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Deux lettres de saint Germain de Paris sur la liturgie parisienne au VIème siècle

En ce 28 mai 2024, en la fête de saint Germain, évêque de Paris, nous avons le plaisir de publier une traduction des deux lettres où il décrit la liturgie parisienne de l’ancien rit des Gaules au VIème siècle.

Saint Germain de Paris guérissant les malades
Saint Germain de Paris guérissant les malades
Saint Germain de Paris naquit à Autun vers 496. Après avoir fait ses premières études à Avallon, il passa quinze ans à Luzy auprès de l’un de ses proches, un saint prêtre qui l’initia aux exercices de la vie ascétique. Saint Nectaire, successeur de saint Agrippia d’Autun qui l’avait ordonné prêtre en 536, le choisit pour abbé du monastère de Saint-Symphorien d’Autun. Elevé sur le siège de Paris l’an 555 sous le règne de Childebert, saint Germain se distingua, dans le gouvernement de son diocèse, par un zèle ardent et sage pour le maintien de la discipline, par une grande charité envers les pauvres, par une conciliation ferme dans les discordes civiles. Germain consacra à la date du 23 décembre 558, jour de la mort de Childebert une église à Paris dédiée au diacre saint Vincent : cette église avait érigée pour recevoir 1a tunique de saint Vincent rapportée en butin de Saragosse à Paris. Germain mourut à Paris le 28 mai 576, âgé de 78 ans. Il fut enterré dans l’oratoire de Saint-Symphorien de l’église de Saint-Vincent, qui fut reconsacrée le 25 juillet 754 sous le nom de Saint-Germain-des Prés. On mit sur son tombeau une épitaphe en vers latins, où il est nommé : le miroir de l’Eglise, la force de la patrie, l’asile des coupables, le Père et le médecin de son troupeau.

Entre 996 et 1031, le roi Robert le Pieux (996-1031) fonda une abbaye dédiée à saint Vincent et à saint Germain de Paris “in silva cognominata Ledia” (“dans la forêt appelée Laye”) : c’est l’origine de la ville de Saint-Germain-en-Laye. Ainsi, saint Germain de Paris est-il le saint patron du PSG ! 😀

En 1709, Dom Edmond Martène (1654 † 1739), célèbre savant bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur et moine de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, – secondé par Dom Durand – redécouvrit deux lettres de saint Germain de Paris dans une copie oubliée du IXème siècle détenue par l’Abbaye Saint-Martin d’Autun (aujourd’hui c’est le manuscrit n° 184 de la Bibliothèque municipale d’Autun : ce manuscrit est un recueil de plusieurs œuvres dont le “liber sententiarum”, en tête, et une lettre d’Alcuin au prêtre Adornus, à la fin. Les deux lettres de Saint Germain de Paris se trouvent aux fol. 114 v-122 v). Cette copie du IXème siècle respecte et préserve les particularités stylistiques du latin de l’original mérovingien. Les deux lettres furent publiées par les deux moines en 1717, dans leur “Thesaurus novus anecdotorum”, et reproduites dans la Patrologie latine de Migne, P.L.t. LXXII Col 89-98. Il est inscrit en tête des lettres : “Germanus episcopus Parisius scripsit de missa”. Le célèbre liturgiste Monseigneur Duchesne voyait dans ce manuscrit “le plus précieux document pour le Rite des Gaules”.

Germain adresse très certainement ses lettres à ses frères du monastère d’Autun (il peut donc aisément procéder par ellipses dans son texte, car la liturgie comme l’Ecriture Sainte sont bien connus des destinataires). Il est probable que le texte de ces lettres soit resté dans ce monastère et ne furent pas copiées au-delà de ses murs.

Saint Germain entend donner dans ses deux lettres une explication mystique des textes, gestes, objets employés par la liturgie de son temps. Cette explication est avant tout mystique, à l’instar de ce qu’écriront plus tard saint Germain de Constantinople, saint Nicolas Cabasilas ou Durand de Mende.

La première des deux lettres va dérouler l’ordo missæ, la seconde traitera de sujets plus divers : le chant liturgique, le catéchuménat, les ornements sacerdotaux. Nous présentons ici une traduction nouvelle de ces deux lettres que nous avons réalisée, avec quelques notes (qui seront augmentées progressivement dans les prochaines semaines).

Un des aspects le plus frappant de la liturgie décrite par saint Germain est sans doute ce que l’on appelle la “prolepse”, c’est-à-dire l’anticipation de la consécration des saints dons dès l’offertoire, à qui l’on rend déjà les honneurs dus au Corps et au Sang du Seigneur. Cette anticipation se retrouve dans les liturgies orientales (on songera à la Grande Entrée de la liturgie byzantine) comme dans l’offertoire de la messe romaine, si décrié par les Réformateurs (anciens & nouveaux).

Un autre point très intéressant à analyser est le secret du canon qui semble bien établi.

En 1909, le liturgiste Edmund Bishop s’est acharné à prouver que les lettres de saint Germain était un faux carolingien. Il est de bon ton depuis de les appeler le “pseudo-Germain”. Les critiques de l’historicité des deux lettres axent leur démonstration sur l’usage de formules similaires dans certains passages avec saint Isidore de Séville et saint Grégoire le Grand, qui sont postérieurs. Cela n’est pas probant : Germain pourrait avoir puisé à des sources plus anciennes, comme plus tard Isidore et Grégoire, d’autant que le langage théologique et plus encore le langage liturgique utilise des stéréotypes de formules (qui peuvent être issus de l’euchologie déjà existante, bien connue des Pères).

Un point intéressant que nous essaieront d’asseoir par nos notes (celles-ci sont pour l’heure relativement succinctes, nous publions cet article un peu dans l’urgence à la date du 28 mai pour honorer saint Germain) plaide pourtant fortement en la faveur de l’authenticité des deux lettres : tout ce que décrit Germain peut être corroboré par des témoignages des Pères et des conciles gaulois du VIème siècle et des époques antérieures.

Voici donc le texte de ces deux curieuses lettres.

 

EXPOSITIO BREVIS ANTIQUÆ LITURGIÆ GALLICANÆ
IN DUAS EPISTOLAS DIGESTA.

BREVE EXPOSITION DE L’ANCIENNE LITURGIE GALLICANE, DIVISEE EN DEUX LETTRES.

EPISTOLA PRIMA, QUOMODO SOLEMNIS ORDO ECCLESIÆ AGITUR, QUIBUSVE INSTRUCTIONIBUS CANON ECCLESIASTICUS DECORATUR.

PREMIERE LETTRE : COMMENT L’ORDRE SOLENNEL DE L’ÉGLISE EST CONDUIT, ET PAR QUELLES INSTRUCTIONS LE CANON ECCLESIASTIQUE EST EMBELLI.

Germanus episcopus Parisius scripsit de missa : L’évêque Germain de Paris a écrit au sujet de la messe :
Prima igitur ac summa omnium carismatum missa canetur, in commemoratione mortis Domini, quia mors Christi facta est vita mundi, ut offerendo proficerit in salute viventium et requiem defunctorum. La première et la plus grande de toutes les grâces, la messe, sera chantée en commémoration de la mort du Seigneur, car la mort du Christ est devenue la vie du monde, afin que, par l’offrande, elle profite au salut des vivants et au repos des défunts.
Notons que la messe dans les Gaules est chantée. Comme dans toute liturgie traditionnelle, le langage parlé n’est pas utilisé, seul le chant est le vecteur nécessaire d’une part pour la louange divine, d’autre part pour transmettre les textes sacrés en en facilitant la mémorisation, enfin pour des raisons d’intelligibilité et d’acoustique.

DE PRÆLEGERE

DU PRÆLEGENDUM

Antiphona ad prælegendo canetur, in specie patriarcharum illorum qui ante diluvium, adventum Christi mysticis vocibus tonuerunt, sicut Enoc septimus ab Adam, qui translatus est a Deo, prophetavit dicens : Ecce venit Dominus in sanctis mirabilibus suis facere judicium (Judae, 14), et reliqua. Quod testimonium Judas apostolus frater Jacobo, in Epistola sua commemorat. Sicut enim prophetantibus venit manus Domini super arcam, ut in damnatis daret reliquias terræ ; ita psallentibus clericis procedit sacerdos in specie Christi de sacrario tanquam de cælo in arca Domini, quæ est Ecclesia, ut tam monendum quam exhortandum nutriat in plebe bona opera, et extinguat mala. Une antienne ad prælegendum sera chantée, représentant ces patriarches d’avant le déluge, qui ont prophétisé la venue du Christ par des voix mystiques, comme Énoch, le septième depuis Adam, qui a été transporté [au ciel] par Dieu et a prophétisé en disant : “Voici, le Seigneur vient avec ses saints merveilleux pour exécuter le jugement” (Jude, 14), et le reste. Ce témoignage est rappelé par l’apôtre Jude, frère de Jacques, dans son Épître. De même que la main du Seigneur s’abattait sur l’arche pendant qu’ils prophétisaient, afin de donner un reste de la terre aux damnés ; ainsi, pendant que les clercs chantent des psaumes, le prêtre sort du sanctuaire en représentant le Christ, comme venant du ciel dans l’arche du Seigneur, qui est l’Église, pour nourrir la communauté avec des bonnes œuvres par l’enseignement et les exhortations, et pour éteindre les mauvaises œuvres.
L’Antienne ad prælegendum est l’équivalent pour les Gaules et l’Espagne de l’Ingressa ambrosienne et de l’Introït romain. Dans tous les cas, cette antienne par laquelle commence la messe accompagne une procession du clergé, à Rome, celle du Pape s’avançant par la nef vers le sanctuaire, dans les Gaules manifestement par la procession du célébrant sortant du sanctuaire pour aller dans le chœur au milieu de la nef pour le chant des lectures. Celui-ci est fait en effet dans le chœur (distinct du sanctuaire), souvenir du béma des synagogues (sur lequel était effectué la cantilène de la Thora) que les premiers chrétiens avaient conservé pour la première moitié de la messe (dite messe des catéchumènes).

Rapprochons la sortie du célébrant du sanctuaire telle que décrite par Germain de la Petite Entrée du clergé de la divine liturgie byzantine (qui sort aujourd’hui du sanctuaire, comme ce que décrit Germain, mais a pu processionner au travers de la nef de Saint-Sophie antérieurement, comme à Rome)

DE SILENTIO

DU SILENCE

Silentium autem diaconus pro duobus rebus annunciat, scilicet ut tacens populus melius audiat verbum Dei, et sileat cor nostrum ab omni cogitatione sordida, quo melius recipiatur verbum Dei.

Sacerdos ideo datur populo, ut dum ille benedicit plebe dicens : Dominus sit semper vobiscum, ab omnibus benedicatur dicentibus : Et cum spiritu tuo : ut tanto magis ille dignus sit populo benedicere, quantum, favente Deo, de ore totius populi recipit benedictionem.

Le diacre annonce le silence pour deux raisons : d’abord, afin que le peuple, en restant silencieux, puisse mieux entendre la parole de Dieu, et ensuite, pour que notre cœur se taise de toute pensée impure, afin que la parole de Dieu soit mieux reçue.

Le prêtre donne [sa bénédiction] au peuple pour que, lorsqu’il bénit l’assemblée en disant : “Le Seigneur soit toujours avec vous”, il soit béni par tous ceux qui répondent : “Et avec votre esprit”. Ainsi, il est d’autant plus digne de bénir le peuple qu’il reçoit, avec l’aide de Dieu, la bénédiction de la bouche de tout le peuple.

On rencontre aujourd’hui très souvent dans les liturgies orientales des monitions diaconales imposant le silence, elles existaient également dans les rits occidentaux. Les diacres chrétiens reprenaient ainsi la fonction des silentiaires impériaux (et il est probable que les monitions diaconales dérivaient des ordres des silentiaires, eux-mêmes reprenant probablement les ordres militaires des légions romaines.

On trouvera dans le pontifical composé vers 950 à Saint-Alban de Mayence (nommé par Michel Andrieu Pontifical Romano-Germanique) les monitions diaconales suivantes : State cum silentio, audientes intende ! ou State cum disciplina et silentio ! (C. Vogel et R. Elze (éd.) Le Pontifical Romano-Germanique du Xe siècle, t.2 Rome, 1963, p. 30 et 33 (Studi e Testi 226).

Le rit hispanique (mozarabe) contient la monition diaconale : Silentium facite.

Dans le rit romain actuel, il en reste quelque chose avec les invitations du diacre Flectamus genua et du sous-diacre Levate aux jours de pénitence, ou le Humiliate capita vestra Deo des messes de férie de Carême.

La salutation gallicane qu’emploie ensuite le célébrant est Dominus sit semper vobiscum, exactement comme dans le rit mozarabe d’Espagne.

DE AIUS

DE L’AGHIOS

Aius vero ante prophetia pro hoc cantatur in Græca lingua, quia prædicatio Novi Testamenti in mundo per Græca lingua processit, excepto Mathæo apostolo, qui primus in Judæa Evangelium Christi Hebræis litteris edidit. Servate ergo honorem linguæ, quæ prima Evangelium Christi vel suo senio recipit, vel suis litteris docuit primum canticum. Incipiente præsule Ecclesiæ Aius psallet dicens Latino cum Græco, ut ostendat junctum Testamentum Vetus et Novum. Dictum Amen ex Hebræo instar tituli quod in trinitate linguarum instigante Deo Pilatus posuit super crucem confitens quamvis ignarus Jesus Nazarenus, id est Sanctum et Regem. Tres autem parvoli qui ore uno sequentes Khyrie eleison Hebræa scilicet Græca et Latina, vel trium temporum sæculi, ante legem scilicet sub lege et sub gratia, Cependant, l’Aghios est chanté en langue grecque avant la prophétie, parce que la prédication du Nouveau Testament s’est répandue dans le monde en langue grecque, à l’exception de l’apôtre Matthieu, qui le premier en Judée a publié l’Evangile du Christ en lettres hébraïques. Respectez donc l’honneur de la langue qui a été la première à recevoir l’Évangile du Christ soit par son ancienneté, soit par ses lettres, et qui a enseigné le premier cantique. Lorsque le chef de l’Église commence à chanter l’Aghios en latin et en grec pour montrer l’union de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le mot “Amen” en hébreu est utilisé de même que sur le Titre que Pilate, inspiré par Dieu, a placé sur la croix en trois langues, bien qu’il ignorait qu’il confessait ainsi Jésus de Nazareth comme Saint et Roi. Ensuite trois jeunes enfants chantent d’une seule voix “Kyrie eleison” [signifiant les trois peuples] hébreu, grec et latin ou bien les trois âges du monde : avant la loi, sous la loi et sous la grâce.
Aius est une déformation manifeste du mot grec Aghios et doit représenter la façon dont ce terme était alors prononcé dans la Gaule chrétienne (le sacramentaire gallican de Bobbio orthographie Aios). Il s’agit très vraisemblablement du chant du Trisaghion, chanté à cette place au début de la liturgie depuis le Vème siècle au moins à Constantinople. Il se rencontre également dans la messe du rit mozarabe. Saint Germain de Paris laisse entendre qu’il était chanté de façon alternée en grec et en latin, l’intonation étant faite par le célébrant, exactement comme dans les impropères du rit romain au Vendredi Saint, dont les liturgistes ont toujours souligné l’origine gallicane.
Le Trisaghion est suivi du chant du Kyrie, comme dans la messe romaine. Toutefois, le texte ne laisse pas entendre qu’il est répété plusieurs fois, il est probable qu’il n’est chanté qu’une fois par trois enfants de chœur sans reprise.

DE PROPHETIA

DE LA PROPHETIE

Canticum autem Zachariæ pontificis in honorem sancti Johannis Baptistæ cantatur, pro eo quod primordium salutis in baptismi sacramenta consistit, quod in ministerium Johannis Deo donante suscipit et deficiente umbra veteris, et oriente nova Evangelii claritate Johannes medius est prophetarum novissimus et evangelistarum primus ante faciem verae Lucis radians lucerna fulsit : ideo prophetia quam pater ejus ipso nascente cecinit, alternis vocibus ecclesia psallet. Le cantique du pontife Zacharie est chanté en l’honneur de saint Jean-Baptiste, car le début du salut réside dans le sacrement du baptême, que Jean, par la grâce de Dieu, administre. Alors que l’ombre de l’ancienne (loi) disparaît et que la nouvelle clarté de l’Évangile se lève, Jean est à la fois le dernier des prophètes et le premier des évangélistes, brillant comme une lampe avant la vraie Lumière. C’est pourquoi l’Église chante en alternance la prophétie que son père a prononcée à sa naissance.
C’est un élément fort de l’ancien rit des Gaules de chanter après le Kyrie le cantique de Zacharie – le Benedictus – là où le rit romain emploie la Doxologie angélique – le Gloria in excelsis Deo. Il faut se souvenir que dans les premiers temps de l’Eglise, la célébration du saint sacrifice de la messe s’enchaînait à la fin de la longue veillée nocturne que nous désignons de façon moderne sous le nom de matines et laudes. Dans le rit romain, le Benedictus a été gardé à la fin des laudes et le Gloria in excelsis a été mis au début de la messe, dans le rit des Gaules, le Gloria a été conservé à la fin de l’office du matin – comme l’indiquent saint Césaire d’Arles et saint Aurélien d’Arles dans leurs règles (comme le fait également le rit byzantin) et le Bénédictus a été placé au début de la messe.

L’intonation de la Prophétie de Zacharie était faite par le célébrant aux dires de saint Grégoire de Tours (“Comme l’évêque Palladius commençait à entonner la prophétie” – Histoire des Francs, liv. VII, chap. VIII.). Saint Germain indique que le cantique prophétique était ensuite chanté de façon antiphonée, probablement à deux chœurs.

Il est à noter que saint Germain appelle le cantique de Zacharie “Prophetia” – sa description explique bien pourquoi cette appellation. Dans les différents sacramentaires gallicans anciens qui nous ont été conservés, on trouve régulièrement une oratio post prophetiam ; le texte de cette oraison, qui correspond à la collecte de la messe romaine, cite très souvent quelque passage du cantique Benedictus.

DE PROPHETA ET APOSTOLO

DE LA PROPHETIE ET DE L’APOTRE

Lectio vero prophetica suum tenet ordinem, veteris videlicet testamenti corripiens mala et adnuncians futura, ut intelligamus ipsum Deum esse, qui in prophetia tonuit, quam qui et in Apostolo docuit, et in Evangelico splendore refulsit. La lecture prophétique prend place, condamnant les maux de l’ancienne alliance et en annonçant les temps futurs, afin que nous comprenions que c’est Dieu lui-même qui tonne dans la prophétie, comme il l’a enseigné aussi bien dans les écrits apostoliques que dans l’éclat de l’Évangile.
Comme aux messes des Mercredis des Quatre-Temps du rit romain, le rit des Gaules connaissait trois lectures : une prophétie (tirée de l’Ancien Testament), une épître (des lettres du Nouveau Testament) et l’évangile. Trois livres liturgiques étaient utilisés : “Les clercs ayant placé trois livres sur l’autel : les Prophètes, l’Apôtre, les Évangiles, convinrent de lire chacun à la Messe le passage qu’ils auraient trouvé à l’ouverture du livre” (Grégoire de Tours, Histoire des Francs, liv. IV, chap. XVI.)

Aux fêtes des saints, on lisait en revanche à sa place une extrait de la passion ou de la vie du saint, comme fait toujours le rit ambrosien ; saint Grégoire de Tours l’atteste à plusieurs reprises : “On avait achevé la lecture de la passion du grand martyr Polycarpe” (Gloire des Martyrs, I, 86.) – “Le jour de la fête, comme le peuple était présent et qu’on lisait les miracles de sa vie” (Gloire des Martyrs, 11, 49).

DE APOSTOLO

DE L’APOTRE

Quod enim propheta clamat futurum, apostolus docet factum. Actus autem apostolorum vel Apocalypsis Johannis pro novitate gaudii Paschalis leguntur, servantes ordinem temporum sicut historia Testamenti Veteris in Quinquagesimo, vel gesta sanctorum confessorum ac martyrum. in solemnitatibus eorum, ut populus intellegit quantum Christus amaverit famulum, dans ei virtutis indicium, quem devota plebicula suum postolat patronum. Car ce que le prophète proclame comme futur, l’apôtre enseigne comme réalisé. Les Actes des Apôtres ou l’Apocalypse de Jean sont lus pour renouveler la joie pascale, tout comme l’histoire de l’Ancien Testament est lue depuis la Quinquagésime en respectant l’ordre historique, ou les actes des saints confesseurs et martyrs lors de leurs fêtes, afin que le peuple comprenne combien le Christ a aimé son serviteur, lui donnant ainsi un signe de sa puissance, pour que la pieuse communauté puisse invoquer son saint patron.
Les titres intermédiaires sont peut-être de la main du copiste du IXème siècle et induisent un découpage en paragraphes. Toutefois, il conviendrait d’unir ce paragraphe avec le précédent pour ne pas obscurcir la compréhension.

Avant l’évangile donc, la messe des Gaules connait une prophétie et une épître apostolique.

Au temps pascal, on tire vraisemblablement la prophétie des Actes des Apôtres (comme le rit Byzantin qui n’emploie que les Actes comme épître durant tout le temps pascal, faisant commencer sa lecture à la liturgie du jour de Pâques par le péricope où Luc narre l’Ascension). Durant le temps pascal, l’apôtre est tiré de l’Apocalypse de saint Jean, dont le rit des Gaules a toujours fait grand cas, en particulier dans son répertoire de chants (est-ce dû à la fondation de l’Eglise de Lyon par des disciples de saint Polycarpe de Smyrne, lui-même disciple de saint Jean ? Notons que le rit byzantin n’emploie jamais l’Apocalypse).

L’ordre des livres de l’Ancien Testament démarre à la Quinquagésime par la Genèse (saint Germain ne connait pas encore la Septuagésime). A Rome, l’ordre de la lecture des livres de l’Ancien Testament (aux nocturnes) commence par la Genèse au dimanche de la Quinquagésime.

On pourrait aussi déduire du texte que durant le Carême, l’épître est tirée de l’Ancien Testament, ce que fait le rit romain aux féries de Carême.

Les Actes du saint sert de première lecture à la messe, comme au rit ambrosien. La seconde lecture est une épître apostolique, comme l’attestent le lectionnaire de Luxeuil et le sacramentaire de Bobbio, qui ne précisent que le péricope choisit pour l’apôtre et omettent de référencer les Actes des saints lus aux jours de leurs fêtes.

Notons que saint Germain ne note pas la présence d’un chant intercalaire entre la prophétie et l’apôtre. Beaucoup d’usages diocésains médiévaux du rit romain – comme celui de Paris – placeront de même des prophéties avant l’épître, notamment à Noël, sans mettre de chant intercalaire ni d’oraison.

DE HYMNUM

DE L’HYMNE

Hymnum autem trium puerorum, quod post lectionis canetur in figura sanctorum veterum, qui sedentes in tenebris adventum Domini expectabant. Sicut enim illis silentibus quartus angelus adfuit in nubem roris, inferens ignis incendia vicit : ita et istis Christo praestolantibus ipse Dei Filius magni consilii Angelus adfuit, qui tartaria frangens imperia, gaudium resurrectionis illos liberans intulit, quod Evangelista docet. Secundum hoc etiam ecclesia servat ordinem, ut inter benedictionem et Evangelium lectio intercedat nisi tantum modo responsorium, quod a parvolis canetur, instar innocentum qui pressi in Evangelium consortis Christi nativitatem leguntur, vel eorum parvolorum qui properante ad passionem Domini, clamabant in templum Osanna Fili David, Psalmista canente ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem (Ps. VIII, 3). Quant à l’Hymne des Trois Enfants, qui est chanté après la lecture, il représente les saints de l’ancien temps, qui, assis dans les ténèbres, attendaient l’avènement du Seigneur. Car tout comme pour eux, alors qu’ils restaient silencieux, un quatrième ange apparut dans un nuage de rosée, vainquant les flammes du feu, de même pour ceux qui attendaient le Christ, le Fils de Dieu lui-même, l’Ange du Grand Conseil, est apparu, brisant les pouvoirs des enfers et apportant la libération de la joie de la résurrection, comme l’enseigne l’Évangéliste. En conséquence, l’Église maintient également cet ordre, de sorte qu’entre la Bénédiction [des Trois Enfants] et l’Évangile, il y ait pas d’autre lecture, à l’exception d’un simple répons chanté par les enfants, représentant les innocents qui sont associés à la naissance du Christ dans l’Évangile, ou de ces petits enfants qui, lors de l’entrée du Seigneur à Jérusalem, criaient dans le temple “Hosanna au Fils de David”, comme le psalmiste le chante : “Tu as tiré la louange de la bouche des enfants et des nourrissons” (Psaume VIII, 3).
Le rit des Gaules place donc le premier des Cantiques des Trois Enfants dans la fournaise (Daniel III, 52-55) à toutes ses messes entre l’apôtre et l’évangile. De façon assez similaire, le rit romain place ce cantique des Trois Enfants entre la dernière prophétie et l’épître aux messes des samedis des Quatre-Temps, on le retrouve aussi dans la vigile pascale byzantine, parmi les 15 prophéties.

Notons que saint Germain place après le chant des Bénédictions des Trois-Enfants un répons chanté par des enfants, qui est l’équivalent du graduel romain, du psalmellus ambrosien (chanté par des enfants en certaines occasions), du psallentdum mozarabe, donc un texte court tiré des psaumes avec une partie reprise (le répons proprement dit) et un verset. A Paris, des enfants chantaient le répons, mais saint Grégoire de Tours note que dans son église il était chanté par un diacre (“Le Roi Gontran m’ordonna de faire chanter mon diacre, qui, la veille à la Messe, avait entonné le répons des psaumes” (Histoire des Francs, L VIII, c.III).

Notons que saint Germain ne connait pas l’Alleluia avant l’évangile à la messe qui mit du temps à s’imposer à Rome tout au long de l’année après son introduction à Pâques sous le pontificat du pape Damase à l’instigation de saint Jérôme.

DE AIUS ANTE EVANGELIUM

DE L’AGHIOS AVANT L’EVANGILE

Tunc in adventu sancti Evangelii claro modulamine denuo psallet clerus Aius in specie angelorum ante faciem Christi ad portas inferi clamantium : Tollite portas principes vestras, et elevamini portae aeternales, et introibit Dominus virtutum rex gloriae (Ps. XXIII, 7). Ensuite, à l’arrivée de l’Évangile sacré, le clergé chantera à nouveau l’Aius d’une voix éclatante, représentant les anges devant le visage du Christ aux portes de l’enfer, clamant : “Ouvrez, portes éternelles, le Roi de gloire entrera.” (Psaume XXIV, 7).
Chantait-on à nouveau l’Aghios o Theos pénitentiel du début de la messe (couplé à la supplication du Kyrie eleison), ou plus vraisemblablement une acclamation éclatante comme celle qu’emploie le rit mozarabe d’Espagne au début de l’offertoire avant les diptyques : Agios, Agios, Agios, Domine Rex aeterne, tibi laudes et gratias.

DE EVANGELIO

DE L’EVANGILE

Egreditur processio sancti Evangelii velud potentia Christi triumphantis de morte, cum praedictis armoniis, et cum septem candelabris luminis quae sunt septem dona Spiritus sancti vel v. legis lumina mysterio crucis confixa, ascendens in tribunal analogii, velud Christus sedem regni paternae, ut inde intonit dona vitae, clamantibus clericis Gloria tibi, Domine, in specie angelorum qui nascente Domino Gloria in excelsis Deo (Luc. II, 14) pastoribus apparentibus cecinerunt. La procession du saint Évangile sort comme la puissance du Christ triomphant de la mort, avec les harmonies prévues et avec les sept chandeliers de lumière qui représentent les sept dons du Saint-Esprit ou les cinq lumières de la loi mystiquement fixées à la croix. Elle monte vers le tribunal de l’ambon, comme le Christ montant sur le trône du royaume du Père, pour de là proclamer les dons de la vie, tandis que les clercs crient “Gloire à toi, Seigneur”, dans l’apparence des anges qui ont chanté “Gloire à Dieu au plus haut des cieux” (Luc 2:14) aux bergers à la naissance du Seigneur.
Saint Grégoire de Tours, (Histoire des Francs, l. VIII, c. IV.) indique que l’évangéliaire est porté solennellement par le diacre. Celui-ci est accompagné de sept acolytes céroféraires, vraisemblablement réduits à cinq aux jours plus ordinaires. L’acclamation au titre de l’évangile notée par saint Germain de Paris est la même qu’à Rome, à Tolède ou à Milan : Gloria tibi, Domine.

DE SANCTVS POST EVANGELIUM

DU SANCTUS APRES L’EVANGILE

Sanctus autem quod redeunte sancto Evangelio clerus cantat, in specie sanctorum, qui redeunte Domino Jesu Christo de inferis canticum laudis Dominum sequentis cantaverunt, vel septuaginta quatuor seniorum quos in Apocalypsin Johannes commemorat, qui mittentes coronas suas ante Agnum dulce canticum cantaverunt. Le “Sanctus”, que le clergé chante lorsque l’Évangile saint revient [à sa place], représente les saints qui, à la résurrection du Seigneur Jésus-Christ des enfers, ont chanté le cantique de louange au Seigneur, ou les soixante-quatorze anciens mentionnés par Jean dans l’Apocalypse, qui ont jeté leurs couronnes devant l’Agneau et ont chanté le doux cantique.
Je suis enclin à penser qu’on chantait la même acclamation processionnelle qui accompagnait la procession de l’évangile avant celui-ci, mais en latin cette fois-ci et non plus en grec. Rappelons l’acclamation que le rit hispanique place un peu après au début de l’offertoire : Agios, Agios, Agios, Domine Rex aeterne, tibi laudes et gratias.

DE OMELIAS

DE L’HOMELIE

Homelias autem sanctorum quæ leguntur pro sola prædicatione ponuntur, ut quicquid propheta, Apostolus, vel Evangelium mandavit, hoc doctor vel pastor Ecclesiæ apertiori sermone populo prædicet : ita arte temperans, ut nec rusticitas sapientes offendat, nec onesta loquacitas obscura rusticis fiat. Les homélies des saints qu’ont lit ne sont placées que pour prendre la place de la seule prédication, afin que tout ce que le Prophète, l’Apôtre ou l’Évangile a ordonné soit prêché au peuple par le docteur ou le pasteur de l’Église dans un discours plus clair. Il doit modérer son art de telle manière que ni la rusticité n’offense les sages, ni la loquacité honnête ne devienne obscure pour les rustres.
La rédaction de ce passage est quelque peu elliptique mais on déduit que soit le célébrant prêchait l’homélie, soit on lisait une homélie sur l’Ecriture tirée des écrits des Pères de l’Eglise (pour palier au manque de talent du célébrant). Cette pratique avait été autorisée par le IIIème Concile de Vaison du 5 novembre 529, qui déclare dans son second canon :

Nous avons trouvé bon aussi, pour le progrès de toutes les églises et pour l’utilité de tout le peuple, que non seulement dans les cités, mais aussi dans toutes les paroisses, nous permettions aux prêtres de prendre la parole, avec cette précision que si le prêtre, empêché par quelque infirmité, ne pouvait pas prêcher lui-même, les homélies des saints pères soient lues par les diacres; si en effet les diacres sont dignes de lire ce que le Christ a dit dans l’évangile, pourquoi les jugerait-on indignes de lire en public les commentaires des saints pères ?

DE PRECE

DES PRIERES

Preces vero psallere levitas pro populo ab origine libris Moysacis ducit exordium, ut audita apostolis prædicatione, levitæ pro populo deprecentur, et sacerdotes prostrati ante Dominum pro peccata populi intercedant, dicente Domino ad Aaron : Tu et filii tui vel omnis tribus Levi portabitis peccata populi mei, utique non pænaliter sustinendo ; suissed precibus sublevando. L’origine des prières psalmodiées par les lévites nous vient des livres de Moïse; après avoir entendu la prédication des apôtres, les lévites intercèdent pour le peuple, tandis que les prêtres, prosternés devant le Seigneur, intercèdent pour les péchés du peuple, comme le Seigneur l’a dit à Aaron : “Toi et tes fils, ainsi que toute la tribu de Lévi, porterez les péchés de mon peuple”, non pas en les supportant péniblement, mais en les soulageant par leurs prières”.
Comme dans la liturgie byzantine ou autres liturgies orientales (cela est déjà décrit par les Constitutions APostoliques, les diacres psalmodies des prières litaniques. Celles-ci sont conclues par une oraison du célébrant appelée dans les sacramentaires gallicans collectio post precem (collecte après la prière). On trouve dans la messe mozarabe une prière diaconale semblable au début de l’offertoire, le peuple répondant Præsta æterne omnipotens Deus après chaque invitation du diacre à la prière. Ces prières sont conclues dans la liturgie espagnole par une oraison appelée Alia (oraison “pour les autres”) qui correspond à la Post precem gallicane.

DE CATICUMINO

DU RENVOI DES CATECHUMENES

Caticuminum ergo diaconus ideo clamat juxta anticum ecclesiæ ritum, ut tam Judæi, quam hæretici, vel pagani instructi, qui grandis ad baptismum veniebant, et ante baptismum probantur starent in ecclesia, et audirent consilium Veteris et Novi Testamenti, postea deprecarent pro illos levitæ, diceret sacerdos collecta post prece, exirent postea foris, qui digni non erant stare, dum inferebatur oblatio, et foras ante ostium abscultarent prostrati ad terram magnalia : quæ cura ad diaconum vel ad ostiarium pertinebat, ut illis admoneret exire, iste provideret ne quis indignus retardaretur in templo dicendo nolite dare Sanctum canibus, neque mittatis margaritas vestras ante porcos. Quid enim in terra sanctius confectione corporis et sanguinis Christi ? et quid plus immundum canis et porci ? Similitudine comparandum eo, vel qui non est purgatus baptismo, vel non monitus crucis signaculum. Ainsi, le diacre proclame [le renvoi] des catéchumènes selon l’ancien rituel de l’Église, afin que les Juifs, les hérétiques ou les païens instruits qui venaient adultes au grand baptême, et qui étaient examinés avant le baptême, se tiennent dans l’église et entendent les conseils de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ensuite, les lévites intercèdent pour eux, le prêtre dit la collecte après la prière, et ensuite ils sortent dehors, ceux qui ne sont pas dignes de rester, pendant que l’offrande est présentée. À l’extérieur, devant la porte, ils écoutent, prosternés à terre, les grandes choses ; cela relevait de la responsabilité du diacre ou du portier de les avertir de sortir, pour qu’ils empêchent que quiconque indigne ne soit retardé dans le temple, en disant : “Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux”. Car qu’y a-t-il de plus sacré sur terre que la consécration du corps et du sang du Christ ? Et qu’y a-t-il de plus impur que les chiens et les porcs ? Cela peut être comparé à ceux qui ne sont pas purifiés par le baptême, ou qui n’ont pas été avertis du signe de la croix.
Il est intéressant de noter que saint Germain décrive la pratique du renvoi des catéchumènes adultes au passé. Le catéchuménat adulte devait se raréfier au profit du baptême des petits enfants. Tout le passage suggère malgré tout qu’on maintienne encore à cette époque les monitions diaconales qui ordonnaient aux catéchumènes de quitter l’église avant que ne commence l’offertoire et la messe des fidèles.

Voici les monitions que dit le diacre à ce moment de la liturgie byzantine : Que tous les catéchumènes se retirent. Catéchumènes, retirez-vous ! Que tous les catéchumènes se retirent. Qu’aucun catéchumène ne reste.

Saint Grégoire de Tours ne mentionne pas le renvoi des catéchumènes, il avait dû déjà tomber en désuétude dans son église. Cependant, il mentionne le renvoi des pénitents publics au même endroit (“Après que l’on eut offert les dons sur l’autel, l’évêque Nizier dit : ‘On n’achèvera pas ici, aujourd’hui, le sacrifice de la Messe à moins que ne sortent ceux qui sont privés de la communion’” – Vies des Pères, XVII, 2), de même que le Concile de Lyon de 517.

Spiritaliter jubemur silentium facere observantes ad ostium, id est ut tacentis a tumultu verborum vel vitiorum signum crucis ponamus ante faciem nostram, ne intret concupiscentia per oculis, ira per aurem, ne prodeat sermo turpis ex labiis, et hoc solum cor intendat, ut in se Christum suscipiat. Nous sommes spirituellement appelés à observer le silence près de la porte, c’est-à-dire à placer devant notre visage le signe de la croix, témoignant du silence face à l’agitation des mots ou des vices. Cela afin que la convoitise ne pénètre pas par les yeux, que la colère n’entre pas par les oreilles, et que des paroles honteuses ne sortent pas de nos lèvres. Notre seul but est de nous concentrer sur notre cœur, afin d’y accueillir le Christ en nous.
Le texte de saint Germain fait sans doute ici allusion à des monitions diaconales demandant à la fois la garde des portes désormais fermées de l’église par les portiers et le silence à l’assemblée. Voici la monition diaconale de la liturgie byzantine qui a dû avoir son pendant dans la liturgie parisienne du temps de saint Germain : Les portes. Les portes. Sagesse, soyons attentifs.

DE SONO

DU SONUS

Sonum autem, quod canetur quando procedit oblatio, hinc traxit exordium. Præcepit Dominus Moysi, ut faceret tubas argenteas, quas levitæ clangerent quando offerebatur hostia, et hoc esset signum, per quod intellegeret populus qua hora inferebatur oblatio, et omnes incurvati adorarent Dominum, donec veniret columna ignis aut nubes, qui benediceret sacrificium. Nunc autem procedentem ad altarium corpus Christi non jam tubis inrepraehensibilibus, sed spiritalibus vocibus præclara Christi magnalia dulci modilia psallet Ecclesia. Corpus vero Domini ideo defertur in turribus, quia monumentum Domini in similitudinem turris fuit scissum in petra, et intus lectum ubi pausavit corpus dominicum, unde surrexit Rex gloriæ in triumphum. Sanguis vero Christi ideo specialiter offertur in calice, quia in tale vasum consecratum fuit mysterium Eucharistiae pridie quam pateretur Dominus ipso dicente, Hic est calix sanguinis mei mysterium fidei qui pro multis effundetur in remissionem peccatorum (Matth. XXVI, 28). Panis vero in corpore et vinum transformatur in sanguine, dicente Domino de corpore suo : Caro enim mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus (Joan. VI, 55). De pane dixit hoc est corpus meum, et de vino hic sanguis meus (Matth. XXVI, 26). Aqua autem ideo miscitur, vel quia decet populo unitum esse cum Domino, vel quia de latere Christi in cruce sanguis manavit et aqua, et unum mundemur a labe culparum, alio praeparemur ad regna cælorum. Le “sonus” qui est chanté lorsque l’offrande est présentée, voici d’où tire son origine : Le Seigneur a ordonné à Moïse de fabriquer des trompettes d’argent que les Lévites devaient faire retentir lorsque l’offrande était offerte en sacrifice, et cela devait servir de signe permettant au peuple de comprendre à quel moment l’offrande était faite, et tous s’inclinaient pour adorer le Seigneur jusqu’à ce que la colonne de feu ou la nuée vienne bénir le sacrifice. Maintenant, lorsque le corps du Christ s’approche de l’autel, l’Église chante les merveilles éclatantes du Christ avec des voix spirituelles douces, non plus avec des trompettes indiscernables. Le corps du Seigneur est porté dans des tours, car le tombeau du Seigneur ressemblait à une tour taillée dans la pierre, à l’intérieur duquel reposait le corps du Seigneur, d’où le Roi de gloire ressuscita en triomphe. Le sang du Christ est spécialement offert dans le calice, car dans ce vase consacré fut institué le mystère de l’Eucharistie la veille de la passion du Seigneur, lui-même disant : “Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour plusieurs pour la rémission des péchés” (Matthieu XXVI, 28). Quant au pain, il est transformé en corps et le vin en sang, car le Seigneur a dit de son corps : “Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment une boisson” (Jean VI, 55). Il a dit du pain : “Ceci est mon corps”, et du vin : “Ceci est mon sang” (Matthieu XXVI, 26). Quant à l’eau, elle est mélangée soit parce qu’il convient que le peuple soit uni au Seigneur, soit parce que du côté du Christ sur la croix a coulé du sang et de l’eau, et ainsi nous sommes purifiés de la souillure des péchés et préparés à entrer dans les royaumes des cieux.
Un chant accompagne la procession des oblats à l’offertoire et reçoit le nom de Sonus. Il équivaut probablement au Laudes et Sacrificum que chante le rit mozarabe à l’offertoire, aux antiennes Post Evangelium et Offertorium du rit ambrosien, et quelque peu au répons d’offertoire romain.

Notons que saint Germain à l’offertoire n’indique nullement de présentation des oblats, mais parle bien du Corps du Seigneur porté dans des tours (il faut imaginer des pyxides). Deux possibilités s’offrent à nous pour comprendre ce passage : soit on portait triomphalement à l’autel dans des tours-pyxides une réserve eucharistique – le fermentum – qui était conservée d’une messe à la suivante pour marquer ainsi la continuité du sacrifice (pratique en usage à Rome) ; ou bien – plus vraisemblablement – tout ce passage montre que la prolepse – une anticipation du sacrifice à l’offertoire, à l’instar de la Grande Entrée byzantine ou de l’offertoire de la messe romaine traditionnelle (on retrouve une semblable anticipation du sacrifice dans les liturgies alexandrines et antiochiennes – est déjà bien ancrée dans la théologie & la liturgie franques du VIème siècle. Le parallèle avec la liturgie byzantine est particulièrement frappant : un chant accompagne le transport des saints dons sur l’autel (“car le Roi des Rois et le Seigneur des Seigneurs s’avance” chante la Grande Entrée de la Liturgie de saint Jacques), auxquels on rend les honneurs dus au Corps et au Sang du Seigneur (et non à un simple pain et à une coupe de vin). Il est frappant de constater que dans son commentaire mystique de l’Eucharistie, saint Germain évoque les paroles du christ du récit de l’Institution dans le passage où il parle du transport des saints dons.

Patena autem vocatur ubi consecratur oblatio, quia mysterium Eucharistiæ in commemoratione offertur passionis Domini. Palla vero linostima in illius indumenti tenet figuram, quia in gyro contexta a militibus non fuit divisa, tonica scilicet Christi. Corporalis vero palla ideo pura linia est super quam oblatio ponitur, quia corpus Domini puris linteaminibus cum aromatibus fuit obvolutum in tumulo. Coopertum vero sacramentorum ideo exornatur, quia omnia ornamenta praecellit resurrectio Christi, vel camara cæli quæ nunc Dominum teget ab oculis nostris. Siricum autem ornatur, aut auro, vel gemmis, quia Dominus Moysae in tabernaculo fieri velamina jussit ex auro, jacincto, et purpura, coccoque bis tincto et bysso retorta : quia omnia illa mysteria in Christi præcesserunt stigmata. La patène est appelée ainsi car c’est là que l’offrande est consacrée, car le mystère de l’Eucharistie est offert en commémoration de la passion du Seigneur. La pale, quant à elle, tient la forme de ce vêtement, car elle n’a pas été divisée par les soldats, représentant la tunique du Christ. Le corporal est une nappe de lin pur sur laquelle l’offrande est placée, car le corps du Seigneur était enveloppé de linges purs avec des aromates dans le tombeau. Le voile des sacrements est orné car la résurrection du Christ surpasse tous les ornements, ou comme le voile céleste qui couvre maintenant le Seigneur à nos yeux. Le tissu de soie est orné soit d’or, soit de gemmes, car le Seigneur a ordonné à Moïse de faire des tentures dans le tabernacle en or, en hyacinthe, en pourpre, en double écarlate et en fin lin : car tous ces mystères préfiguraient les stigmates du Christ.
Très intéressante descriptions des instruments liturgiques en usage au VIème siècle à Paris. Si la patène ne pose pas de difficulté, il faudra bien évidemment ne pas assimiler la pale à la forme actuelle (il s’agissait d’un premier voile qui se posait au dessus des espèces une fois celles-ci posées sur l’autel, le corporal étant une grande nappe en dessous. Particularité de l’ancien rit des Gaules, un grand voile de soie richement orné – le voile des sacrements – recouvre le tout. Il est probable que ce soit l’ancêtre de notre voile de calice actuel. Saint Grégoire de Tours ( Miracles de saint Martin, 1. 2, c. 25.) rapporte que ce voile devait être suffisamment large pour recouvrir les oblats : Lorsqu’après avoir déposé sur l’autel les Saints Dons on eut couvert d’un voile, suivant l’usage, le Mystère du Corps et du Sang du Christ. Ce voile devait ne pas être trop translucide mais bien épais pour recouvrir les Saints Mystères. Ailleurs saint Grégoire de Tours rapporte qu’un homme ayant donné un voile précieux, il fut défendu de s’en servir à cause qu’il était transparent : “Quant au voile, comme il est mince et transparent, qu’il ne soit pas placé sur les offrandes de l’autel, parce qu’il ne peut couvrir suffisamment le Mystère du Corps et du Sang du Christs” (Vies des Pères, c. II.).

L’usage de ce voile des sacrements parait confirmer la conception “prolepse” de l’offertoire pour saint Germain : l’honneur et le mystère dus aux saints dons sont rendus en anticipation de leur consécration.

Laudes autem, hoc est Alleluia, Johannes in Apocalypsi post resurrectionem audivit psallere. Ideo hora illa Domini palleo quasi Christus tegitur caælo, Ecclesia solet angelicum canticum : quod autem habet ipsa Alleluia prima et secunda et tertia signat tria tempora ante lege, sub lege, sub gratia. Quant aux “laudes”, c’est-à-dire l’Alléluia, Jean l’a entendu chanter dans l’Apocalypse après la résurrection. C’est pourquoi, à cette heure, alors que le Seigneur est voilé comme le Christ est couvert par le ciel, l’Église chante le cantique angélique. Le fait qu’il y ait un premier, un deuxième et un troisième Alléluia symbolise les trois époques : avant la loi, sous la loi, et sous la grâce.
Je pense que le chant de l’offertoire de la messe de saint Germain comportait deux parties : Sonus puis Laudes. Cette seconde partie – chantée une fois opéré le transfert des oblats sur l’autel, recouvert du voile des sacrements, comportait trois alléluia. On peut rapprocher cela de la grande entrée du rit byzantin, également chantée en deux parties, dont la seconde s’achève toujours par un triple alléluia (dans les quatre textes utilisés par ce rit à cet endroit durant l’année : grande entrée de saint Jean Chrysostome, des Présanctifiés de Carême, du Grand Jeudi et du Grand Samedi). Le rit mozarabe connait également deux pièces à l’offertoire dont la première est appelée Laudes et commence par un alleluia et la seconde est appelée Sacrificium et s’achève par un alléluia.
Nomina defunctorum ideo hora illa recitantur qua palleo tolletur, quia tunc erit resurrectio mortuorum, quando adveniente Christo cælum sicut libet plicabitur. Pacem autem ideo Christi mutuo proferunt, ut per mutuo osculo teneant in se caritatis affectum, et qui aliqua fuscatur discordia, cito recurrat ad gratiam, vel petat proximo veniam, ne pacem falsam dando incurrat proditoris consortium, et tantum melius proficiat Eucharistia suscepta vel benedictio tradita, quantum Christus conspicerit pacifica esse corda, quia ipse mandavit discipulis cælos ascendens, pacem reliquo vobis, pacem meam do vobis (Joan. XIV, 27), et in hoc cognoscent omnes quod discipuli mei estis, si vos invicem dilexeritis. Les noms des défunts sont récités à cette heure où le voile est enlevé, car alors sera la résurrection des morts, lorsque le Christ viendra et que le ciel sera plié comme un livre. La paix du Christ est alors mutuellement proclamée pour que, par ce baiser d’amour mutuel, ils maintiennent en eux l’affection de la charité. Et si quelqu’un est entaché de discorde, qu’il revienne rapidement à la grâce ou demande pardon à son prochain, afin de ne pas donner une fausse paix et s’associer ainsi au traître. Plus l’Eucharistie reçue et la bénédiction transmise seront profitables, plus le Christ verra que les cœurs sont en paix, car lui-même a ordonné à ses disciples en montant aux cieux : “Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix” (Jean XIV, 27), et “à ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres”.
Après le chant des Laudes devait avoir lieu les diptyques – liste de noms pour lesquels le Saint Sacrifice est offert – diptyques des vivants puis (au moins d’après le texte) des défunts, pendant lesquels on ôte le voile des sacrements. Les diptyques diaconaux étaient suivis de l’oraison sacerdotale Post nomina. Les diptyques existent toujours dans la messe mozarabe, chantés par le diacre, le peuple répondant après chaque indication des noms : Offerunt pro se et pro universa fraternitate pour le diptyque des vivants, Præsta, æterne omnipotens Deus pour le diptyque des défunts.

Le baiser de paix conclut l’offertoire comme dans tous les rits d’Orient et d’Occident, à l’exception notable de Rome et de l’Afrique romaine qui le placent avant la communion et font découler le don de la paix des saintes espèces consacrées.

Sursum corda ideo sacerdos habere admonet, ut nulla cogitatio terrena maneat in pectoribus nostris in hora sacræ oblationis, et tanto melius recipiatur Christus in mente, quanto sola cogitatio ipsum conatur adtendere. Confractio vero et commixtio corporis Domini tantis mysteriis declarata antiquitus Sanctis Patribus fuit, ut dum sacerdos oblationem confrangeret, videbatur quasi Angelus Dei membra fulgentis pueri cultro concædere, et sanguinem ejus in calicem excipiendo colligere, ut veracius dicerent verbum dicente Domino carnem ejus esse cibum et sanguinem esse potum. In hac confractione sacerdos vult augere, ibidem debet addere, quia tunc cælestia terrenis mixcentur, et ad orationem sacerdotis cæli aperiuntur. Sacerdote autem frangente, supplex clerus psallet antiphona, quia patiente dolore mortis omnia trementis testata sunt elementa. Le prêtre exhorte à élever les cœurs (Sursum corda) pour qu’aucune pensée terrestre ne demeure dans nos poitrines à l’heure de la sainte oblation, et pour que le Christ soit reçu d’autant mieux dans nos esprits que notre pensée tente de se concentrer uniquement sur lui. La fraction et la commixtion du corps du Seigneur, illustrées par tant de mystères, ont été révélées depuis longtemps aux Saints Pères. Ainsi, lorsque le prêtre brise l’oblation, il semblait qu’un Ange de Dieu coupait les membres d’un enfant resplendissant avec un couteau, et recueillait son sang dans le calice, pour affirmer plus véridiquement que la chair du Seigneur est vraiment une nourriture et son sang vraiment une boisson, comme l’a dit le Seigneur. Dans cette fraction, le prêtre doit augmenter, ajouter, car alors les choses célestes se mêlent aux terrestres et les cieux s’ouvrent à la prière du prêtre. Pendant que le prêtre brise l’oblation, le clergé chante en suppliant l’antienne, car lors de la souffrance de la mort, tous les éléments tremblants témoignèrent de cette douleur.
Saint Germain est très elliptique sur le canon eucharistique. Le Sursum corda fait partie du dialogue de la préface, comme partout ailleurs en Orient et en Occident. La citation qu’aucune pensée terrestre pourrait être une citation de la grande entrée de la liturgie de saint Jacques et du Grand Samedi byzantin, le point de contact avec la liturgie grecque (qui expliquerait d’autres similitudes relevées) pourrait être l’ambassade byzantine venue en France à l’époque de saint Germain pour apporter une partie de la vraie Croix à la Reine sainte Radegonde.

Le fait que saint Germain insiste tant sur le mystère à l’endroit où il devrait parler du canon eucharistique (qu’il omet sciemment de décrire avec précision) montre que celui-ci devait déjà largement être récité à voix basse derrières les voiles du sanctuaire et du ciborium par le célébrant.

Pour parler de la fraction, Germain rapporte un épisode bien connu des Pères du Désert égyptien (un moine ayant douté de la présence réelle de Notre Seigneur dans l’Eucharistie sous le voile du pain et du vin vit un enfant sacrifié par des anges puis dépecé – les anges lui présentèrent ensuite ces morceaux à la communion, il comprit alors le pourquoi des espèces du pain et du vin et par là la transsubstantiation.

Une antienne est chantée pendant la fraction, correspondant à l’antienne Ad Confractorium du rit ambrosien et dont l’Agnus Dei romain est le souvenir.

Oratio vero Dominica pro hoc ibidem ponitur, ut omnis oratio nostra in Dominica oratione claudatur. Benedictionem vero populi sacerdotibus fundere Dominus per Moysem mandavit dicens : Loquere ad Aaron et ad filios ejus ; sic benedicetis populo : Benedicat tibi et custodiat te (Num. VI, 23), et cætera quæ sequuntur. Aaron igitur locum Christi, filii ejus locum presbyterorum portaverunt. Ambobus igitur mandavit Dominus benedicere populum ; sed tamen propter servandam honorem pontificis, sacræ constituerunt canones, ut longiorem benedictionem episcopus proferret, breviorem presbyter funderet, dicit : Pax fides et caritas et communicatio corporis et sanguinis Domini sit semper vobiscum. Nam licet illam benedictionem quam Moysi Deus dictavit et nullus contradicere presbytero potest ; quia cælum et terra transibunt. Hoc ergo ante communionem benedictio traditur, ut in vas benedictum benedictionis mysterium ingrediatur. Jam vero quam dulcis sit animæ et corporis sacra communio, Christus verbis evangelicis ostendit dicens : Si manseritis in me, et verba mea in vobis manserint, quodcumque petieritis Patrem in nomine meo, fiet vobis (Joan. XV, 7). L’oraison dominicale (=Notre Père) est placée à cet endroit afin que toutes nos prières soient conclues par l’oraison dominicale. Le Seigneur a ordonné aux prêtres de bénir le peuple par Moïse en disant : “Parle à Aaron et à ses fils : Voici comment vous bénirez les enfants d’Israël : Le Seigneur te bénisse et te garde” (Nombres VI, 23), etc. Aaron représentait le Christ, et ses fils les prêtres. Ainsi, le Seigneur a ordonné à Aaron et à ses fils de bénir le peuple. Toutefois, pour préserver l’honneur du pontife, les saints canons ont établi que l’évêque prononcerait une bénédiction plus longue, tandis que le prêtre en donnerait une plus courte, disant : “La paix, la foi, la charité et la communion du corps et du sang du Seigneur soient toujours avec vous.” En effet, bien que personne ne puisse contester la bénédiction que Dieu a dictée à Moïse, car le ciel et la terre passeront, cette bénédiction est donnée avant la communion afin que le mystère de la bénédiction entre dans un vase béni. Quant à la douceur de la sainte communion de l’âme et du corps, le Christ l’a démontré par ses paroles évangéliques en disant : “Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé” (Jean XV, 7).
Le Notre Père (Oraison dominicale) est placé comme dans beaucoup de liturgies après la fraction du pain. On sait qu’il en était de même à Rome jusqu’à saint Grégoire le Grand et que celui-ci déplaça l’Oraison dominicale à la fin du canon, comme ce qu’il avait observé à Byzance, afin de dire cette prière à l’autel sur le Corps et le Sang du Seigneur, et non au trône comme antérieurement.

Comme dans quasiment toutes les liturgies anciennes, la bénédiction était donné avant la communion (et l’explication donnée par saint Germain est très belle : afin que les saints mystères entrent dans un vase béni). La bénédiction épiscopale avant la communion était longue et tripartite (on répondait Amen à chaque fois), elle était précédée d’une monition diaconale (Humilate capita vestra Deo, ou encore Humilate vos ad benedictionem en Espagneà, elle avait été conservée dans de très nombreux diocèses de France et de Germanie jusqu’à l’époque moderne.

Il est intéressant de noter que saint Germain concède au simple prêtre une bénédiction plus simple et plus courte que celle de l’évêque : Pax fides et caritas et communicatio corporis et sanguinis Domini sit semper vobiscum. Longtemps on leur avait refusé ce pouvoir. Ainsi le Concile d’Agde de 506 rappelle dans son canon 44 : “Il est absolument interdit au prêtre de donner la bénédiction au peuple dans l’église”.

Au Moyen-Age, on choisit de reporter la bénédiction après la communion, car les fidèles qui ne communiaient pas avaient pris l’habitude de quitter la messe une fois la bénédiction reçue.

Trecanum vero quod psalletur signum est catholicæ fidei de Trinitatis credulitate procedere. Sic enim prima in secunda, secunda in tertia et rursum tertia in secunda et secunda rotatur in prima. Ita pater in Filio, mysterium Trinitatis complectet. Pater in Filio, Filius in Spiritu sancto, Spiritus sanctus in Filio, et Filius rursum in Patre. Sed jam epistola finem accipiat in qua sollemnis Ordo brevi declaratus ostenditur quatenus in sequutura epistola de commune officio donante Domino auribus pandatur. Qui vivit. Le Trecanon qui est chanté est le signe de la foi catholique en la croyance en la Trinité. En effet, la première [partie] retourne à la seconde, la seconde à la troisième, et de nouveau la troisième à la seconde, et la seconde tourne à la première. Ainsi, le Père est dans le Fils, et le mystère de la Trinité est embrassé. Le Père est dans le Fils, le Fils dans le Saint-Esprit, le Saint-Esprit dans le Fils, et le Fils à nouveau dans le Père. Mais maintenant, cette épître prend fin, dans laquelle l’Ordre solennel a été brièvement expliqué, de sorte que dans l’épître suivante, l’office commun soit exposé aux oreilles des fidèles par la grâce du Seigneur. Lui qui vit.
Le texte se conclut par l’évocation d’un chant – le Trécanon – qui a pu être chanté soit pendant la communion des fidèles, soit une fois celle-ci achevée. Difficile de voir ce que pouvait être ce chant, car le terme de Trécanon (que certains veulent lire Tricanon) est un apax qui ne se rencontre nulle part ailleurs. La liturgie cousine d’Espagne contient comme chant après la communion la simple antienne suivante : Refecti Christi corpore et sanguine, te laudamus Domine, alleluia, alleluia, alleluia. Le Trecanon de saint Germain devait être un texte plus complexe et à la louange de la sainte Trinité.

Notons que saint Germain ne mentionne pas le renvoi (d’où provient le terme missa) des fidèles par le diacre, mais sa lettre semble se terminer de façon un peu pressée.

Remarquons enfin que l’expression Sollemnis Ordo – qui apparait dans le titre de la première lettre – est une expression qui parait désigner la sainte messe.

INCIPIT EPISTOLA SECUNDA DE COMMUNI OFFICIO.

ICI COMMENCE LA DEUXIÈME ÉPÎTRE SUR L’OFFICE DU COMMUN.

Quia favente Domino ordinem sacræ oblationis in priore epistola breviter explananda perstrinximus, nunc diversa Ecclesiæ carismata qua ratione subsistant, juxta quod Dominus nobis intelligere tribuit, brevi paginola commendemus. Puisque, par la faveur du Seigneur, nous avons brièvement expliqué l’ordre de la sainte oblation dans la précédente épître, nous allons maintenant exposer, dans une brève page, les divers charismes de l’Église et la manière dont ils subsistent, selon la compréhension que le Seigneur nous a accordée.
Antiphonas vero quas dulci cerimonia psallet Ecclesia hinc traxerunt exordium. Rex Salomon cum domum celeberrimum instruxisset, ibidem cantores instituit, qui cum diversis organis Dei magnalia decantarent, ut inter reliqua ornamenta quae fulgebant in templo, etiam divina eloquia dulci proferrentur eloquio, ut toto [Leg. tanto] plus delectaretur Dei verbum, quanto elegantius volvebatur vocis ornatu. Propter carnalis namque in ecclesia non propter spiritualis consuetudo est constituta cantandi, ut qui verbis non compunguntur, suavitate modolaminis moveantur, pensantes quanta sit dulcedo cælestis cantici, quando in incolatu hujus sæculi tam eleganter resonat Ecclesia laudes Christi. Antiphona autem dicta, quia prius ipsa anteponitur, et sic ponetur psalmi versiculum, cum gloria Trinitatis adnectetur, quarum quaterna sunt genera, organo ex prophetico, tympano ex evangelii sacro tonitruo, vel compassione [Leg. compositione] catholicorum Patrum pro ordine temporum, vel deprecando, vel narrando, vel laudes divinas tympanizando compositæ. Les antiennes que l’Église chante avec une douce cérémonie ont pris leur origine de cette manière : le roi Salomon, après avoir construit le célèbre temple, y institua des chantres qui, avec divers instruments, chantaient les merveilles de Dieu. Ainsi, parmi les autres ornements qui resplendissaient dans le temple, les paroles divines étaient également proclamées avec douceur, afin que la Parole de Dieu soit d’autant plus agréable qu’elle était exprimée avec élégance par la voix. La coutume de chanter dans l’Église a été établie non pas pour des raisons charnelles, mais pour des raisons spirituelles, afin que ceux qui ne sont pas touchés par les paroles soient émus par la douceur de la mélodie, en réfléchissant à la douceur du chant céleste, lorsque dans cette vie, l’Église résonne si élégamment des louanges du Christ. L’antienne est ainsi nommée parce qu’elle est d’abord chantée, puis suivie du verset du psaume, avec la gloire de la Trinité ajoutée. Il y a quatre types d’antiennes : celles issues des prophètes, celles tirées du tonnerre sacré de l’Évangile, celles composées par les saints Pères selon l’ordre des temps, et celles pour la prière, le récit ou la louange divine.
Belle présentation de l’origine et du but du chant sacré. Notons l’association de l’antienne avec au moins un verset de psaume, si ce n’est du psaume complet. On voit que la composition des antiennes puisaient soit dans l’Ecriture sainte, soit dans les écrits des Pères ou bien dans les besoins précis de l’Eglise.
Responsoria vero quæ in divinis officiis die aut nocte cantantur, de Pentateucho Moysi duxerunt originem, quando Pharaone submerso, Maria prophetissa sumens tympanum, præcinebat canticum, et respondebat populus adunatus in choro. Horum vero quaterna ratio constat, sicut de Antiphonabus superius continetur. Consuetudo praecinendi et respondendi non solum ad mare Rubrum, sed in multis Ebraeorum gentibus comprobatur, quod plenius Veteris Testamenti narrat historia. Les répons, qui sont chantés dans les offices divins de jour comme de nuit, trouvent leur origine dans le Pentateuque de Moïse, lorsque, après la submersion de Pharaon, Marie la prophétesse prit un tambourin et commença un chant auquel le peuple, réuni en chœur, répondait. Ces répons suivent un modèle en quatre parties, comme il a été mentionné plus haut pour les antiennes. La coutume de chanter en alternant un soliste et un chœur ne se limitait pas à la mer Rouge, mais était pratiquée dans de nombreux groupes hébreux, comme le relate plus en détail l’histoire de l’Ancien Testament.
La description des répons (chant alternant un soliste et tous alors que le chant antiphoné suppose le dialogue de deux chœurs égaux) est excellemment précise.
Sanctus Deus archangelorum in quadragesimo concinetur et non canticum Zachariæ, quia ista modulatio deprecabilis est populo, sicut verba texti ipsius continentur. Et propter hoc non canetur prophetia, propter quod et baptisterium claudetur ; scilicet quia canonis præcipiunt, vel baptismum quadragesimæ non est. Le “Sanctus Deus archangelorum” est chanté pendant le Carême, et non le cantique de Zacharie, car cette modulation est de nature suppliante pour le peuple, comme ce que contiennent les paroles de ce texte. Et c’est pourquoi la Prophétie ne sera pas chantée, de même que le baptistère sera fermé ; en effet, les canons prescrivent qu’il n’y a pas de baptême pendant le Carême.
Rappelons, comme nous l’avons vu dans la première épître de saint Germain, que le cantique de Zacharie, le Benedictus, est chanté au début de chaque messe et qu’on l’appelle aussi Prophétie. Durant le Carême, ce cantique est remplacé par un autre chant Sanctus Deus archangelorum, que la postérité ne nous a hélas pas transmis. On pourra faire le parallèle avec la messe romaine qui supprime de même au même endroit le Gloria in excelsis durant le Carême.

L’évocation du Carême dans ce paragraphe entraîne ensuite l’évocation par l’auteur de différents points relatifs à l’initiation chrétienne : catéchuménat, tradition du Symbole de la foi, confection du saint chrême et chrismation.

Oleum autem quod cum chrisma benedicitur, voce psalmi ostenditur, qui de Christo profertur (Psal. XLIV, 8) : Unxit te Deus de oleo lætitiæ præ consortibus tuis, vel illud : Oleo sancto meo linui eum (Psal. LXXXVIII, 21), prius ergo ungebantur veteris oleo, sic perfundebantur unguento. Specialiter autem oleum Græce Latine misericordia dicitur, et per oleum Sancti Spiritus gratia designatur. Hunc enim liquorem consecravit Deus in Ecclesia ad mystica conficienda unguenta, vel præparanda lucerna, vel fovenda peccaminum vulnera. L’huile qui est bénie avec le saint chrême est indiquée par la voix du psaume qui parle du Christ (Psaume XLIV, 8) : “Dieu t’a oint d’une huile d’allégresse, de préférence à tes compagnons”, ou encore : “J’ai enduit de mon huile sainte” (Psaume LXXXVIII, 21). Auparavant, on oignait avec l’ancienne huile, puis on versait l’huile sacrée. Spécifiquement, l’huile est appelée en grec ce qui signifie “miséricorde” en latin, et par cette huile, la grâce du Saint-Esprit est désignée. Dieu a consacré ce liquide dans l’Église pour la fabrication d’onguents mystiques, pour préparer les lampes et pour soigner les blessures du péché.
Symbulum quoque pro hoc competentibus supra scripto die tradetur, ut sicut quando dixit Deus Fiat lux, quod signat illuminatio credulitatis, appareat. Septima Die benedixit et sanctificavit in requie : ideo hac die fides populi firmatur, symbolum et lacte chrismatis enutritur, quia in die septima requies Christi in sepulcro coletur, et declinante jam die triumphum resurrectionis illius consecratur. Ideo autem venientem sacerdotem symbolum tradere, expandetur super cancellum molliciis plumarum, vel candida sabana, et defertur in calicis vascula chrismatis et olei benedicenda, vel codix sacri Evangelii rubro tectus velamine, quia populus ad fidem veniens infantiæ figuram tenet. Sicut enim infans est tener et novus in corpore : ita caticuminus tener et novus in fidem, infantis membra super plumacia ponuntur, ut melius nutriatur. Caticumino blanda verba Domini proferuntur, quo amplius delectetur. Non enim potest sustinere fortiora præcepta ante quam per baptismum Spiritus sancti confirmetur in gratia. Membra parvoli sabana, id est candido ac vilati linteo exterguntur, ne corium ei lædatur. Ita caticumino subtilitas fidei aperitur in symbulo, ut per credulitate tergatur ab omni peccato. Prius liniter per blanda præcepta, ne exasperetur tener in intelligentia, post modum . . . . per fortiora mandata ut convalescat per opera. Infans lacte nutritur, et caticumenis chrismate unguetur. Lac ex matris ubera suggetur, et chrisma in sinu sanctæ matris Ecclesiæ consecratur. Le Symbole sera également transmis aux catéchumènes le jour précédemment mentionné, de sorte que, tout comme lorsque Dieu a dit “Que la lumière soit”, ce qui signifie l’illumination de la foi, cela puisse apparaître. Le septième jour, Dieu a béni et sanctifié le repos : c’est pourquoi en ce jour, la foi du peuple est affermie, le catéchumène est nourri avec le Symbole et le lait du chrême, car le septième jour symbolise le repos de Christ dans le tombeau, et avec la fin du jour, la consécration du triomphe de sa résurrection est accomplie. C’est pourquoi, lorsque le prêtre vient transmettre le Symbole, on étend [au dessus de lui] un cadre de plumes douces ou un drap blanc, et l’on verse dans des coupes les ampoules du Chrême ou d’huile à bénir ; le livre sacré de l’Évangile est recouvert d’un voile rouge, car le peuple, venant à la foi, conserve l’image de l’enfance. Tout comme un enfant est tendre et nouveau dans son corps, de même le catéchumène est tendre et nouveau dans la foi ; les membres du bébé sont posés sur des plumes, afin qu’il puisse être mieux nourri. Des paroles douces du Seigneur sont prononcées pour le catéchumène, afin qu’il puisse se réjouir davantage. En effet, il ne peut supporter des préceptes plus forts avant d’être confirmé dans la grâce du Saint-Esprit par le baptême. Les membres du petit enfant sont essuyés avec un drap blanc et propre, pour éviter de lui faire mal à la peau. De la même manière, la subtilité de la foi est ouverte au catéchumène par le Symbole, afin qu’il puisse être purifié de tout péché par la croyance. Tout d’abord, des préceptes doux lui sont donnés, pour ne pas le rendre impatient dans sa compréhension, puis plus tard … par des commandements plus forts, pour qu’il puisse se fortifier par ses actes. Un bébé est nourri de lait, et le catéchumène est oint de chrême. Le lait est tiré des seins de sa mère, et le chrême est consacré dans le sein de la sainte mère Église.
Liber autem Evangelii in specie corporis Christi rubro tegitur velamine, sanguinis signo monstrante. In calicis autem chrismæ vascula deferuntur, quia omnia sacramenta baptismatis in Christi passione firmantur. Vitrea autem vel cristallina vasa chrismatis, claritatem signant baptismatis. Balsamum autem chrisma conficitur. Lentiscus genus ligni dicitur, unde risina balsamæ tolletur, de hoc lentisco in cruce dominica illa pars fuisse traditur, ubi sanctas manus Domini clavo confixit impius, perficitur. Ideo et risina ligni ipsius dispensante . . . etiam ab antiquis temporibus imprimatis . . . . transfundetur. Angelus enim Dei ad secreta super altare tamquam super monumentum descendit, et ipsam hostiam benedicit, instar illius angeli qui Christi resurrectionem evangelizavit. Tunc libera lingua, et voce clara omnia cantica quæ in quadragesima fuerunt sub silentio clausa recipiuntur, et submersio Pharaonis et Sanctus de cælis et alleluia cum gaudiis quia surrexit Dominus. Media autem nocte in officio consummatur, quia media nocte fregit infernum Salvator, tunc ab ore fidelis populi Agni caro comeditur, et sanguis dulciter bibetur, per quod omnis mundus pretio præclaro redimitur, atque ilico discitur ut auroris tentae diluculo laus resurrectioni Domini claro cantico cum benedictionibus celebretur. Le Livre de l’Évangile est couvert d’un voile rouge, signifiant le signe du sang montrant la présence du corps du Christ. Les ampooules de chrême sont versés dans une coupe, car tous les sacrements du baptême sont confirmés dans la passion du Christ. Les vases de chrême en verre ou en cristal symbolisent la clarté du baptême. Le baume pour le chrême est préparé à partir du lentisque, un type d’arbuste dont la résine est utilisée pour le baume. On raconte que cette partie de lentisque a été utilisée sur la croix du Seigneur, là où la main sacrée du Seigneur a été clouée par l’impie. Ainsi, la résine est également extraite de cet arbre, selon une pratique ancienne. Un ange de Dieu descend sur l’autel comme sur un monument secret et bénit l’hostie, comme l’ange qui a annoncé la résurrection du Christ. Alors, toutes les chants qui étaient clos pendant le Carême, tels que la submersion de Pharaon, le Sanctus de cælis et l’Alléluia de la joie de la résurrection du Seigneur, sont reçues avec une langue libérée et une voix claire. L’office est accompli au milieu de la nuit car c’est au milieu de la nuit que le Sauveur a brisé l’enfer. C’est alors que la chair de l’Agneau est mangée avec douceur par la bouche fidèle du peuple, et son sang est bu doucement, par lequel le monde entier est racheté à un prix précieux. Et dès l’aube, la louange de la résurrection du Seigneur est célébrée avec des chants clairs et des bénédictions.
Notons là encore la suppression de certains chants de joie pendant le Carême : le premier Cantique de Moïse ou l’Alleluia. La question du Sanctus pose plus de question. Il semble bien qu’en Gaule en effet le Sanctus du canon eucharistique était supprimé pendant le Carême. Le Concile de Vaison de 529 intervint dans son troisième canon pour que le Sanctus soit chanté aussi durant le Carême :

Et qu’à toutes les liturgies, que ce soit celles du matin, ou celles du Carême, ou celles qui se disent aux mémoires des défunts on doive dire : Sanctus, Sanctus, Sanctus, de la même façon qu’on le dit aux liturgies solennelles, car une parole si sainte, si agréable et désirable, même si on pouvait la dire jour et nuit, ne pourra jamais engendrer la lassitude.

Palleum vero in pascha cum tintinnabulis Eucharistia velatus instar veteris testamenti, ubi tonica sacerdotis plena tintinnabulis signans verba prædicationis ostenditur. Præcinctio autem vestimenti candidi quod sacerdos baptizaturus præcingitur in signa sancti Joannis agetur, qui præcinctus baptizavit Dominum. Albis autem vestibus in Pascha induetur secundum quod angelus ad monumentum albis vestibus cerneretur. Albæ etenim vestis exultationem significant. Le voile, lors de la Pâque, recouvre l’Eucharistie avec des clochettes, comme dans l’Ancien Testament où la tunique du prêtre pleine de clochettes symbolisait les paroles de la prédication. Le revêtement du vêtement blanc dont le prêtre se ceint lors du baptême rappelle les signes de saint Jean-Baptiste, qui, ceint de vêtements de baptême, a baptisé le Seigneur. Pendant la Pâque, le prêtre revêtira des vêtements blancs, selon le récit où l’ange au tombeau était vu vêtu de vêtements blancs. En effet, les vêtements blancs symbolisent la joie.
Nous avons là sans doute l’une des plus anciennes mentions relative à une couleur liturgique dans un temps liturgique donné.
Casula quam amphibalum vocant, quod sacerdos induetur, tota unita per Moysem legiferum instituta primitus demonstratur. Jussit ergo Dominus fieri dissimilatum vestimentum, ut talem sacerdos induerit, quale indui populus non auderetur. Ideo sine manicas, quia sacerdus potius benedicit quam ministrat. Ideo unita prinsecus, non scissa, non aperta ; quia multæ sunt Scripturæ sacræ secreta mysteria, quæ quasi sub sigillo sacerdoti doctus debet abscondere, et unitatem fidei custodire, non in hærese vel schismata declinare. La chasuble, appelée aussi amphibalum, que le prêtre revêt, est tout d’abord une démonstration des premières institutions par Moïse [comme] législateur. Le Seigneur a donc ordonné la confection d’un vêtement particulier, que seul le prêtre oserait porter, différent de celui du peuple. C’est pourquoi il n’a pas de manches, car le prêtre bénit plutôt qu’il ne sert. Il est également uni sur le devant, non fendu, non ouvert ; car de nombreux mystères sacrés des Écritures doivent être cachés comme sous un sceau par le prêtre instruit, qui doit préserver l’unité de la foi et ne pas tomber dans l’hérésie ou le schisme.
Incidemment, saint Germain fait la distinction entre la chasuble du prêtre et la dalmatique du diacre : la chasuble n’a pas de manche, contrairement à la dalmatique, “car le prêtre bénit plutôt qu’il ne sert”. Voyez le commentaire de ce passage dans notre article sur les chasubles pliées.
Palleum vero quod circa collo usque ad pectus venit, rationale vocabatur in vetere testamento, scilicet signum sanctitatis super memoriam pectoris, dicente propheta ex persona Domini Spiritus Domini super me. Et post pauca, ut ponerem gloriam lugentibus Sion, et darem eis coronam pro cinere, oleum gaudii pro luctu (Isai. LXI, 3). Palleum laudes pro spiritu mæroris. Quod autem collo cingit, antiquæ consuetudinis est, quia reges et sacerdotes circumdati erant palleo veste fulgente, quod gratia præsignabat. Quod autem fimbriis vestimenta sacerdotalia adnectuntur, Dominus Moysi præcepit in Numeris, ut per quatuor angulos palleorum filii Israel fimbrias facerent, ut populus Domini non solum opere, sed etiam et vestitu mandatorum Dei signum portaret. Le pallium, qui descend autour du cou jusqu’à la poitrine, était appelé rational dans l’ancien testament, signifiant ainsi le sceau de la sainteté sur la mémoire du cœur, comme le déclare le prophète au nom du Seigneur : “L’Esprit du Seigneur est sur moi ; c’est pourquoi il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux malheureux, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer aux captifs la liberté, et aux prisonniers la délivrance” (Isaïe LXI, 1). Le pallium symbolise les louanges malgré l’esprit de tristesse. Son enroulement autour du cou est une coutume ancienne, car les rois et les prêtres étaient enveloppés d’un manteau resplendissant, préfigurant ainsi la grâce. Quant aux franges attachées aux vêtements sacerdotaux, le Seigneur l’a ordonné à Moïse dans les Nombres, pour que les enfants d’Israël fassent des franges aux quatre coins de leurs vêtements, afin que le peuple du Seigneur porte non seulement le signe des commandements de Dieu par son travail, mais aussi par son habillement.
Notons que nous conservons les deux palliums possédés par saint Césaire d’Arles. Le pape Symmaque lui concéda en 513 un pallium comme attribut de sa charge, le pallium romain. Un autre pallium de saint Césaire est également conservé. L’historien Henri-Irénée Marrou a pu établir qu’il s’agissait du pallium gallican, dont le port était obligatoire à tous les évêques (B. Mottin, 1998). Il s’agit des plus anciens vêtements liturgiques de France. C’est à ce titre qu’ils furent classés Monuments historiques.
Manualia vero, idest manicas induere sacerdotibus mos est instar armillarum, quas regum vel sacerdotum brachia constringebantur. Ideo autem ex quolibet pretioso vellere, non metalli duritia extant, vel ut omnes communiter sacerdotes, etiam minoris dignitatis in saeculo facilius inveniant.

Vestimentum parvolum, quod non sit in alio uso, nisi ad frequentandum sacrificium, vel significat quod non graventur manus nostræ honoribus sæculi, sed circumdentur subtilia exercitia mandatorum Dei. Prohibet autem manica tonica ne appareat vile vestimentum, aut quocumque indignum tactum sordium super divina sacrificia, quo manus immolantes discurrunt.

Il est aussi coutume pour les prêtres de porter des manches (manualia), autrement dit des manchettes (manicas), semblables à des bracelets, qui entourent les bras, à l’instar des bracelets portés par les rois ou les prêtres. C’est pourquoi ils sont fabriqués à partir de précieuses étoffes plutôt que de matériaux métalliques rigides, afin que tous les prêtres, même ceux de moindre dignité dans ce monde, puissent les trouver facilement.

Le vêtement des manches empêche que des vêtements vulgaires ou souillés ne soient visibles pendant le sacrifice divin, et il indique également que nos mains ne sont pas encombrées par les honneurs du monde, mais plutôt enveloppées dans les délicates pratiques des commandements de Dieu.

Les manchettes liturgiques (epimanikia) sont utilisées par le rit byzantin pour les célébrants et les diacres, elles existent aussi dans le rit arménien. En Syrie, elles ont souvent une dimension plus importante, ce sont alors de véritables manches qui recouvrent l’avant-bras.
Albas vero, quas levitæ utuntur, ideo statuerunt patres, quia in vestimento tincto non sic apparet cito macula quomodo in albo : et minister altaris ideo utitur, ut observet et caveat omnem maculam, et nullatenus vestimenta ministrantium vel leviore tactu appareant sordida ; sed candida sint exterius veste, interius mente. Sirico aut vellere fictur, quia Dominus sacerdotibus ideo exinde habere indumenta mandavit, ut eorum vestis spem resurrectionis ostenderet. Sirico enim de ligno per verme fictur. Vermis post mortem procedit in alate, et post occasum et volatum figurans Christum, qui ex ligno crucis quiescens in sepulchro tamquam vermis clausus in sæculo angusto, surrexit de tumulo, et ad cælos sumsit volatum. Alterius vero velleris alba innocentiam tantum vitæ demonstrant. Alba autem non constringitur cingulo, sed suspensa tegit levitæ corpusculum, quia omnis conversatio Levitica in desiderio cælestis patriæ a terrenis operibus debet esse suspensa, nec cingulo peccatorum constricta. Les aubes que les lévites utilisent ont été établies par les anciens parce que dans un vêtement teint, une tache n’apparaît pas aussi rapidement que dans un vêtement blanc ; et le ministre de l’autel les utilise pour observer et éviter toute tache, de sorte que les vêtements des ministres ne paraissent en aucun cas souillés même par un contact léger, mais qu’ils soient blancs à l’extérieur et purs dans l’esprit. Elles sont fabriquées en toile de Syrie, car le Seigneur a ordonné aux prêtres de porter des vêtements de là-bas afin que leurs vêtements expriment l’espoir de la résurrection. La soie est fabriquée à partir du ver à soie. Le ver émerge sous forme de papillon après sa mort, et après son coucher et son envol, il figure le Christ qui, reposant sur le bois de la croix comme un ver enfermé dans un étroit sac, est ressuscité du tombeau et a pris son envol vers les cieux. Les aubes d’un autre tissu symbolisent simplement l’innocence de la vie. Les aubes ne sont pas serrées par une ceinture, mais elles couvrent le corps du lévite en pendant, car toute conduite lévitique doit être pendue quant aux œuvres terrestres par le désir de la patrie céleste, et non liée par la ceinture des péchés.
L’aube sans ceinture est une rareté qui ne se rencontre dans aucun autre rit.
Stola autem quam super alba diaconus induit, significat subtilitatis intelligentiam in divina mysteria, licet veteri stola induentes gaudium solemnitatis se habere monstrabant. Et pro hac causa in quadragesima pro humiliatione non utetur, sicut nec alleluia in nostra Ecclesia, Sanctus, vel prophetia, hymnum trium puerorum, vel canticum Rubri maris illis diebus decantantur. Stola alba namque angelus præcinctus apparuit quando sedens in monumento Domini, solemnitatem resurrectionis illius nunciavit. Ideo in Quadragesima prohibendum hæc cantica, quia cælestia et angelica sunt. De cælis enim columna ignis in nocte, et columna nubis in die, angelus in camino flammæ in cælis audita est. Alleluia vel Sancti tacentur ergo in pœnitentia, ut nova fiant in Resurrectione dominica quando reserantur et baptisma. Oportet ergo levita cælestem cantet canticum. L’étole que le diacre porte sur l’aube symbolise la compréhension subtile des mystères divins, bien que dans l’ancienne pratique, ceux qui portaient l’étole montraient la joie de la solennité. Pour cette raison, pendant le Carême, elle n’est pas utilisée pour exprimer l’humilité, de même que l’Alleluia, le Sanctus, la Prophétie, l’Hymne des Trois Enfants ou le Cantique de la Mer Rouge ne sont pas chantés dans notre Église ces jours-là. En effet, un ange vêtu d’une étole blanche est apparu lorsque, assis dans le tombeau du Seigneur, il a annoncé la solennité de sa résurrection. C’est pourquoi ces chants célestes et angéliques sont interdits pendant le Carême. Car dans les cieux, une colonne de feu apparaît la nuit et une colonne de nuée le jour, et un ange est entendu dans le chemin de flamme dans les cieux. Ainsi, l’alleluia et le Sanctus sont tus pendant le temps de pénitence, afin qu’ils puissent être renouvelés dans la Résurrection du Seigneur lorsqu’ils seront rétablis avec le baptême. Il est donc nécessaire que le lévite chante un chant céleste.
La suppression de l’étole diaconale pendant le Carême peut avoir son parallèle avec la suppression de la dalmatique dans le rit romain pendant la même période. Notons en plus de la suppression de l’Alleluia, du Cantique de Zacharie et du Sanctus de la messe pendant le Carême, Germain mentionne également la suppression du Cantique des Trois Enfants dans la fournaise et de celui de Moïse après la traversée de la Mer Rouge (Cantemus Domino). EL fait que Germain précise que cette suppression se fait dans son Eglise de Paris laisse entendre que l’usage pouvait varier en Gaule (à rapprocher du 3ème canon du Concile de Vaison qui demande le chant du Sanctus même pendant le Carême, ce qui laisse entendre qu’il ne se faisait pas partout).