Stirps Jesse virgam prodúxit, vírgaque florem : * Et super hunc florem ** requiéscit Spíritus almus. | La souche de Jessé a produit un rameau, et le rameau une fleur : * et sur cette fleur ** s’est reposé l’Esprit Saint. (Texte de saint Fulbert de Chartres d’après Isaïe XI, 1-2) |
℣. Virgo Dei Génitrix virga est, flos Fílius ejus. | ℣. La Vierge Mère de Dieu est le rameau, et la fleur est son Fils. (Texte de saint Fulbert de Chartres) |
* Et super hunc florem requiéscit Spíritus almus. | * Et sur cette fleur s’est reposé l’Esprit Saint. |
Glória Patri, & Fílio, & Spirítui Sancto. | * Gloire au Père, & au Fils, & au Saint-Esprit. |
* Requiéscit Spíritus almus. | * S’est reposé l’Esprit Saint. |
Source : Antiphonaire de Notre-Dame de Paris (c. 1300) – F-Pn lat. 15181 f°379 v° et F-Pn lat.15182 f° 304 bis r°. – Cantus ID: 007709 & 007709a.
Ce répons fut (avec Solem justitiæ et Ad nutum Domini) l’un de ceux écrits par saint Fulbert, évêque de Chartres (c. 970 † 10 avril 1028) en l’honneur de la Nativité de Notre Dame pour être chantés à l’office nocturne de cette fête le 8 septembre. Son texte qui s’inspire d’Isaïe XI, 1-2, construit un adroit balancement entre Virga et Virgo ; ce texte est en fait extrait d’un poème plus long écrit par le saint évêque pour la fête de la Nativité de la Vierge, intitulé Solem iustitiae, regem paritura supremum (Patrologie Latine CXLI, 345). Si l’on en croit l’Abbé Lebeuf (Traité historique et pratique de chant ecclésiastique, 1741) qui avait à sa disposition une documentation étendue (souvent perdue lors de la révolution), le chant de ce répons fut modulé par le roi de France Robert II le Pieux lui-même, qui était un grand ami de saint Fulbert (c’est ce roi qui l’avait fait nommé évêque de Chartres en 1006 – Fulbert était déjà précédemment chanoine et écolâtre de la cathédrale de Chartres). Cette composition se caractérise par de beaux mélismes terminaux, celui du verset est en particulier célèbre car c’est sur lui qu’on a modulé le Benedicamus Domino des vêpres solennelles et parce que nombre de polyphonies médiévales primitives sont construites sur cette modulation.
Les trois répons de saint Fulbert pour la Nativité de la Vierge Marie eurent un succès immédiat et se répandirent très rapidement non seulement dans les diocèses français, mais encore fort loin dans toute l’Europe (ils n’ont toutefois pas été retenus dans le Bréviaire romain de saint Pie V). Saint Bernard (c. 1090 † 1153) commente le texte de Stirps Jesse dans sa seconde homélie de l’Avent. Dès le XIIème siècle, notre répons reçoit les honneurs des toutes premières polyphonies aquitaines à deux voix.
Dans l’ancien usage de l’Eglise de Paris, le répons Stirps Jesse était chanté à six reprises :
- à l’office nocturne de la fête de l’Immaculée Conception (8 décembre), où il constitue le 6ème répons (3ème répons du 2nd nocturne),
- comme répons des premières vêpres de la fête de l’Assomption (15 août),
- au cours de la procession entre tierce et la grand’messe de l’Assomption, et son versé était alors “organisé”, c’est-à-dire chanté en organum polyphonique,
- aux premières vêpres de l’octave de l’Assomption (22 août),
- à l’office nocturne de la fête de la Nativité de la Sainte Vierge (8 septembre), où il constitue le 6ème répons (3ème répons du 2nd nocturne) et où il est à sa place primitive,
- à la procession suivant les complies de la fête de saint Denis (9 octobre).
L’une des conséquences inattendues du succès musical du répons Stirps Jesse de saint Fulbert de Chartres fut par la suite l’efflorescence du thème iconographique de l’arbre de Jessé, dont de belles représentations ornèrent les verrières de nos cathédrales gothiques.
Voici une magnifique vidéo de M. Michel Colas expliquant en détail la célèbre verrière de l’arbre de Jessé de la cathédrale de Chartres :
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