux quant à eux s’attachent à représenter la vie paysanne restituant l’histoire dans un contexte local comme celui de la tentation du Christ ; les paysans fauchent les champs, les troupeaux paissent tandis que marchands et voyageurs sont sur les chemins avec leurs mules. Ces peintures, œuvre d’un artiste local, sont le reflet de la piété populaire de l’époque tout comme les décors baroques le seront pour la période postérieure.

Le Baroque savoyard

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