Texte de François de Salignac de La Mothe-Fénelon (1651 † 1715), archevêque de Cambrai, de l’Académie française.
Mélodie d’Amédée Gastoué (1873 † 1943), maître de chapelle de Saint-Jean-Baptiste de Belleville, commandeur de l’Ordre de saint Grégoire le Grand.
Harmonisation d’Henri de Villiers.
Au sang qu’un Dieu va répandre.
4 voix (SATB).
2 pages – Mi mineur.
Sur ce texte fameux – Au sang qu’un Dieu va répandre – dont la rédaction admirable est de Fénelon, fut adaptée à la fin du XVIIIème siècle – vraisemblablement par les Sulpiciens – une mélodie bien profane alors très à la mode (“Que ne suis-je la fougère / Où sur la fin du jour, / Se repose ma bergère, / Sous la garde de l’amour ?”), mélodie elle-même tirée d’un opéra de Pergolèse ; cette même mélodie fut du reste réutilisée au XXème siècle pour le générique de l’émission “Bonne nuit les petits” !
Dans son opuscule “Le Chant populaire à l’Eglise et dans les Confréries et Patronages”, le génial musicologue que fut Amédée Gastoué préféra revêtir Au sang qu’un Dieu va répandre, le cantique de Fénelon, d’une mélodie nouvelle, plus dans l’esprit du chant ecclésiastique traditionnel. C’est cette heureuse mélodie que j’ai harmonisée et que nous chantons tous les ans à Saint-Eugène pour le temps de la Passion.
Voici le texte du fameux cantique de Fénelon :
1. Au sang qu’un Dieu va répandre, Ah ! mêlez du moins vos pleurs, Chrétiens qui venez entendre Le récit de ses douleurs Puisque c’est pour vos offenses Que ce Dieu souffre aujourd’hui, Animés par ses souffrances, Vivez & mourez pour lui. |
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2. Dans un jardin solitaire Il sent de rudes combats; Il prie, il craint, il espère, Son cœur veut et ne veux pas. Tantôt la crainte est plus forte, Et tantôt l’amour plus fort : Mais enfin l’amour l’emporte Et lui fait choisir la mort. |
3. Judas, que la fureur guide, L’aborde d’un air soumis; Il l’embrasse… et ce perfide Le livre à ses ennemis ! Judas, un pécheur t’imite Quand il feint de L’apaiser; Souvent sa bouche hypocrite Le trahit par un baiser. |
4. On l’abandonne à la rage De cent tigres inhumains; Sur son aimable visage Les soldats portent leurs mains Vous deviez, Anges fidèles, Témoins de leurs attentats, Ou le mettre sous vos ailes, Ou frapper tous ces ingrats. |
5. Ils le traînent au grand-prêtre, Qui seconde leur fureur, Et ne veut le reconnaître Que pour un blasphémateur. Quand il jugera la terre Ce sauveur aura son tour: Aux éclats de son tonnerre Tu le connaîtras un jour. |
6. Tandis qu’il se sacrifie, Tout conspire à l’outrager: Pierre lui-même l’oublie, Et le traite d’étranger. Mais Jésus perce son âme D’un regard tendre et vainqueur, Et met d’un seul trait de flamme Le repentir dans son cœur. |
7. Chez Pilate on le compare Au dernier des scélérats ; Qu’entends-je ! ô peuple barbare, Tes cris sont pour Barabbas ! Quelle indigne préférence ! Le juste est abandonné ; On condamne l’innocence, Et le crime est pardonné. |
8. On le dépouille, on l’attache, Chacun arme son courroux: Je vois cet Agneau sans tache Tombant presque sous les coups. C’est à nous d’être victimes, Arrêtez, cruels bourreaux ! C’est pour effacer vos crimes Que son sang coule à grands flots. |
9. Une couronne cruelle Perce son auguste front: A ce chef, à ce modèle, Mondains, vous faites affront. Il languit dans les supplices, C’est un homme de douleurs: Vous vivez dans les délices, Vous vous couronnez de fleurs. |
10. Il marche, il monte au Calvaire Chargé d’un infâme bois: De là, comme d’une chaire, Il fait entendre sa voix : « Ciel, dérobe à la vengeance Ceux qui m’osent outrager ! » C’est ainsi, quand on l’offense, Qu’un chrétien doit se venger. |
11. Une troupe mutinée L’insulte et crie à l’envi : S’il changeait sa destinée, Oui, nous croirions tous en lui ! Il peut la changer sans peine Malgré vos nœuds et vos clous : Mais le nœud qui seul l’enchaîne, C’est l’amour qu’il a pour nous. |
12. Ah! de ce lit de souffrance, Seigneur, ne descendez pas: Suspendez votre puissance, Restez-y jusqu’au trépas. Mais tenez votre promesse, Attirez-nous près de vous ; Pour prix de votre tendresse, Puissions-nous y mourir tous ! |
13. Il expire, et la nature Dans lui pleure son auteur : Il n’est point de créature Qui ne marque sa douleur. Un spectacle si terrible Ne pourra-t-il me toucher ? Et serai-je moins sensible Que n’est le plus dur rocher ? |
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