Dom Guéranger, Caractéristiques de l’hérésie antiliturgique – 1841 –

dom Guéranger

« 1° Le premier caractère de l’hérésie antiliturgique est la haine de la Tradition dans les formules du culte divin. On ne saurait contester ce caractère spécial dans tous les hérétiques que nous avons nommé, depuis Vigilance jusqu’à Calvin, et la raison en est facile à expliquer. Tout sectaire voulant introduire une doctrine nouvelle, se trouve infailliblement en présence de la Liturgie, qui est la Tradition à sa plus haute puissance, et il ne saurait avoir de repos qu’il n’ait fait taire cette voix, qu’il n’ait déchiré ces pages qui recèlent la foi des siècles passés. En effet, comment le luthéranisme, le calvinisme, l’anglicanisme se sont-ils établis et maintenus dans la messe ? Il n’a fallu pour cela que la substitution de livres nouveaux et de formules nouvelles, aux formules et aux livres anciens, et tout a été consommé. Rien ne gênait plus les nouveaux docteurs; ils pouvaient prêcher tout à leur aise: la foi des peuples était désormais sans défense. Luther comprit cette doctrine avec une sagacité digne de nos jansénistes, lorsque, dans la première période de ses innovations, à l’époque où il se voyait encore obligé de garder une partie des formes extérieures du culte latin, il établit le règlement suivant pour la messe réformée : « Nous approuvons et conservons les introït des dimanches et des fêtes de Jésus-Christ, savoir de Pâques, de la Pentecôte et de Noël. Nous préférerions volontiers les psaumes entiers d’où ces introït sont tirés, comme on faisait autrefois ; mais nous voulons bien nous conformer à l’usage présent. Nous ne blâmons pas même ceux qui voudront retenir les introït des Apôtres, de la Vierge et des autres Saints, lorsque ces trois introït sont tirés des psaumes et d’autres endroit de l’Ecriture » Il avait trop en horreur les cantiques sacrés composés par l’Eglise elle-même pour l’expression publique de sa foi. Il sentait trop en eux la vigueur de la Tradition qu’il voulait bannir. En reconnaissant à l’Eglise le droit de mêler sa vois dans les assemblées saintes aux oracles des Ecritures, il s’exposait par là même à entendre des millions de bouches anathématiser ses nouveaux dogmes. Donc, haine à tout ce qui, dans la Liturgie, n’est pas exclusivement extrait des Ecritures.

2° C’est le second principe de la secte antiliturgique, de remplacer les formules de style ecclésiastique par des lectures de l’Ecriture Sainte. Elle y trouve deux avantages: d’abord celui de faire taire la voix de la Tradition qu’elle craint toujours; ensuite un moyen de propager et d’appuyer ses dogmes, par voie de négation ou d’affirmation. Par voie de négation en passant sous silence, au moyen d’un choix adroit, les textes qui expriment la doctrine opposée aux erreurs qu’on veut faire prévaloir; par voie d’affirmation, en mettant en lumière des passages tronqués qui, ne montrant qu’un des côtés de la vérité, cachent l’autre aux yeux du vulgaire. On sait, depuis bien des siècles, que la préférence donnée, par tous les hérétiques, aux Ecritures Saintes sur les définitions ecclésiastiques, n’a pas d’autre raison que la facilité qu’ils ont de faire dire à la parole de Dieu tout ce qu’ils veulent, en la laissant paraître ou en l’arrêtant à propos. Nous verrons ailleurs ce qu’ont fait en ce genre les jansénistes, obligés, d’après leur système, à garder le lien extérieur avec l’Eglise; quant aux protestants, ils ont presque réduit la Liturgie tout entière à la lecture de l’Ecriture, accompagnée de discours dans lesquels on l’interprète par la raison. Quant au choix et à la détermination des livres canoniques, ils ont fini par tomber au caprice du réformateur, qui, en dernier ressort, décide non plus seulement du sens de la parole de Dieu, mais du fait de cette parole. Ainsi Martin Luther trouve que, dans son système de panthéisme, l’inutilité des oeuvres et la suffisance de la foi sont dogmes à établir, et dès lors il déclarera que l’Epître de saint Jacques est une épître de paille, et non une épître canonique, par cela seul qu’on y enseigne la nécessité des oeuvres pour le salut. Dans tous les temps, et sous toutes les formes, il en sera de même; point de formules ecclésiastiques ; l’Ecriture seule, mais interprétée, mais choisie, mais présentée par celui ou ceux qui trouvent leur profit à l’innovation. Le piège est dangereux pour les simples, et ce n’est que longtemps après que l’on s’aperçoit qu’on a été trompé, et que la parole de Dieu, ce glaive à deux tranchants, comme parle l’Apôtre, a fait de grandes blessures, parce qu’elle était maniée par les fils de perdition.

3° Le troisième principe des hérétiques sur la réforme de la Liturgie est, après avoir expulsé les formules ecclésiastiques et proclamé la nécessité absolue de n’employer que les paroles de l’Ecriture dans le service divin, voyant ensuite que l’Ecriture ne se plie pas toujours, comme ils le voudraient, à toutes leurs volontés, leur troisième principe, disons-nous, est de fabriquer et d’introduire des formules diverses, pleines de perfidie, par lesquelles les peuples sont plus solidement encore enchaînés à l’erreur, et tout l’édifice de la réforme impie sera consolidé pour des siècles.

4° On ne doit pas s’étonner de la contradiction que l’hérésie présente ainsi dans ses oeuvres, quand on saura que le quatrième principe, ou si l’on veut la quatrième nécessité imposée aux sectaires par la nature même de leur état de révolte, est une habituelle contradiction avec leurs propres principes. Il en doit être ainsi pour leur confusion dans ce grand jour, qui vient tôt ou tard, où Dieu révèle leur nudité à la vue des peuples qu’ils ont séduits, et aussi parce qu’il ne tient pas à l’homme d’être conséquent; la vérité seule peut l’être. Ainsi, tous les sectaires, sans exception, commencent par revendiquer les droits de l’antiquité. Ils veulent dégager le christianisme de tout ce que l’erreur et les passions des hommes y ont mêlé de faux et d’indigne de Dieu; ils ne veulent rien que de primitif, et prétendent reprendre au berceau l’institution chrétienne. A cet effet, ils élaguent, ils effacent, ils retranchent; tout tombe sous leurs coups. Et lorsqu’on s’attend à voir reparaître dans sa première pureté le culte divin, il se trouve qu’on est encombré de formules nouvelles qui ne datent que de la veille et qui sont incontestablement humaines, puisque celui qui les a rédigées vit encore.
Toute secte subit cette nécessité; nous l’avons vu chez les monophysites, chez les nestoriens; nous retrouvons la même chose dans toutes les branches de protestants. Leur affectation à prêcher l’antiquité n’a abouti qu’à les mettre en mesure de battre en brèche tout le passé, et puis ils se sont posés en face des peuples séduits, et leur ont juré que tout était bien, que les superfétations papistes avaient disparu, que le culte divin était remonté à sa sainteté primitive. Remarquons encore une chose caractéristique dans le changement de la Liturgie par les hérétiques. C’est que, dans leur rage d’innovation, ils ne se contentent pas d’élaguer les formules de style ecclésiastique qu’ils flétrissent du nom de parole humaine, mais ils étendent leur réprobation aux lectures et aux prières mêmes que l’Eglise a empruntées à l’Ecriture; ils changent, ils substituent, ne voulant pas prier avec l’Eglise, s’excommuniant ainsi eux-mêmes, et aussi craignant jusqu’à la moindre parcelle de l’orthodoxie qui a présidé au choix de ces passage.

5° La réforme de la Liturgie étant entreprise par les sectaires dans le même but que la réforme du dogme dont elle est la conséquence, il s’ensuit que, de même que les protestants se sont séparés de l’unité afin de croire moins, ils se sont trouvés amenés à retrancher, dans le culte, toutes les cérémonies, toutes les formules qui expriment des mystères. Ils ont taxé de superstition, d’idolâtrie, tout ce qui ne leur semblait pas purement rationnel, restreignant ainsi les expressions de la foi, obstruant par le doute et même la négation toutes les voies qui ouvrent sur le monde surnaturel. Ainsi plus de sacrements,, hors le baptême, en attendant le socinianisme qui en affranchira ses adeptes; plus de sacramentaux, de bénédictions, d’images, de reliques de saints, de processions, de pèlerinage, etc. Il n’y a plus d’autel, mais simplement une table; plus de sacrifice, comme dans toute religion, mais seulement une cène; plus d’église, mais seulement un temple, comme chez les Grecs et les Romains; plus d’architectures religieuse, puisqu’il n’y a plus de mystères; plus de peinture et de sculpture chrétiennes, puisqu’il n’y a plus de religion sensible ; enfin, plus de poésie dans le culte, qui n’est fécondé ni par l’amour, ni par la foi.

6° La suppression des choses mystérieuses dans la Liturgie protestante devait produire infailliblement l’extinction totale de cet esprit de prière qu’on appelle onction dans le catholicisme. Un coeur révolté n’a point d’amour, et un cœur sans amour pourra tout au plus produire des expressions passables de respect ou de crainte, avec la froideur superbe du pharisien; telle est la Liturgie protestante. On sent que celui qui la récite s’applaudit de n’être pas du nombre de ces chrétiens papistes qui rabaissent Dieu jusqu’à eux par la familiarité de leur langage vulgaire.

7° Traitant noblement avec Dieu, la Liturgie protestante n’a point besoin d’intermédiaires créés. Elle croirait manquer au respect dû à l’Etre souverain, en invoquant l’intercession de la sainte Vierge, la protection des saints. Elle exclut toute cette idolâtrie papiste qui demande à la créature ce qu’on ne doit demander qu’à Dieu seul ; elle débarasse le calendrier de tous ces noms d’hommes que l’Eglise romaine inscrit si témérairement à côté du nom de Dieu ; elle a surtout en horreur ceux des moines et autres personnages des derniers temps qu’on y voit figurer à côté des noms révérés des apôtres que Jésus-Christ a choisis, et par lesquels fut fondée cette Eglise primitive, qui seule fut pure dans la foi et franche de tout superstition dans le culte et de tout relâchement dans la morale.

8° La réforme liturgique ayant pour une de ses fins principales l’abolition des actes et des formules mystiques, il s’ensuit nécessairement que ses auteurs devaient revendiquer l’usage de la langue vulgaire dans le service divin. Aussi est-ce là un des points les plus importants aux yeux des sectaires. Le culte n’est pas une chose secrète, disent-ils. Il faut que le peuple entende ce qu’il chante. La haine de la langue latine est innée au coeur de tous les ennemis de Rome. Ils voient en elle le bien des catholiques dans tout l’univers, l’arsenal de l’orthodoxie contre toutes les subtilités de l’esprit de secte, l’arme la plus puissante de la papauté. L’esprit de révolte qui les pousse à confier à l’idiome de chaque peuple, de chaque province, de chaque siècle, la prière universelle, a, du reste, produit ses fruits, et les réformés sont à même tous les jours de s’apercevoir que les peuples catholiques, en dépit de leurs prières latines, goûtent mieux et accomplissent avec plus de zèle les devoirs du culte que les peuples protestants. A chaque heure du jour, le service divin a lieu dans les églises catholiques; le fidèle qui y assiste laisse sa langue maternelle sur le seuil; hors les heures de la prédication, il n’entend que des accents mystérieux qui même cessent de retentir dans le moment le plus solennel, au canon de la messe ; et cependant ce mystère le charme tellement, qu’il n’envie pas le sort du protestant, quoique l’oreille de celui-ci n’entende jamais que des sons dont elle perçoit la signification. Tandis que le temple réformé réunit, à grand’peine, une fois la semaine, les chrétiens puristes, l’Eglise papiste voit sans cesse ses nombreux autels assiégés par ses religieux enfants; chaque jour, ils s’arrachent à leurs travaux pour venir entendre ces paroles mystérieuses qui doivent être de Dieu, car elles nourrissent la foi et charment les douleurs. Avouons-le, c’est un coup de maître du protestantisme d’avoir déclaré la guerre à la langue sainte; s’il pouvait réussir à la détruire, son triomphe serait bien avancé. Offerte aux regards profanes, comme une vierge déshonorée, la Liturgie, dès ce moment, a perdu son caractère sacré, et le peuple trouvera bientôt que ce n’est pas trop la peine qu’il se dérange de ses travaux ou de ses plaisirs pour aller entendre parler comme on parle sur la place publique. Otez à l’Eglise française ses déclamations radicales et ses diatribes contre la prétendue vénalité du clergé, et allez voir si le peuple ira longtemps écouter le soi-disant primat des Gaules crier: Le Seigneur soit avec vous; et d’autres lui répondre : Et avec votre esprit. Nous traiterons ailleurs, d’une manière spéciale, de la langue liturgique.

9° En ôtant de la Liturgie le mystère qui abaisse la raison, le protestantisme n’avait garde d’oublier la conséquence pratique, savoir l’affranchissement de la fatigue et de la gêne qu’imposent au corps les pratiques de la Liturgie papiste. D’abord, plus de jeûne, plus d’abstinence; plus de génuflexion dans la prière; pour le ministre du temple, plus d’offices journaliers à accomplir, plus même de prières canoniales à réciter, au nom de l’Eglise. Telle est une des formes principales de la grande émancipation protestante : diminuer la somme des prières publiques et particulières. L’événement a montré bientôt que la foi et la charité, qui s’alimentent par la prière, s’étaient éteintes dans la réforme, tandis qu’elles ne cessent, chez les catholiques, d’alimenter tous les actes de dévouement à Dieu et aux hommes, – fécondées qu’elles sont par les ineffables

10° Comme il fallait au protestantisme une règle pour discerner parmi les institutions papistes celles qui pouvaient être les plus hostiles à son principe, il lui a fallu fouiller dans les fondements de l’édifice catholique, et trouver la pierre fondamentale qui porte tout. Son instinct lui a fait découvrir tout d’abord ce dogme inconciliable avec toute innovation : la puissance papale. Lorsque Luther écrivit sur sa bannière : Haine à Rome et à ses lois, il ne faisait que promulguer une fois de plus le grand principe de toutes les branches de la secte antiliturgiste. Dès lors, il a fallu abroger en masse le culte, et les cérémonies, comme l’idolâtrie de Rome; la langue latine, l’office divin, le calendrier, le bréviaire, toutes abominations de la grande prostituée de Babylone. Le Pontife romain pèse sur la raison par ses dogmes, sur les sens par ses pratiques rituelles; il faut donc proclamer que ses dogmes ne sont que blasphème et erreur, et ses observances liturgiques qu’un moyen d’asseoir plus fortement une domination usurpée et tyrannique. C’est pourquoi, dans ses litanies émancipées, l’Eglise luthérienne continue de chanter naà¯vement : “De l’homicide fureur, calomnie, rage et férocité du Turc et du Pape, délivrez-nous, Seigneur (Lutirgische Gesangbuch)”. C’est ici le lieu de rappeler les admirables considérations de Joseph de Maistre, dans son livre du Pape, où il montre, avec tant de sagacité et de profondeur, qu’en dépit des dissonances qui devraient isoler les unes des autres les diverses sectes séparées, il est une qualité dans laquelle elles se réunissent toutes, celle de non romaines. Imaginez une innovation quelconque, soit en matière de dogme, soit en matière de discipline, et voyez s’il est possible de l’entreprendre sans encourir, bon gré, mal gré, la note de non romain, ou si vous voulez de moins romain, si on manque d’audace. Reste à savoir quel genre de repos pourrait trouver un catholique dans la première, ou même dans la seconde de ces deux situations.

11° L’hérésie antiliturgiste, pour établir à jamais son règne, avait besoin de détruire en fait et en principe tout sacerdoce dans le christianisme ; car elle sentait que là où il y a un pontife, il y a un autel, et que là où il y a un autel, il y a un sacrifice, et partant un cérémonial mystérieux. Après donc avoir aboli la qualité du Pontife suprême, il fallait anéantir le caractère de l’évêque, duquel émane la mystique imposition des mains qui perpétue la hiérarchie sacrée. De là un vaste presbytérianisme, qui n’est que la conséquence immédiate de la suppression du Pontificat souverain. Dès lors, il n’y a plus de prêtre proprement dit; comment la simple élection, sans consécration, ferait-elle un homme sacré? La réforme de Luther et de Calvin ne connaîtra donc plus que des ministres de Dieu, ou des hommes, comme on voudra. Mais il est impossible d’en rester là. Choisi, installé par des laïques, portant dans le temple la robe d’une certaine magistrature bâtarde, le ministre n’est qu’un laïque revêtu de fonctions accidentelles; il n’y a donc plus que des laïques dans le protestantisme; et cela devait être, puisqu’il n’y a plus de Liturgie; comme il n’y a plus de Liturgie, puisqu’il n’y a plus que des laïques.

12° Enfin, et c’est là le dernier degré de l’abrutissement, le sacerdoce n’existant plus, puisque la hiérarchie est morte, le prince, seule autorité possible entre laïques, se proclamera chef de la Religion, et l’on verra les plus fiers réformateurs, après avoir secoué le joug spirituel de Rome, reconnaître le souverain temporel pour pontife suprême, et placer le pouvoir sur la Liturgie parmi les attributions du droit majestatique. Il n’y aura donc plus de dogme, de morale, de sacrements, de culte, de christianisme, qu’autant qu’il plaira au prince, puisque le pouvoir absolu est dévolu sur la Liturgie par laquelle toutes ces choses on leur expression et leur application dans la communauté des fidèles. Tel est pourtant l’axiome fondamental de la Réforme et dans la pratique et dans les écrits des docteurs protestants. Ce dernier trait achèvera le tableau, et mettra le lecteur à même de juger de la nature de ce prétendu affranchissement, opéré avec tant de violence à l’égard de la papauté, pour faire place ensuite, mais nécessairement, à une domination destructive de la nature même du christianisme. Il est vrai que, dans les commencements, la secte antiliturgiste n’avait pas coutume de flatter ainsi les puissants : albigeois, vaudois, wiclefites, hussites, tous enseignaient qu’il fallait résister et même courir sus à tous princes et magistrats qui se trouvaient en état de péché, prétendant qu’un prince était déchu de son droit, du moment qu’il n’était pas en grâce avec Dieu. La raison de ceci est que ces sectaires craignant le glaive des princes catholiques, évêques du dehors, avaient tout à gagner en minant leur autorité. Mais du moment que les souverains, associés à la révolte contre l’Eglise, voulaient faire de la religion une chose nationale, un moyen de gouvernement, la Liturgie réduite, aussi bien que le dogme, aux limites d’un pays, ressortissait naturellement à la plus haute autorité de ce pays, et les réformateurs ne pouvaient s’empêcher d’éprouver une vive reconnaissance envers ceux qui prêtaient ainsi le secours d’un bras puissant à l’établissement et au maintien de leurs théories. Il est bien vrai qu’il y a toute une apostasie dans cette préférence donnée au temporel sur le spirituel, en matière de religion; mais il s’agit ici du besoin même de la. conservation. Il ne faut pas seulement être conséquent, il faut vivre. C’est pour cela que Luthter, qui s’est séparé avec éclat du pontife de Rome, comme fauteur de toutes les abominations de Babylone, ne rougit pas lui-même de déclarer théologiquement la légitimité d’un double mariage pour le landgrave de Hesse, et c’est pour cela aussi que l’abbé Grégoire trouve dans ses principes le moyen de s’associer tout à la fois au vote de mort contre Louis XVI à la Convention, et de se faire le champion de Louis XIV et de Joseph II contre les Pontifes romains.

Telles sont les principales maximes de la secte antiliturgiste. Nous n’avons, certes, rien exagéré ; nous n’avons fait que relever la doctrine cent fois professée dans les écrits de Luther, de Calvin, des Centuriateurs de Magdebourg, de Hospinien, de Kemnitz, etc. Ces livres sont faciles à consulter, ou plutôt l’oeuvre qui en est sortie est sous les yeux de tout le monde. Nous avons cru qu’il était utile d’en mettre en lumière les principaux traits. Il y-a toujours du profit à connaître l’erreur ; l’enseignement direct est quelquefois moins avantageux et moins facile. C’est maintenant au logicien catholique de tirer la contradictoire.”

Dom Guéranger, 1er Abbé de Solesmes, Les Institutions liturgiques , au Vol. I chap. 14 pp. 397-407.

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7 réflexions au sujet de “Dom Guéranger, Caractéristiques de l’hérésie antiliturgique – 1841 –”

  1. C'est la Providence qui m'a fait découvrir ce beau texte. Enfin je suis confirmée dans mes intuitions. Je vais pousuivre la lecture avec Dom Guéranger. Il y a sûrement d'autres choses intéressantes à savoir.
    Je ne peux que remercier le ciel.

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  2. C'est la Providence qui m'a fait découvrir ce beau texte. Enfin je suis confirmée dans mes intuitions. Je vais pousuivre la lecture avec Dom Guéranger. Il y a sûrement d'autres choses intéressantes à savoir.
    Je ne peux que remercier le ciel.

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  3. C´est terrible ! En lisant ce texte de dom Guérenger, j´y vu la formulation d´un sentiment, d´une intuition qui m´habitait depuis longtemps lorsque je participais aux célébrations liturgiques dans ma paroisse: DES MESSES SANS PLUS RIEN DE SACRÈ – LA BANALITÈ D´UNE ANIMATION PUREMENT MONDAINE QUE L´ON PEUT TROUVER PARTOUT AILLEURS. J´ai cherché ailleurs et je me suis trourné vers le catholicisme traditionaliste pour retrouver le sens du sacré. TERRIBEL MAIS VRAI !

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  4. Quel texte stupéfiant ! Il n’y aurait que quelques mots à y changer pour l’appliquer à toutes les folies liturgiques post-conciliaires que nous avons vécues en ce vingtième siècle… Dom Guéranger est vraiment un prophète, un visionnaire.
    Lorsque les traditionnalistes parlaient de protestantisation de la messe, je pensais, il y a quelques années, que cette expression était exagérée, bien que subissant avec douleur et et parfois révolte toutes les fantaisies de messes spectacles où il m’était si difficile de prier.
    Depuis que je suis revenue à la Tradition je mesure encore plus l’étendue du désastre qui se perpétue encore dans nombre de paroisses et je bénis le Seigneur d’avoir inspiré à notre Saint Père son Motu Proprio qui permet à la Tradition de retrouver petit à petit la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre.

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  5. Et vous n’avez encore rien vu !!!
    Allez donc écouter un de ces immondes offices de la communauté de l’Emmanuel (paroisse de la Trinité à Paris par exemple)
    Le Sacré a été éjecté de l’église, ainsi que bon nombre d’offices sacrés qui faisaient partie de la tradition multiséculaire. Là-bas, on y tutoie le Christ. Bientôt on ira prendre un verre avec lui.
    ils ont banni l’utilisation du missel, les offices ressemblent à des foires, les gens lèvent les bras comme pour dévisser des ampoules au plafond, tout le monde gesticule, c’est grotesque.
    La musique sacré est elle aussi bannie de l’Emmanuel.

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  6. Comme d’autres je viens de découvrir Dom Gueranger et je suis frappée par la lucidité et l’actualité de ses propos dans cet article. Comme quoi, la Vérité subsiste au temps car elle est une Personne et elle éternelle !
    Colline

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