OBSERVATIONS AUTOUR
DE L’HISTOIRE ECCLESIASTIQUE ET LITURGIQUE
DU CATHOLICISME ALBANAIS
1.- “Res gestas illustraturi sumus regionis mirabilissimae, nonnulla adhuc in re tenebris circumdatae“.
C’est par cette phrase que les trois grands médiévistes, M. Sufflay, L. Thalloczy et C. Jirecek inaugurent leur monumental recueil d’actes sur l’histoire du Moyen-Age albanais[1]. C’est dire l’épaisseur de l’oubli dans lequel a été enfouie l’histoire d’un des plus anciens berceaux de la civilisation européenne. Le Haemus occidentalis, les Balkans occidentaux, notamment l’Illyricum qui s’étendait autrefois de la Carniole au Nord (Slovénie) au golfe d’Arta en Grèce au Sud et de la Mésie (Messicae) occidentale à l’Est à l’Adriatique et à la mer Ionienne à l’Ouest, ont souffert de la chape de plomb imposée par deux des plus impitoyables pourfendeurs de la civilisation européenne[2] à savoir l’empire ottoman et le communisme dans une époque plus récente. Le bâillonnement de la foi chrétienne, les conversions forcées, la destruction du patrimoine religieux et spirituel surtout catholique, la mise à mort de Dieu sous le communisme, l’extermination de l’hiérarchie ecclésiastique ont achevé, pendant 550 ans, hormis quelques rares et éphémères intervalles, d’anéantir ou presque le noyau de l’identité des descendants des Illyriens que sont les Albanais. Ceux-ci en souffrent toujours actuellement car l’absence de mémoire collective creuse l’ignorance sur les faits historiques et la réalité des événements. Ces repères peuvent pourtant toujours servir de solides repères pour avancer dans la voie du progrès humain. Or cette identité a reçu un coup fatal à la fois sous la domination ottomane et sous la dictature communiste et elle a été d’autant plus durement touchée que c’est un de ses ferments d’unité, à savoir l’appartenance religieuse, qui a été le plus visé. On n’apprendra rien en disant qu’en Albanie la religion fut interdite légalement[3] de 1967 à 1990, la célébration du culte pouvant être passible d’une peine d’emprisonnement de 20 ans et de travaux forcés. Les églises et tous les autres édifices à caractère religieux furent fermés, démolis – en grande partie hélas – ou transformés en hangars, salles de sport, cinémas, prisons….Si certaines églises orthodoxes furent épargnées en tant qu’objets muséaux, la quasi-totalité des églises catholiques furent démolies. La cathédrale primatiale de Saint-Etienne Protomartyr de Shkodra, construite en partie grâce au soutien financier du Pape Pie IX au milieu du XIXe siècle fut transformée en palais de sports et en salle de réunion des congrès du Parti. Elle ne retrouva un certain éclat qu’en 1993 lorsque le Pape Jean-Paul II vint en Albanie pour régénérer la hiérarchie catholique disparue depuis 1967, en sacrant les quatre premiers évêques depuis les années 1950 dans cette cathédrale même rendue au culte catholique par le gouvernement qui suivit la chute du communisme en 1991.