Le Psautier de Saint-Alban constitue un remarquable chef d’œuvre de l’art de la miniature en Angleterre au XIIème siècle. Il a été peint et écrit dans la fameuse abbaye de Saint-Alban, construite au VIIIème siècle par le roi saxon Offa II de Mercie comme sanctuaire pour abriter les reliques de saint Alban, premier martyr anglais au IVème siècle, martyrisé lors de la persécution de Dioclétien. Cette abbaye constitua l’un des foyers majeurs de la culture anglaise au Moyen-Age. Supprimée lors de la Réforme, elle est devenue depuis cathédrale anglicane.
Ce qui est remarquable avec ce psautier, c’est que l’on connait à la fois l’artiste qui l’a commencé – le sous-diacre Roger d’Aubigny († avant 1118), moine de Saint-Alban devenu ermite à Markyate -, son commanditaire – l’Abbé Geoffroy de Gorham (abbé de Saint-Alban de 1119 à 1146) – et sa destinataire – Christina de Markyate (c. 1098 † c. 1155-1166), prieure de Markyate, nonne et mystique, disciple de l’ermite Roger.
L’incrédulité de Thomas est représentée à la page 52 du psautier de Saint-Alban. La miniature fait partie d’une série de miniatures pleines pages qui forme les pages 17 à 56 du manuscrit et constitue une sorte de Vita Christi. L’épisode est décrit par l’évangile de saint Jean au chapitre XX, 24-29 :
Or Thomas, l’un des douze apôtres, appelé Didyme, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans le trou des clous, et ma main dans son côté, je ne croirai point. Huit jours après, les disciples étant encore dans le même lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes étant fermées, et il se tint au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous ! Il dit ensuite à Thomas : Porte ici ton doigt, et considère mes mains ; approche aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois point incrédule, mais fidèle. Thomas répondit, et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu ! Jésus lui dit : Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu : heureux ceux qui ont cru sans avoir vu !
Le Christ se tient au centre de la scène de la miniature. Sa figure est plus grande que celle des autres protagoniste. Le Christ montre à ses disciples ses mains et ses pieds transpercés par les clous. Par une ouverture de son vêtement, il laisse aussi voir la plaie de son côté, dans laquelle Thomas met son doigt. Cette disposition centrale de la composition pourrait se rapprocher d’autres exemples provenant de l’Italie méridionale.
La miniature de l’incrédulité de Thomas suit directement – et logiquement – la scène de l’apparition du Christ à sainte Marie Madeleine dans le jardin. En revanche la scène suivante rompt la logique des épisodes de la vie du Christ, puisqu’elle présente en une page plusieurs épisodes de la vie de saint Martin de Tours.
Le manuscrit du Psautier de Saint-Alban a dû être emporté en Allemagne par un bénédictin anglais fuyant les persécutions protestantes, il s’est retrouvé en effet en Basse-Saxe dans l’Abbaye de Lamspringe, refondé vers 1640 par des bénédictins anglais exilés. Une annotation dans le manuscrit indique qu’il se trouve dans ce monastère en 1657 et qu’il appartient alors au frère Benoit, qui pourrait être Robert Meering, moine venu d’Angleterre. Après la sécularisation des monastères allemands par Napoléon en 1803, le manuscrit a été transféré à l’église paroissiale Saint-Gothard d’Hildesheim à 20 km de l’Abbaye de Lamspringe. Il est actuellement conservé par la bibliothèque de la cathédrale d’Hildesheim, mais demeure très étudié par les universitaires britanniques.