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Deux lettres de saint Germain de Paris sur la liturgie parisienne au VIème siècle

En ce 28 mai 2024, en la fête de saint Germain, évêque de Paris, nous avons le plaisir de publier une traduction des deux lettres où il décrit la liturgie parisienne de l’ancien rit des Gaules au VIème siècle.

Saint Germain de Paris guérissant les malades
Saint Germain de Paris guérissant les malades
Saint Germain de Paris naquit à Autun vers 496. Après avoir fait ses premières études à Avallon, il passa quinze ans à Luzy auprès de l’un de ses proches, un saint prêtre qui l’initia aux exercices de la vie ascétique. Saint Nectaire, successeur de saint Agrippia d’Autun qui l’avait ordonné prêtre en 536, le choisit pour abbé du monastère de Saint-Symphorien d’Autun. Elevé sur le siège de Paris l’an 555 sous le règne de Childebert, saint Germain se distingua, dans le gouvernement de son diocèse, par un zèle ardent et sage pour le maintien de la discipline, par une grande charité envers les pauvres, par une conciliation ferme dans les discordes civiles. Germain consacra à la date du 23 décembre 558, jour de la mort de Childebert une église à Paris dédiée au diacre saint Vincent : cette église avait érigée pour recevoir 1a tunique de saint Vincent rapportée en butin de Saragosse à Paris. Germain mourut à Paris le 28 mai 576, âgé de 78 ans. Il fut enterré dans l’oratoire de Saint-Symphorien de l’église de Saint-Vincent, qui fut reconsacrée le 25 juillet 754 sous le nom de Saint-Germain-des Prés. On mit sur son tombeau une épitaphe en vers latins, où il est nommé : le miroir de l’Eglise, la force de la patrie, l’asile des coupables, le Père et le médecin de son troupeau.

Entre 996 et 1031, le roi Robert le Pieux (996-1031) fonda une abbaye dédiée à saint Vincent et à saint Germain de Paris “in silva cognominata Ledia” (“dans la forêt appelée Laye”) : c’est l’origine de la ville de Saint-Germain-en-Laye. Ainsi, saint Germain de Paris est-il le saint patron du PSG ! 😀

En 1709, Dom Edmond Martène (1654 † 1739), célèbre savant bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur et moine de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, – secondé par Dom Durand – redécouvrit deux lettres de saint Germain de Paris dans une copie oubliée du IXème siècle détenue par l’Abbaye Saint-Martin d’Autun (aujourd’hui c’est le manuscrit n° 184 de la Bibliothèque municipale d’Autun : ce manuscrit est un recueil de plusieurs œuvres dont le “liber sententiarum”, en tête, et une lettre d’Alcuin au prêtre Adornus, à la fin. Les deux lettres de Saint Germain de Paris se trouvent aux fol. 114 v-122 v). Cette copie du IXème siècle respecte et préserve les particularités stylistiques du latin de l’original mérovingien. Les deux lettres furent publiées par les deux moines en 1717, dans leur “Thesaurus novus anecdotorum”, et reproduites dans la Patrologie latine de Migne, P.L.t. LXXII Col 89-98. Il est inscrit en tête des lettres : “Germanus episcopus Parisius scripsit de missa”. Le célèbre liturgiste Monseigneur Duchesne voyait dans ce manuscrit “le plus précieux document pour le Rite des Gaules”.

Germain adresse très certainement ses lettres à ses frères du monastère d’Autun (il peut donc aisément procéder par ellipses dans son texte, car la liturgie comme l’Ecriture Sainte sont bien connus des destinataires). Il est probable que le texte de ces lettres soit resté dans ce monastère et ne furent pas copiées au-delà de ses murs.

Saint Germain entend donner dans ses deux lettres une explication mystique des textes, gestes, objets employés par la liturgie de son temps. Cette explication est avant tout mystique, à l’instar de ce qu’écriront plus tard saint Germain de Constantinople, saint Nicolas Cabasilas ou Durand de Mende.

La première des deux lettres va dérouler l’ordo missæ, la seconde traitera de sujets plus divers : le chant liturgique, le catéchuménat, les ornements sacerdotaux. Nous présentons ici une traduction nouvelle de ces deux lettres que nous avons réalisée, avec quelques notes (qui seront augmentées progressivement dans les prochaines semaines).

Un des aspects le plus frappant de la liturgie décrite par saint Germain est sans doute ce que l’on appelle la “prolepse”, c’est-à-dire l’anticipation de la consécration des saints dons dès l’offertoire, à qui l’on rend déjà les honneurs dus au Corps et au Sang du Seigneur. Cette anticipation se retrouve dans les liturgies orientales (on songera à la Grande Entrée de la liturgie byzantine) comme dans l’offertoire de la messe romaine, si décrié par les Réformateurs (anciens & nouveaux).

Un autre point très intéressant à analyser est le secret du canon qui semble bien établi.

En 1909, le liturgiste Edmund Bishop s’est acharné à prouver que les lettres de saint Germain était un faux carolingien. Il est de bon ton depuis de les appeler le “pseudo-Germain”. Les critiques de l’historicité des deux lettres axent leur démonstration sur l’usage de formules similaires dans certains passages avec saint Isidore de Séville et saint Grégoire le Grand, qui sont postérieurs. Cela n’est pas probant : Germain pourrait avoir puisé à des sources plus anciennes, comme plus tard Isidore et Grégoire, d’autant que le langage théologique et plus encore le langage liturgique utilise des stéréotypes de formules (qui peuvent être issus de l’euchologie déjà existante, bien connue des Pères).

Un point intéressant que nous essaieront d’asseoir par nos notes (celles-ci sont pour l’heure relativement succinctes, nous publions cet article un peu dans l’urgence à la date du 28 mai pour honorer saint Germain) plaide pourtant fortement en la faveur de l’authenticité des deux lettres : tout ce que décrit Germain peut être corroboré par des témoignages des Pères et des conciles gaulois du VIème siècle et des époques antérieures.

Voici donc le texte de ces deux curieuses lettres.

 

EXPOSITIO BREVIS ANTIQUÆ LITURGIÆ GALLICANÆ
IN DUAS EPISTOLAS DIGESTA.

BREVE EXPOSITION DE L’ANCIENNE LITURGIE GALLICANE, DIVISEE EN DEUX LETTRES.

EPISTOLA PRIMA, QUOMODO SOLEMNIS ORDO ECCLESIÆ AGITUR, QUIBUSVE INSTRUCTIONIBUS CANON ECCLESIASTICUS DECORATUR.

PREMIERE LETTRE : COMMENT L’ORDRE SOLENNEL DE L’ÉGLISE EST CONDUIT, ET PAR QUELLES INSTRUCTIONS LE CANON ECCLESIASTIQUE EST EMBELLI.

Germanus episcopus Parisius scripsit de missa : L’évêque Germain de Paris a écrit au sujet de la messe :
Prima igitur ac summa omnium carismatum missa canetur, in commemoratione mortis Domini, quia mors Christi facta est vita mundi, ut offerendo proficerit in salute viventium et requiem defunctorum. La première et la plus grande de toutes les grâces, la messe, sera chantée en commémoration de la mort du Seigneur, car la mort du Christ est devenue la vie du monde, afin que, par l’offrande, elle profite au salut des vivants et au repos des défunts.
Notons que la messe dans les Gaules est chantée. Comme dans toute liturgie traditionnelle, le langage parlé n’est pas utilisé, seul le chant est le vecteur nécessaire d’une part pour la louange divine, d’autre part pour transmettre les textes sacrés en en facilitant la mémorisation, enfin pour des raisons d’intelligibilité et d’acoustique.

DE PRÆLEGERE

DU PRÆLEGENDUM

Antiphona ad prælegendo canetur, in specie patriarcharum illorum qui ante diluvium, adventum Christi mysticis vocibus tonuerunt, sicut Enoc septimus ab Adam, qui translatus est a Deo, prophetavit dicens : Ecce venit Dominus in sanctis mirabilibus suis facere judicium (Judae, 14), et reliqua. Quod testimonium Judas apostolus frater Jacobo, in Epistola sua commemorat. Sicut enim prophetantibus venit manus Domini super arcam, ut in damnatis daret reliquias terræ ; ita psallentibus clericis procedit sacerdos in specie Christi de sacrario tanquam de cælo in arca Domini, quæ est Ecclesia, ut tam monendum quam exhortandum nutriat in plebe bona opera, et extinguat mala. Une antienne ad prælegendum sera chantée, représentant ces patriarches d’avant le déluge, qui ont prophétisé la venue du Christ par des voix mystiques, comme Énoch, le septième depuis Adam, qui a été transporté [au ciel] par Dieu et a prophétisé en disant : “Voici, le Seigneur vient avec ses saints merveilleux pour exécuter le jugement” (Jude, 14), et le reste. Ce témoignage est rappelé par l’apôtre Jude, frère de Jacques, dans son Épître. De même que la main du Seigneur s’abattait sur l’arche pendant qu’ils prophétisaient, afin de donner un reste de la terre aux damnés ; ainsi, pendant que les clercs chantent des psaumes, le prêtre sort du sanctuaire en représentant le Christ, comme venant du ciel dans l’arche du Seigneur, qui est l’Église, pour nourrir la communauté avec des bonnes œuvres par l’enseignement et les exhortations, et pour éteindre les mauvaises œuvres.
L’Antienne ad prælegendum est l’équivalent pour les Gaules et l’Espagne de l’Ingressa ambrosienne et de l’Introït romain. Dans tous les cas, cette antienne par laquelle commence la messe accompagne une procession du clergé, à Rome, celle du Pape s’avançant par la nef vers le sanctuaire, dans les Gaules manifestement par la procession du célébrant sortant du sanctuaire pour aller dans le chœur au milieu de la nef pour le chant des lectures. Celui-ci est fait en effet dans le chœur (distinct du sanctuaire), souvenir du béma des synagogues (sur lequel était effectué la cantilène de la Thora) que les premiers chrétiens avaient conservé pour la première moitié de la messe (dite messe des catéchumènes).

Rapprochons la sortie du célébrant du sanctuaire telle que décrite par Germain de la Petite Entrée du clergé de la divine liturgie byzantine (qui sort aujourd’hui du sanctuaire, comme ce que décrit Germain, mais a pu processionner au travers de la nef de Saint-Sophie antérieurement, comme à Rome)

DE SILENTIO

DU SILENCE

Silentium autem diaconus pro duobus rebus annunciat, scilicet ut tacens populus melius audiat verbum Dei, et sileat cor nostrum ab omni cogitatione sordida, quo melius recipiatur verbum Dei.

Sacerdos ideo datur populo, ut dum ille benedicit plebe dicens : Dominus sit semper vobiscum, ab omnibus benedicatur dicentibus : Et cum spiritu tuo : ut tanto magis ille dignus sit populo benedicere, quantum, favente Deo, de ore totius populi recipit benedictionem.

Le diacre annonce le silence pour deux raisons : d’abord, afin que le peuple, en restant silencieux, puisse mieux entendre la parole de Dieu, et ensuite, pour que notre cœur se taise de toute pensée impure, afin que la parole de Dieu soit mieux reçue.

Le prêtre donne [sa bénédiction] au peuple pour que, lorsqu’il bénit l’assemblée en disant : “Le Seigneur soit toujours avec vous”, il soit béni par tous ceux qui répondent : “Et avec votre esprit”. Ainsi, il est d’autant plus digne de bénir le peuple qu’il reçoit, avec l’aide de Dieu, la bénédiction de la bouche de tout le peuple.

On rencontre aujourd’hui très souvent dans les liturgies orientales des monitions diaconales imposant le silence, elles existaient également dans les rits occidentaux. Les diacres chrétiens reprenaient ainsi la fonction des silentiaires impériaux (et il est probable que les monitions diaconales dérivaient des ordres des silentiaires, eux-mêmes reprenant probablement les ordres militaires des légions romaines.

On trouvera dans le pontifical composé vers 950 à Saint-Alban de Mayence (nommé par Michel Andrieu Pontifical Romano-Germanique) les monitions diaconales suivantes : State cum silentio, audientes intende ! ou State cum disciplina et silentio ! (C. Vogel et R. Elze (éd.) Le Pontifical Romano-Germanique du Xe siècle, t.2 Rome, 1963, p. 30 et 33 (Studi e Testi 226).

Le rit hispanique (mozarabe) contient la monition diaconale : Silentium facite.

Dans le rit romain actuel, il en reste quelque chose avec les invitations du diacre Flectamus genua et du sous-diacre Levate aux jours de pénitence, ou le Humiliate capita vestra Deo des messes de férie de Carême.

La salutation gallicane qu’emploie ensuite le célébrant est Dominus sit semper vobiscum, exactement comme dans le rit mozarabe d’Espagne.

DE AIUS

DE L’AGHIOS

Aius vero ante prophetia pro hoc cantatur in Græca lingua, quia prædicatio Novi Testamenti in mundo per Græca lingua processit, excepto Mathæo apostolo, qui primus in Judæa Evangelium Christi Hebræis litteris edidit. Servate ergo honorem linguæ, quæ prima Evangelium Christi vel suo senio recipit, vel suis litteris docuit primum canticum. Incipiente præsule Ecclesiæ Aius psallet dicens Latino cum Græco, ut ostendat junctum Testamentum Vetus et Novum. Dictum Amen ex Hebræo instar tituli quod in trinitate linguarum instigante Deo Pilatus posuit super crucem confitens quamvis ignarus Jesus Nazarenus, id est Sanctum et Regem. Tres autem parvoli qui ore uno sequentes Khyrie eleison Hebræa scilicet Græca et Latina, vel trium temporum sæculi, ante legem scilicet sub lege et sub gratia, Cependant, l’Aghios est chanté en langue grecque avant la prophétie, parce que la prédication du Nouveau Testament s’est répandue dans le monde en langue grecque, à l’exception de l’apôtre Matthieu, qui le premier en Judée a publié l’Evangile du Christ en lettres hébraïques. Respectez donc l’honneur de la langue qui a été la première à recevoir l’Évangile du Christ soit par son ancienneté, soit par ses lettres, et qui a enseigné le premier cantique. Lorsque le chef de l’Église commence à chanter l’Aghios en latin et en grec pour montrer l’union de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le mot “Amen” en hébreu est utilisé de même que sur le Titre que Pilate, inspiré par Dieu, a placé sur la croix en trois langues, bien qu’il ignorait qu’il confessait ainsi Jésus de Nazareth comme Saint et Roi. Ensuite trois jeunes enfants chantent d’une seule voix “Kyrie eleison” [signifiant les trois peuples] hébreu, grec et latin ou bien les trois âges du monde : avant la loi, sous la loi et sous la grâce.
Aius est une déformation manifeste du mot grec Aghios et doit représenter la façon dont ce terme était alors prononcé dans la Gaule chrétienne (le sacramentaire gallican de Bobbio orthographie Aios). Il s’agit très vraisemblablement du chant du Trisaghion, chanté à cette place au début de la liturgie depuis le Vème siècle au moins à Constantinople. Il se rencontre également dans la messe du rit mozarabe. Saint Germain de Paris laisse entendre qu’il était chanté de façon alternée en grec et en latin, l’intonation étant faite par le célébrant, exactement comme dans les impropères du rit romain au Vendredi Saint, dont les liturgistes ont toujours souligné l’origine gallicane.
Le Trisaghion est suivi du chant du Kyrie, comme dans la messe romaine. Toutefois, le texte ne laisse pas entendre qu’il est répété plusieurs fois, il est probable qu’il n’est chanté qu’une fois par trois enfants de chœur sans reprise.

DE PROPHETIA

DE LA PROPHETIE

Canticum autem Zachariæ pontificis in honorem sancti Johannis Baptistæ cantatur, pro eo quod primordium salutis in baptismi sacramenta consistit, quod in ministerium Johannis Deo donante suscipit et deficiente umbra veteris, et oriente nova Evangelii claritate Johannes medius est prophetarum novissimus et evangelistarum primus ante faciem verae Lucis radians lucerna fulsit : ideo prophetia quam pater ejus ipso nascente cecinit, alternis vocibus ecclesia psallet. Le cantique du pontife Zacharie est chanté en l’honneur de saint Jean-Baptiste, car le début du salut réside dans le sacrement du baptême, que Jean, par la grâce de Dieu, administre. Alors que l’ombre de l’ancienne (loi) disparaît et que la nouvelle clarté de l’Évangile se lève, Jean est à la fois le dernier des prophètes et le premier des évangélistes, brillant comme une lampe avant la vraie Lumière. C’est pourquoi l’Église chante en alternance la prophétie que son père a prononcée à sa naissance.
C’est un élément fort de l’ancien rit des Gaules de chanter après le Kyrie le cantique de Zacharie – le Benedictus – là où le rit romain emploie la Doxologie angélique – le Gloria in excelsis Deo. Il faut se souvenir que dans les premiers temps de l’Eglise, la célébration du saint sacrifice de la messe s’enchaînait à la fin de la longue veillée nocturne que nous désignons de façon moderne sous le nom de matines et laudes. Dans le rit romain, le Benedictus a été gardé à la fin des laudes et le Gloria in excelsis a été mis au début de la messe, dans le rit des Gaules, le Gloria a été conservé à la fin de l’office du matin – comme l’indiquent saint Césaire d’Arles et saint Aurélien d’Arles dans leurs règles (comme le fait également le rit byzantin) et le Bénédictus a été placé au début de la messe.

L’intonation de la Prophétie de Zacharie était faite par le célébrant aux dires de saint Grégoire de Tours (“Comme l’évêque Palladius commençait à entonner la prophétie” – Histoire des Francs, liv. VII, chap. VIII.). Saint Germain indique que le cantique prophétique était ensuite chanté de façon antiphonée, probablement à deux chœurs.

Il est à noter que saint Germain appelle le cantique de Zacharie “Prophetia” – sa description explique bien pourquoi cette appellation. Dans les différents sacramentaires gallicans anciens qui nous ont été conservés, on trouve régulièrement une oratio post prophetiam ; le texte de cette oraison, qui correspond à la collecte de la messe romaine, cite très souvent quelque passage du cantique Benedictus.

DE PROPHETA ET APOSTOLO

DE LA PROPHETIE ET DE L’APOTRE

Lectio vero prophetica suum tenet ordinem, veteris videlicet testamenti corripiens mala et adnuncians futura, ut intelligamus ipsum Deum esse, qui in prophetia tonuit, quam qui et in Apostolo docuit, et in Evangelico splendore refulsit. La lecture prophétique prend place, condamnant les maux de l’ancienne alliance et en annonçant les temps futurs, afin que nous comprenions que c’est Dieu lui-même qui tonne dans la prophétie, comme il l’a enseigné aussi bien dans les écrits apostoliques que dans l’éclat de l’Évangile.
Comme aux messes des Mercredis des Quatre-Temps du rit romain, le rit des Gaules connaissait trois lectures : une prophétie (tirée de l’Ancien Testament), une épître (des lettres du Nouveau Testament) et l’évangile. Trois livres liturgiques étaient utilisés : “Les clercs ayant placé trois livres sur l’autel : les Prophètes, l’Apôtre, les Évangiles, convinrent de lire chacun à la Messe le passage qu’ils auraient trouvé à l’ouverture du livre” (Grégoire de Tours, Histoire des Francs, liv. IV, chap. XVI.)

Aux fêtes des saints, on lisait en revanche à sa place une extrait de la passion ou de la vie du saint, comme fait toujours le rit ambrosien ; saint Grégoire de Tours l’atteste à plusieurs reprises : “On avait achevé la lecture de la passion du grand martyr Polycarpe” (Gloire des Martyrs, I, 86.) – “Le jour de la fête, comme le peuple était présent et qu’on lisait les miracles de sa vie” (Gloire des Martyrs, 11, 49).

DE APOSTOLO

DE L’APOTRE

Quod enim propheta clamat futurum, apostolus docet factum. Actus autem apostolorum vel Apocalypsis Johannis pro novitate gaudii Paschalis leguntur, servantes ordinem temporum sicut historia Testamenti Veteris in Quinquagesimo, vel gesta sanctorum confessorum ac martyrum. in solemnitatibus eorum, ut populus intellegit quantum Christus amaverit famulum, dans ei virtutis indicium, quem devota plebicula suum postolat patronum. Car ce que le prophète proclame comme futur, l’apôtre enseigne comme réalisé. Les Actes des Apôtres ou l’Apocalypse de Jean sont lus pour renouveler la joie pascale, tout comme l’histoire de l’Ancien Testament est lue depuis la Quinquagésime en respectant l’ordre historique, ou les actes des saints confesseurs et martyrs lors de leurs fêtes, afin que le peuple comprenne combien le Christ a aimé son serviteur, lui donnant ainsi un signe de sa puissance, pour que la pieuse communauté puisse invoquer son saint patron.
Les titres intermédiaires sont peut-être de la main du copiste du IXème siècle et induisent un découpage en paragraphes. Toutefois, il conviendrait d’unir ce paragraphe avec le précédent pour ne pas obscurcir la compréhension.

Avant l’évangile donc, la messe des Gaules connait une prophétie et une épître apostolique.

Au temps pascal, on tire vraisemblablement la prophétie des Actes des Apôtres (comme le rit Byzantin qui n’emploie que les Actes comme épître durant tout le temps pascal, faisant commencer sa lecture à la liturgie du jour de Pâques par le péricope où Luc narre l’Ascension). Durant le temps pascal, l’apôtre est tiré de l’Apocalypse de saint Jean, dont le rit des Gaules a toujours fait grand cas, en particulier dans son répertoire de chants (est-ce dû à la fondation de l’Eglise de Lyon par des disciples de saint Polycarpe de Smyrne, lui-même disciple de saint Jean ? Notons que le rit byzantin n’emploie jamais l’Apocalypse).

L’ordre des livres de l’Ancien Testament démarre à la Quinquagésime par la Genèse (saint Germain ne connait pas encore la Septuagésime). A Rome, l’ordre de la lecture des livres de l’Ancien Testament (aux nocturnes) commence par la Genèse au dimanche de la Quinquagésime.

On pourrait aussi déduire du texte que durant le Carême, l’épître est tirée de l’Ancien Testament, ce que fait le rit romain aux féries de Carême.

Les Actes du saint sert de première lecture à la messe, comme au rit ambrosien. La seconde lecture est une épître apostolique, comme l’attestent le lectionnaire de Luxeuil et le sacramentaire de Bobbio, qui ne précisent que le péricope choisit pour l’apôtre et omettent de référencer les Actes des saints lus aux jours de leurs fêtes.

Notons que saint Germain ne note pas la présence d’un chant intercalaire entre la prophétie et l’apôtre. Beaucoup d’usages diocésains médiévaux du rit romain – comme celui de Paris – placeront de même des prophéties avant l’épître, notamment à Noël, sans mettre de chant intercalaire ni d’oraison.

DE HYMNUM

DE L’HYMNE

Hymnum autem trium puerorum, quod post lectionis canetur in figura sanctorum veterum, qui sedentes in tenebris adventum Domini expectabant. Sicut enim illis silentibus quartus angelus adfuit in nubem roris, inferens ignis incendia vicit : ita et istis Christo praestolantibus ipse Dei Filius magni consilii Angelus adfuit, qui tartaria frangens imperia, gaudium resurrectionis illos liberans intulit, quod Evangelista docet. Secundum hoc etiam ecclesia servat ordinem, ut inter benedictionem et Evangelium lectio intercedat nisi tantum modo responsorium, quod a parvolis canetur, instar innocentum qui pressi in Evangelium consortis Christi nativitatem leguntur, vel eorum parvolorum qui properante ad passionem Domini, clamabant in templum Osanna Fili David, Psalmista canente ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem (Ps. VIII, 3). Quant à l’Hymne des Trois Enfants, qui est chanté après la lecture, il représente les saints de l’ancien temps, qui, assis dans les ténèbres, attendaient l’avènement du Seigneur. Car tout comme pour eux, alors qu’ils restaient silencieux, un quatrième ange apparut dans un nuage de rosée, vainquant les flammes du feu, de même pour ceux qui attendaient le Christ, le Fils de Dieu lui-même, l’Ange du Grand Conseil, est apparu, brisant les pouvoirs des enfers et apportant la libération de la joie de la résurrection, comme l’enseigne l’Évangéliste. En conséquence, l’Église maintient également cet ordre, de sorte qu’entre la Bénédiction [des Trois Enfants] et l’Évangile, il y ait pas d’autre lecture, à l’exception d’un simple répons chanté par les enfants, représentant les innocents qui sont associés à la naissance du Christ dans l’Évangile, ou de ces petits enfants qui, lors de l’entrée du Seigneur à Jérusalem, criaient dans le temple “Hosanna au Fils de David”, comme le psalmiste le chante : “Tu as tiré la louange de la bouche des enfants et des nourrissons” (Psaume VIII, 3).
Le rit des Gaules place donc le premier des Cantiques des Trois Enfants dans la fournaise (Daniel III, 52-55) à toutes ses messes entre l’apôtre et l’évangile. De façon assez similaire, le rit romain place ce cantique des Trois Enfants entre la dernière prophétie et l’épître aux messes des samedis des Quatre-Temps, on le retrouve aussi dans la vigile pascale byzantine, parmi les 15 prophéties.

Notons que saint Germain place après le chant des Bénédictions des Trois-Enfants un répons chanté par des enfants, qui est l’équivalent du graduel romain, du psalmellus ambrosien (chanté par des enfants en certaines occasions), du psallentdum mozarabe, donc un texte court tiré des psaumes avec une partie reprise (le répons proprement dit) et un verset. A Paris, des enfants chantaient le répons, mais saint Grégoire de Tours note que dans son église il était chanté par un diacre (“Le Roi Gontran m’ordonna de faire chanter mon diacre, qui, la veille à la Messe, avait entonné le répons des psaumes” (Histoire des Francs, L VIII, c.III).

Notons que saint Germain ne connait pas l’Alleluia avant l’évangile à la messe qui mit du temps à s’imposer à Rome tout au long de l’année après son introduction à Pâques sous le pontificat du pape Damase à l’instigation de saint Jérôme.

DE AIUS ANTE EVANGELIUM

DE L’AGHIOS AVANT L’EVANGILE

Tunc in adventu sancti Evangelii claro modulamine denuo psallet clerus Aius in specie angelorum ante faciem Christi ad portas inferi clamantium : Tollite portas principes vestras, et elevamini portae aeternales, et introibit Dominus virtutum rex gloriae (Ps. XXIII, 7). Ensuite, à l’arrivée de l’Évangile sacré, le clergé chantera à nouveau l’Aius d’une voix éclatante, représentant les anges devant le visage du Christ aux portes de l’enfer, clamant : “Ouvrez, portes éternelles, le Roi de gloire entrera.” (Psaume XXIV, 7).
Chantait-on à nouveau l’Aghios o Theos pénitentiel du début de la messe (couplé à la supplication du Kyrie eleison), ou plus vraisemblablement une acclamation éclatante comme celle qu’emploie le rit mozarabe d’Espagne au début de l’offertoire avant les diptyques : Agios, Agios, Agios, Domine Rex aeterne, tibi laudes et gratias.

DE EVANGELIO

DE L’EVANGILE

Egreditur processio sancti Evangelii velud potentia Christi triumphantis de morte, cum praedictis armoniis, et cum septem candelabris luminis quae sunt septem dona Spiritus sancti vel v. legis lumina mysterio crucis confixa, ascendens in tribunal analogii, velud Christus sedem regni paternae, ut inde intonit dona vitae, clamantibus clericis Gloria tibi, Domine, in specie angelorum qui nascente Domino Gloria in excelsis Deo (Luc. II, 14) pastoribus apparentibus cecinerunt. La procession du saint Évangile sort comme la puissance du Christ triomphant de la mort, avec les harmonies prévues et avec les sept chandeliers de lumière qui représentent les sept dons du Saint-Esprit ou les cinq lumières de la loi mystiquement fixées à la croix. Elle monte vers le tribunal de l’ambon, comme le Christ montant sur le trône du royaume du Père, pour de là proclamer les dons de la vie, tandis que les clercs crient “Gloire à toi, Seigneur”, dans l’apparence des anges qui ont chanté “Gloire à Dieu au plus haut des cieux” (Luc 2:14) aux bergers à la naissance du Seigneur.
Saint Grégoire de Tours, (Histoire des Francs, l. VIII, c. IV.) indique que l’évangéliaire est porté solennellement par le diacre. Celui-ci est accompagné de sept acolytes céroféraires, vraisemblablement réduits à cinq aux jours plus ordinaires. L’acclamation au titre de l’évangile notée par saint Germain de Paris est la même qu’à Rome, à Tolède ou à Milan : Gloria tibi, Domine.

DE SANCTVS POST EVANGELIUM

DU SANCTUS APRES L’EVANGILE

Sanctus autem quod redeunte sancto Evangelio clerus cantat, in specie sanctorum, qui redeunte Domino Jesu Christo de inferis canticum laudis Dominum sequentis cantaverunt, vel septuaginta quatuor seniorum quos in Apocalypsin Johannes commemorat, qui mittentes coronas suas ante Agnum dulce canticum cantaverunt. Le “Sanctus”, que le clergé chante lorsque l’Évangile saint revient [à sa place], représente les saints qui, à la résurrection du Seigneur Jésus-Christ des enfers, ont chanté le cantique de louange au Seigneur, ou les soixante-quatorze anciens mentionnés par Jean dans l’Apocalypse, qui ont jeté leurs couronnes devant l’Agneau et ont chanté le doux cantique.
Je suis enclin à penser qu’on chantait la même acclamation processionnelle qui accompagnait la procession de l’évangile avant celui-ci, mais en latin cette fois-ci et non plus en grec. Rappelons l’acclamation que le rit hispanique place un peu après au début de l’offertoire : Agios, Agios, Agios, Domine Rex aeterne, tibi laudes et gratias.

DE OMELIAS

DE L’HOMELIE

Homelias autem sanctorum quæ leguntur pro sola prædicatione ponuntur, ut quicquid propheta, Apostolus, vel Evangelium mandavit, hoc doctor vel pastor Ecclesiæ apertiori sermone populo prædicet : ita arte temperans, ut nec rusticitas sapientes offendat, nec onesta loquacitas obscura rusticis fiat. Les homélies des saints qu’ont lit ne sont placées que pour prendre la place de la seule prédication, afin que tout ce que le Prophète, l’Apôtre ou l’Évangile a ordonné soit prêché au peuple par le docteur ou le pasteur de l’Église dans un discours plus clair. Il doit modérer son art de telle manière que ni la rusticité n’offense les sages, ni la loquacité honnête ne devienne obscure pour les rustres.
La rédaction de ce passage est quelque peu elliptique mais on déduit que soit le célébrant prêchait l’homélie, soit on lisait une homélie sur l’Ecriture tirée des écrits des Pères de l’Eglise (pour palier au manque de talent du célébrant). Cette pratique avait été autorisée par le IIIème Concile de Vaison du 5 novembre 529, qui déclare dans son second canon :

Nous avons trouvé bon aussi, pour le progrès de toutes les églises et pour l’utilité de tout le peuple, que non seulement dans les cités, mais aussi dans toutes les paroisses, nous permettions aux prêtres de prendre la parole, avec cette précision que si le prêtre, empêché par quelque infirmité, ne pouvait pas prêcher lui-même, les homélies des saints pères soient lues par les diacres; si en effet les diacres sont dignes de lire ce que le Christ a dit dans l’évangile, pourquoi les jugerait-on indignes de lire en public les commentaires des saints pères ?

DE PRECE

DES PRIERES

Preces vero psallere levitas pro populo ab origine libris Moysacis ducit exordium, ut audita apostolis prædicatione, levitæ pro populo deprecentur, et sacerdotes prostrati ante Dominum pro peccata populi intercedant, dicente Domino ad Aaron : Tu et filii tui vel omnis tribus Levi portabitis peccata populi mei, utique non pænaliter sustinendo ; suissed precibus sublevando. L’origine des prières psalmodiées par les lévites nous vient des livres de Moïse; après avoir entendu la prédication des apôtres, les lévites intercèdent pour le peuple, tandis que les prêtres, prosternés devant le Seigneur, intercèdent pour les péchés du peuple, comme le Seigneur l’a dit à Aaron : “Toi et tes fils, ainsi que toute la tribu de Lévi, porterez les péchés de mon peuple”, non pas en les supportant péniblement, mais en les soulageant par leurs prières”.
Comme dans la liturgie byzantine ou autres liturgies orientales (cela est déjà décrit par les Constitutions APostoliques, les diacres psalmodies des prières litaniques. Celles-ci sont conclues par une oraison du célébrant appelée dans les sacramentaires gallicans collectio post precem (collecte après la prière). On trouve dans la messe mozarabe une prière diaconale semblable au début de l’offertoire, le peuple répondant Præsta æterne omnipotens Deus après chaque invitation du diacre à la prière. Ces prières sont conclues dans la liturgie espagnole par une oraison appelée Alia (oraison “pour les autres”) qui correspond à la Post precem gallicane.

DE CATICUMINO

DU RENVOI DES CATECHUMENES

Caticuminum ergo diaconus ideo clamat juxta anticum ecclesiæ ritum, ut tam Judæi, quam hæretici, vel pagani instructi, qui grandis ad baptismum veniebant, et ante baptismum probantur starent in ecclesia, et audirent consilium Veteris et Novi Testamenti, postea deprecarent pro illos levitæ, diceret sacerdos collecta post prece, exirent postea foris, qui digni non erant stare, dum inferebatur oblatio, et foras ante ostium abscultarent prostrati ad terram magnalia : quæ cura ad diaconum vel ad ostiarium pertinebat, ut illis admoneret exire, iste provideret ne quis indignus retardaretur in templo dicendo nolite dare Sanctum canibus, neque mittatis margaritas vestras ante porcos. Quid enim in terra sanctius confectione corporis et sanguinis Christi ? et quid plus immundum canis et porci ? Similitudine comparandum eo, vel qui non est purgatus baptismo, vel non monitus crucis signaculum. Ainsi, le diacre proclame [le renvoi] des catéchumènes selon l’ancien rituel de l’Église, afin que les Juifs, les hérétiques ou les païens instruits qui venaient adultes au grand baptême, et qui étaient examinés avant le baptême, se tiennent dans l’église et entendent les conseils de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ensuite, les lévites intercèdent pour eux, le prêtre dit la collecte après la prière, et ensuite ils sortent dehors, ceux qui ne sont pas dignes de rester, pendant que l’offrande est présentée. À l’extérieur, devant la porte, ils écoutent, prosternés à terre, les grandes choses ; cela relevait de la responsabilité du diacre ou du portier de les avertir de sortir, pour qu’ils empêchent que quiconque indigne ne soit retardé dans le temple, en disant : “Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux”. Car qu’y a-t-il de plus sacré sur terre que la consécration du corps et du sang du Christ ? Et qu’y a-t-il de plus impur que les chiens et les porcs ? Cela peut être comparé à ceux qui ne sont pas purifiés par le baptême, ou qui n’ont pas été avertis du signe de la croix.
Il est intéressant de noter que saint Germain décrive la pratique du renvoi des catéchumènes adultes au passé. Le catéchuménat adulte devait se raréfier au profit du baptême des petits enfants. Tout le passage suggère malgré tout qu’on maintienne encore à cette époque les monitions diaconales qui ordonnaient aux catéchumènes de quitter l’église avant que ne commence l’offertoire et la messe des fidèles.

Voici les monitions que dit le diacre à ce moment de la liturgie byzantine : Que tous les catéchumènes se retirent. Catéchumènes, retirez-vous ! Que tous les catéchumènes se retirent. Qu’aucun catéchumène ne reste.

Saint Grégoire de Tours ne mentionne pas le renvoi des catéchumènes, il avait dû déjà tomber en désuétude dans son église. Cependant, il mentionne le renvoi des pénitents publics au même endroit (“Après que l’on eut offert les dons sur l’autel, l’évêque Nizier dit : ‘On n’achèvera pas ici, aujourd’hui, le sacrifice de la Messe à moins que ne sortent ceux qui sont privés de la communion’” – Vies des Pères, XVII, 2), de même que le Concile de Lyon de 517.

Spiritaliter jubemur silentium facere observantes ad ostium, id est ut tacentis a tumultu verborum vel vitiorum signum crucis ponamus ante faciem nostram, ne intret concupiscentia per oculis, ira per aurem, ne prodeat sermo turpis ex labiis, et hoc solum cor intendat, ut in se Christum suscipiat. Nous sommes spirituellement appelés à observer le silence près de la porte, c’est-à-dire à placer devant notre visage le signe de la croix, témoignant du silence face à l’agitation des mots ou des vices. Cela afin que la convoitise ne pénètre pas par les yeux, que la colère n’entre pas par les oreilles, et que des paroles honteuses ne sortent pas de nos lèvres. Notre seul but est de nous concentrer sur notre cœur, afin d’y accueillir le Christ en nous.
Le texte de saint Germain fait sans doute ici allusion à des monitions diaconales demandant à la fois la garde des portes désormais fermées de l’église par les portiers et le silence à l’assemblée. Voici la monition diaconale de la liturgie byzantine qui a dû avoir son pendant dans la liturgie parisienne du temps de saint Germain : Les portes. Les portes. Sagesse, soyons attentifs.

DE SONO

DU SONUS

Sonum autem, quod canetur quando procedit oblatio, hinc traxit exordium. Præcepit Dominus Moysi, ut faceret tubas argenteas, quas levitæ clangerent quando offerebatur hostia, et hoc esset signum, per quod intellegeret populus qua hora inferebatur oblatio, et omnes incurvati adorarent Dominum, donec veniret columna ignis aut nubes, qui benediceret sacrificium. Nunc autem procedentem ad altarium corpus Christi non jam tubis inrepraehensibilibus, sed spiritalibus vocibus præclara Christi magnalia dulci modilia psallet Ecclesia. Corpus vero Domini ideo defertur in turribus, quia monumentum Domini in similitudinem turris fuit scissum in petra, et intus lectum ubi pausavit corpus dominicum, unde surrexit Rex gloriæ in triumphum. Sanguis vero Christi ideo specialiter offertur in calice, quia in tale vasum consecratum fuit mysterium Eucharistiae pridie quam pateretur Dominus ipso dicente, Hic est calix sanguinis mei mysterium fidei qui pro multis effundetur in remissionem peccatorum (Matth. XXVI, 28). Panis vero in corpore et vinum transformatur in sanguine, dicente Domino de corpore suo : Caro enim mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus (Joan. VI, 55). De pane dixit hoc est corpus meum, et de vino hic sanguis meus (Matth. XXVI, 26). Aqua autem ideo miscitur, vel quia decet populo unitum esse cum Domino, vel quia de latere Christi in cruce sanguis manavit et aqua, et unum mundemur a labe culparum, alio praeparemur ad regna cælorum. Le “sonus” qui est chanté lorsque l’offrande est présentée, voici d’où tire son origine : Le Seigneur a ordonné à Moïse de fabriquer des trompettes d’argent que les Lévites devaient faire retentir lorsque l’offrande était offerte en sacrifice, et cela devait servir de signe permettant au peuple de comprendre à quel moment l’offrande était faite, et tous s’inclinaient pour adorer le Seigneur jusqu’à ce que la colonne de feu ou la nuée vienne bénir le sacrifice. Maintenant, lorsque le corps du Christ s’approche de l’autel, l’Église chante les merveilles éclatantes du Christ avec des voix spirituelles douces, non plus avec des trompettes indiscernables. Le corps du Seigneur est porté dans des tours, car le tombeau du Seigneur ressemblait à une tour taillée dans la pierre, à l’intérieur duquel reposait le corps du Seigneur, d’où le Roi de gloire ressuscita en triomphe. Le sang du Christ est spécialement offert dans le calice, car dans ce vase consacré fut institué le mystère de l’Eucharistie la veille de la passion du Seigneur, lui-même disant : “Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour plusieurs pour la rémission des péchés” (Matthieu XXVI, 28). Quant au pain, il est transformé en corps et le vin en sang, car le Seigneur a dit de son corps : “Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment une boisson” (Jean VI, 55). Il a dit du pain : “Ceci est mon corps”, et du vin : “Ceci est mon sang” (Matthieu XXVI, 26). Quant à l’eau, elle est mélangée soit parce qu’il convient que le peuple soit uni au Seigneur, soit parce que du côté du Christ sur la croix a coulé du sang et de l’eau, et ainsi nous sommes purifiés de la souillure des péchés et préparés à entrer dans les royaumes des cieux.
Un chant accompagne la procession des oblats à l’offertoire et reçoit le nom de Sonus. Il équivaut probablement au Laudes et Sacrificum que chante le rit mozarabe à l’offertoire, aux antiennes Post Evangelium et Offertorium du rit ambrosien, et quelque peu au répons d’offertoire romain.

Notons que saint Germain à l’offertoire n’indique nullement de présentation des oblats, mais parle bien du Corps du Seigneur porté dans des tours (il faut imaginer des pyxides). Deux possibilités s’offrent à nous pour comprendre ce passage : soit on portait triomphalement à l’autel dans des tours-pyxides une réserve eucharistique – le fermentum – qui était conservée d’une messe à la suivante pour marquer ainsi la continuité du sacrifice (pratique en usage à Rome) ; ou bien – plus vraisemblablement – tout ce passage montre que la prolepse – une anticipation du sacrifice à l’offertoire, à l’instar de la Grande Entrée byzantine ou de l’offertoire de la messe romaine traditionnelle (on retrouve une semblable anticipation du sacrifice dans les liturgies alexandrines et antiochiennes – est déjà bien ancrée dans la théologie & la liturgie franques du VIème siècle. Le parallèle avec la liturgie byzantine est particulièrement frappant : un chant accompagne le transport des saints dons sur l’autel (“car le Roi des Rois et le Seigneur des Seigneurs s’avance” chante la Grande Entrée de la Liturgie de saint Jacques), auxquels on rend les honneurs dus au Corps et au Sang du Seigneur (et non à un simple pain et à une coupe de vin). Il est frappant de constater que dans son commentaire mystique de l’Eucharistie, saint Germain évoque les paroles du christ du récit de l’Institution dans le passage où il parle du transport des saints dons.

Patena autem vocatur ubi consecratur oblatio, quia mysterium Eucharistiæ in commemoratione offertur passionis Domini. Palla vero linostima in illius indumenti tenet figuram, quia in gyro contexta a militibus non fuit divisa, tonica scilicet Christi. Corporalis vero palla ideo pura linia est super quam oblatio ponitur, quia corpus Domini puris linteaminibus cum aromatibus fuit obvolutum in tumulo. Coopertum vero sacramentorum ideo exornatur, quia omnia ornamenta praecellit resurrectio Christi, vel camara cæli quæ nunc Dominum teget ab oculis nostris. Siricum autem ornatur, aut auro, vel gemmis, quia Dominus Moysae in tabernaculo fieri velamina jussit ex auro, jacincto, et purpura, coccoque bis tincto et bysso retorta : quia omnia illa mysteria in Christi præcesserunt stigmata. La patène est appelée ainsi car c’est là que l’offrande est consacrée, car le mystère de l’Eucharistie est offert en commémoration de la passion du Seigneur. La pale, quant à elle, tient la forme de ce vêtement, car elle n’a pas été divisée par les soldats, représentant la tunique du Christ. Le corporal est une nappe de lin pur sur laquelle l’offrande est placée, car le corps du Seigneur était enveloppé de linges purs avec des aromates dans le tombeau. Le voile des sacrements est orné car la résurrection du Christ surpasse tous les ornements, ou comme le voile céleste qui couvre maintenant le Seigneur à nos yeux. Le tissu de soie est orné soit d’or, soit de gemmes, car le Seigneur a ordonné à Moïse de faire des tentures dans le tabernacle en or, en hyacinthe, en pourpre, en double écarlate et en fin lin : car tous ces mystères préfiguraient les stigmates du Christ.
Très intéressante descriptions des instruments liturgiques en usage au VIème siècle à Paris. Si la patène ne pose pas de difficulté, il faudra bien évidemment ne pas assimiler la pale à la forme actuelle (il s’agissait d’un premier voile qui se posait au dessus des espèces une fois celles-ci posées sur l’autel, le corporal étant une grande nappe en dessous. Particularité de l’ancien rit des Gaules, un grand voile de soie richement orné – le voile des sacrements – recouvre le tout. Il est probable que ce soit l’ancêtre de notre voile de calice actuel. Saint Grégoire de Tours ( Miracles de saint Martin, 1. 2, c. 25.) rapporte que ce voile devait être suffisamment large pour recouvrir les oblats : Lorsqu’après avoir déposé sur l’autel les Saints Dons on eut couvert d’un voile, suivant l’usage, le Mystère du Corps et du Sang du Christ. Ce voile devait ne pas être trop translucide mais bien épais pour recouvrir les Saints Mystères. Ailleurs saint Grégoire de Tours rapporte qu’un homme ayant donné un voile précieux, il fut défendu de s’en servir à cause qu’il était transparent : “Quant au voile, comme il est mince et transparent, qu’il ne soit pas placé sur les offrandes de l’autel, parce qu’il ne peut couvrir suffisamment le Mystère du Corps et du Sang du Christs” (Vies des Pères, c. II.).

L’usage de ce voile des sacrements parait confirmer la conception “prolepse” de l’offertoire pour saint Germain : l’honneur et le mystère dus aux saints dons sont rendus en anticipation de leur consécration.

Laudes autem, hoc est Alleluia, Johannes in Apocalypsi post resurrectionem audivit psallere. Ideo hora illa Domini palleo quasi Christus tegitur caælo, Ecclesia solet angelicum canticum : quod autem habet ipsa Alleluia prima et secunda et tertia signat tria tempora ante lege, sub lege, sub gratia. Quant aux “laudes”, c’est-à-dire l’Alléluia, Jean l’a entendu chanter dans l’Apocalypse après la résurrection. C’est pourquoi, à cette heure, alors que le Seigneur est voilé comme le Christ est couvert par le ciel, l’Église chante le cantique angélique. Le fait qu’il y ait un premier, un deuxième et un troisième Alléluia symbolise les trois époques : avant la loi, sous la loi, et sous la grâce.
Je pense que le chant de l’offertoire de la messe de saint Germain comportait deux parties : Sonus puis Laudes. Cette seconde partie – chantée une fois opéré le transfert des oblats sur l’autel, recouvert du voile des sacrements, comportait trois alléluia. On peut rapprocher cela de la grande entrée du rit byzantin, également chantée en deux parties, dont la seconde s’achève toujours par un triple alléluia (dans les quatre textes utilisés par ce rit à cet endroit durant l’année : grande entrée de saint Jean Chrysostome, des Présanctifiés de Carême, du Grand Jeudi et du Grand Samedi). Le rit mozarabe connait également deux pièces à l’offertoire dont la première est appelée Laudes et commence par un alleluia et la seconde est appelée Sacrificium et s’achève par un alléluia.
Nomina defunctorum ideo hora illa recitantur qua palleo tolletur, quia tunc erit resurrectio mortuorum, quando adveniente Christo cælum sicut libet plicabitur. Pacem autem ideo Christi mutuo proferunt, ut per mutuo osculo teneant in se caritatis affectum, et qui aliqua fuscatur discordia, cito recurrat ad gratiam, vel petat proximo veniam, ne pacem falsam dando incurrat proditoris consortium, et tantum melius proficiat Eucharistia suscepta vel benedictio tradita, quantum Christus conspicerit pacifica esse corda, quia ipse mandavit discipulis cælos ascendens, pacem reliquo vobis, pacem meam do vobis (Joan. XIV, 27), et in hoc cognoscent omnes quod discipuli mei estis, si vos invicem dilexeritis. Les noms des défunts sont récités à cette heure où le voile est enlevé, car alors sera la résurrection des morts, lorsque le Christ viendra et que le ciel sera plié comme un livre. La paix du Christ est alors mutuellement proclamée pour que, par ce baiser d’amour mutuel, ils maintiennent en eux l’affection de la charité. Et si quelqu’un est entaché de discorde, qu’il revienne rapidement à la grâce ou demande pardon à son prochain, afin de ne pas donner une fausse paix et s’associer ainsi au traître. Plus l’Eucharistie reçue et la bénédiction transmise seront profitables, plus le Christ verra que les cœurs sont en paix, car lui-même a ordonné à ses disciples en montant aux cieux : “Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix” (Jean XIV, 27), et “à ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres”.
Après le chant des Laudes devait avoir lieu les diptyques – liste de noms pour lesquels le Saint Sacrifice est offert – diptyques des vivants puis (au moins d’après le texte) des défunts, pendant lesquels on ôte le voile des sacrements. Les diptyques diaconaux étaient suivis de l’oraison sacerdotale Post nomina. Les diptyques existent toujours dans la messe mozarabe, chantés par le diacre, le peuple répondant après chaque indication des noms : Offerunt pro se et pro universa fraternitate pour le diptyque des vivants, Præsta, æterne omnipotens Deus pour le diptyque des défunts.

Le baiser de paix conclut l’offertoire comme dans tous les rits d’Orient et d’Occident, à l’exception notable de Rome et de l’Afrique romaine qui le placent avant la communion et font découler le don de la paix des saintes espèces consacrées.

Sursum corda ideo sacerdos habere admonet, ut nulla cogitatio terrena maneat in pectoribus nostris in hora sacræ oblationis, et tanto melius recipiatur Christus in mente, quanto sola cogitatio ipsum conatur adtendere. Confractio vero et commixtio corporis Domini tantis mysteriis declarata antiquitus Sanctis Patribus fuit, ut dum sacerdos oblationem confrangeret, videbatur quasi Angelus Dei membra fulgentis pueri cultro concædere, et sanguinem ejus in calicem excipiendo colligere, ut veracius dicerent verbum dicente Domino carnem ejus esse cibum et sanguinem esse potum. In hac confractione sacerdos vult augere, ibidem debet addere, quia tunc cælestia terrenis mixcentur, et ad orationem sacerdotis cæli aperiuntur. Sacerdote autem frangente, supplex clerus psallet antiphona, quia patiente dolore mortis omnia trementis testata sunt elementa. Le prêtre exhorte à élever les cœurs (Sursum corda) pour qu’aucune pensée terrestre ne demeure dans nos poitrines à l’heure de la sainte oblation, et pour que le Christ soit reçu d’autant mieux dans nos esprits que notre pensée tente de se concentrer uniquement sur lui. La fraction et la commixtion du corps du Seigneur, illustrées par tant de mystères, ont été révélées depuis longtemps aux Saints Pères. Ainsi, lorsque le prêtre brise l’oblation, il semblait qu’un Ange de Dieu coupait les membres d’un enfant resplendissant avec un couteau, et recueillait son sang dans le calice, pour affirmer plus véridiquement que la chair du Seigneur est vraiment une nourriture et son sang vraiment une boisson, comme l’a dit le Seigneur. Dans cette fraction, le prêtre doit augmenter, ajouter, car alors les choses célestes se mêlent aux terrestres et les cieux s’ouvrent à la prière du prêtre. Pendant que le prêtre brise l’oblation, le clergé chante en suppliant l’antienne, car lors de la souffrance de la mort, tous les éléments tremblants témoignèrent de cette douleur.
Saint Germain est très elliptique sur le canon eucharistique. Le Sursum corda fait partie du dialogue de la préface, comme partout ailleurs en Orient et en Occident. La citation qu’aucune pensée terrestre pourrait être une citation de la grande entrée de la liturgie de saint Jacques et du Grand Samedi byzantin, le point de contact avec la liturgie grecque (qui expliquerait d’autres similitudes relevées) pourrait être l’ambassade byzantine venue en France à l’époque de saint Germain pour apporter une partie de la vraie Croix à la Reine sainte Radegonde.

Le fait que saint Germain insiste tant sur le mystère à l’endroit où il devrait parler du canon eucharistique (qu’il omet sciemment de décrire avec précision) montre que celui-ci devait déjà largement être récité à voix basse derrières les voiles du sanctuaire et du ciborium par le célébrant.

Pour parler de la fraction, Germain rapporte un épisode bien connu des Pères du Désert égyptien (un moine ayant douté de la présence réelle de Notre Seigneur dans l’Eucharistie sous le voile du pain et du vin vit un enfant sacrifié par des anges puis dépecé – les anges lui présentèrent ensuite ces morceaux à la communion, il comprit alors le pourquoi des espèces du pain et du vin et par là la transsubstantiation.

Une antienne est chantée pendant la fraction, correspondant à l’antienne Ad Confractorium du rit ambrosien et dont l’Agnus Dei romain est le souvenir.

Oratio vero Dominica pro hoc ibidem ponitur, ut omnis oratio nostra in Dominica oratione claudatur. Benedictionem vero populi sacerdotibus fundere Dominus per Moysem mandavit dicens : Loquere ad Aaron et ad filios ejus ; sic benedicetis populo : Benedicat tibi et custodiat te (Num. VI, 23), et cætera quæ sequuntur. Aaron igitur locum Christi, filii ejus locum presbyterorum portaverunt. Ambobus igitur mandavit Dominus benedicere populum ; sed tamen propter servandam honorem pontificis, sacræ constituerunt canones, ut longiorem benedictionem episcopus proferret, breviorem presbyter funderet, dicit : Pax fides et caritas et communicatio corporis et sanguinis Domini sit semper vobiscum. Nam licet illam benedictionem quam Moysi Deus dictavit et nullus contradicere presbytero potest ; quia cælum et terra transibunt. Hoc ergo ante communionem benedictio traditur, ut in vas benedictum benedictionis mysterium ingrediatur. Jam vero quam dulcis sit animæ et corporis sacra communio, Christus verbis evangelicis ostendit dicens : Si manseritis in me, et verba mea in vobis manserint, quodcumque petieritis Patrem in nomine meo, fiet vobis (Joan. XV, 7). L’oraison dominicale (=Notre Père) est placée à cet endroit afin que toutes nos prières soient conclues par l’oraison dominicale. Le Seigneur a ordonné aux prêtres de bénir le peuple par Moïse en disant : “Parle à Aaron et à ses fils : Voici comment vous bénirez les enfants d’Israël : Le Seigneur te bénisse et te garde” (Nombres VI, 23), etc. Aaron représentait le Christ, et ses fils les prêtres. Ainsi, le Seigneur a ordonné à Aaron et à ses fils de bénir le peuple. Toutefois, pour préserver l’honneur du pontife, les saints canons ont établi que l’évêque prononcerait une bénédiction plus longue, tandis que le prêtre en donnerait une plus courte, disant : “La paix, la foi, la charité et la communion du corps et du sang du Seigneur soient toujours avec vous.” En effet, bien que personne ne puisse contester la bénédiction que Dieu a dictée à Moïse, car le ciel et la terre passeront, cette bénédiction est donnée avant la communion afin que le mystère de la bénédiction entre dans un vase béni. Quant à la douceur de la sainte communion de l’âme et du corps, le Christ l’a démontré par ses paroles évangéliques en disant : “Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé” (Jean XV, 7).
Le Notre Père (Oraison dominicale) est placé comme dans beaucoup de liturgies après la fraction du pain. On sait qu’il en était de même à Rome jusqu’à saint Grégoire le Grand et que celui-ci déplaça l’Oraison dominicale à la fin du canon, comme ce qu’il avait observé à Byzance, afin de dire cette prière à l’autel sur le Corps et le Sang du Seigneur, et non au trône comme antérieurement.

Comme dans quasiment toutes les liturgies anciennes, la bénédiction était donné avant la communion (et l’explication donnée par saint Germain est très belle : afin que les saints mystères entrent dans un vase béni). La bénédiction épiscopale avant la communion était longue et tripartite (on répondait Amen à chaque fois), elle était précédée d’une monition diaconale (Humilate capita vestra Deo, ou encore Humilate vos ad benedictionem en Espagneà, elle avait été conservée dans de très nombreux diocèses de France et de Germanie jusqu’à l’époque moderne.

Il est intéressant de noter que saint Germain concède au simple prêtre une bénédiction plus simple et plus courte que celle de l’évêque : Pax fides et caritas et communicatio corporis et sanguinis Domini sit semper vobiscum. Longtemps on leur avait refusé ce pouvoir. Ainsi le Concile d’Agde de 506 rappelle dans son canon 44 : “Il est absolument interdit au prêtre de donner la bénédiction au peuple dans l’église”.

Au Moyen-Age, on choisit de reporter la bénédiction après la communion, car les fidèles qui ne communiaient pas avaient pris l’habitude de quitter la messe une fois la bénédiction reçue.

Trecanum vero quod psalletur signum est catholicæ fidei de Trinitatis credulitate procedere. Sic enim prima in secunda, secunda in tertia et rursum tertia in secunda et secunda rotatur in prima. Ita pater in Filio, mysterium Trinitatis complectet. Pater in Filio, Filius in Spiritu sancto, Spiritus sanctus in Filio, et Filius rursum in Patre. Sed jam epistola finem accipiat in qua sollemnis Ordo brevi declaratus ostenditur quatenus in sequutura epistola de commune officio donante Domino auribus pandatur. Qui vivit. Le Trecanon qui est chanté est le signe de la foi catholique en la croyance en la Trinité. En effet, la première [partie] retourne à la seconde, la seconde à la troisième, et de nouveau la troisième à la seconde, et la seconde tourne à la première. Ainsi, le Père est dans le Fils, et le mystère de la Trinité est embrassé. Le Père est dans le Fils, le Fils dans le Saint-Esprit, le Saint-Esprit dans le Fils, et le Fils à nouveau dans le Père. Mais maintenant, cette épître prend fin, dans laquelle l’Ordre solennel a été brièvement expliqué, de sorte que dans l’épître suivante, l’office commun soit exposé aux oreilles des fidèles par la grâce du Seigneur. Lui qui vit.
Le texte se conclut par l’évocation d’un chant – le Trécanon – qui a pu être chanté soit pendant la communion des fidèles, soit une fois celle-ci achevée. Difficile de voir ce que pouvait être ce chant, car le terme de Trécanon (que certains veulent lire Tricanon) est un apax qui ne se rencontre nulle part ailleurs. La liturgie cousine d’Espagne contient comme chant après la communion la simple antienne suivante : Refecti Christi corpore et sanguine, te laudamus Domine, alleluia, alleluia, alleluia. Le Trecanon de saint Germain devait être un texte plus complexe et à la louange de la sainte Trinité.

Notons que saint Germain ne mentionne pas le renvoi (d’où provient le terme missa) des fidèles par le diacre, mais sa lettre semble se terminer de façon un peu pressée.

Remarquons enfin que l’expression Sollemnis Ordo – qui apparait dans le titre de la première lettre – est une expression qui parait désigner la sainte messe.

INCIPIT EPISTOLA SECUNDA DE COMMUNI OFFICIO.

ICI COMMENCE LA DEUXIÈME ÉPÎTRE SUR L’OFFICE DU COMMUN.

Quia favente Domino ordinem sacræ oblationis in priore epistola breviter explananda perstrinximus, nunc diversa Ecclesiæ carismata qua ratione subsistant, juxta quod Dominus nobis intelligere tribuit, brevi paginola commendemus. Puisque, par la faveur du Seigneur, nous avons brièvement expliqué l’ordre de la sainte oblation dans la précédente épître, nous allons maintenant exposer, dans une brève page, les divers charismes de l’Église et la manière dont ils subsistent, selon la compréhension que le Seigneur nous a accordée.
Antiphonas vero quas dulci cerimonia psallet Ecclesia hinc traxerunt exordium. Rex Salomon cum domum celeberrimum instruxisset, ibidem cantores instituit, qui cum diversis organis Dei magnalia decantarent, ut inter reliqua ornamenta quae fulgebant in templo, etiam divina eloquia dulci proferrentur eloquio, ut toto [Leg. tanto] plus delectaretur Dei verbum, quanto elegantius volvebatur vocis ornatu. Propter carnalis namque in ecclesia non propter spiritualis consuetudo est constituta cantandi, ut qui verbis non compunguntur, suavitate modolaminis moveantur, pensantes quanta sit dulcedo cælestis cantici, quando in incolatu hujus sæculi tam eleganter resonat Ecclesia laudes Christi. Antiphona autem dicta, quia prius ipsa anteponitur, et sic ponetur psalmi versiculum, cum gloria Trinitatis adnectetur, quarum quaterna sunt genera, organo ex prophetico, tympano ex evangelii sacro tonitruo, vel compassione [Leg. compositione] catholicorum Patrum pro ordine temporum, vel deprecando, vel narrando, vel laudes divinas tympanizando compositæ. Les antiennes que l’Église chante avec une douce cérémonie ont pris leur origine de cette manière : le roi Salomon, après avoir construit le célèbre temple, y institua des chantres qui, avec divers instruments, chantaient les merveilles de Dieu. Ainsi, parmi les autres ornements qui resplendissaient dans le temple, les paroles divines étaient également proclamées avec douceur, afin que la Parole de Dieu soit d’autant plus agréable qu’elle était exprimée avec élégance par la voix. La coutume de chanter dans l’Église a été établie non pas pour des raisons charnelles, mais pour des raisons spirituelles, afin que ceux qui ne sont pas touchés par les paroles soient émus par la douceur de la mélodie, en réfléchissant à la douceur du chant céleste, lorsque dans cette vie, l’Église résonne si élégamment des louanges du Christ. L’antienne est ainsi nommée parce qu’elle est d’abord chantée, puis suivie du verset du psaume, avec la gloire de la Trinité ajoutée. Il y a quatre types d’antiennes : celles issues des prophètes, celles tirées du tonnerre sacré de l’Évangile, celles composées par les saints Pères selon l’ordre des temps, et celles pour la prière, le récit ou la louange divine.
Belle présentation de l’origine et du but du chant sacré. Notons l’association de l’antienne avec au moins un verset de psaume, si ce n’est du psaume complet. On voit que la composition des antiennes puisaient soit dans l’Ecriture sainte, soit dans les écrits des Pères ou bien dans les besoins précis de l’Eglise.
Responsoria vero quæ in divinis officiis die aut nocte cantantur, de Pentateucho Moysi duxerunt originem, quando Pharaone submerso, Maria prophetissa sumens tympanum, præcinebat canticum, et respondebat populus adunatus in choro. Horum vero quaterna ratio constat, sicut de Antiphonabus superius continetur. Consuetudo praecinendi et respondendi non solum ad mare Rubrum, sed in multis Ebraeorum gentibus comprobatur, quod plenius Veteris Testamenti narrat historia. Les répons, qui sont chantés dans les offices divins de jour comme de nuit, trouvent leur origine dans le Pentateuque de Moïse, lorsque, après la submersion de Pharaon, Marie la prophétesse prit un tambourin et commença un chant auquel le peuple, réuni en chœur, répondait. Ces répons suivent un modèle en quatre parties, comme il a été mentionné plus haut pour les antiennes. La coutume de chanter en alternant un soliste et un chœur ne se limitait pas à la mer Rouge, mais était pratiquée dans de nombreux groupes hébreux, comme le relate plus en détail l’histoire de l’Ancien Testament.
La description des répons (chant alternant un soliste et tous alors que le chant antiphoné suppose le dialogue de deux chœurs égaux) est excellemment précise.
Sanctus Deus archangelorum in quadragesimo concinetur et non canticum Zachariæ, quia ista modulatio deprecabilis est populo, sicut verba texti ipsius continentur. Et propter hoc non canetur prophetia, propter quod et baptisterium claudetur ; scilicet quia canonis præcipiunt, vel baptismum quadragesimæ non est. Le “Sanctus Deus archangelorum” est chanté pendant le Carême, et non le cantique de Zacharie, car cette modulation est de nature suppliante pour le peuple, comme ce que contiennent les paroles de ce texte. Et c’est pourquoi la Prophétie ne sera pas chantée, de même que le baptistère sera fermé ; en effet, les canons prescrivent qu’il n’y a pas de baptême pendant le Carême.
Rappelons, comme nous l’avons vu dans la première épître de saint Germain, que le cantique de Zacharie, le Benedictus, est chanté au début de chaque messe et qu’on l’appelle aussi Prophétie. Durant le Carême, ce cantique est remplacé par un autre chant Sanctus Deus archangelorum, que la postérité ne nous a hélas pas transmis. On pourra faire le parallèle avec la messe romaine qui supprime de même au même endroit le Gloria in excelsis durant le Carême.

L’évocation du Carême dans ce paragraphe entraîne ensuite l’évocation par l’auteur de différents points relatifs à l’initiation chrétienne : catéchuménat, tradition du Symbole de la foi, confection du saint chrême et chrismation.

Oleum autem quod cum chrisma benedicitur, voce psalmi ostenditur, qui de Christo profertur (Psal. XLIV, 8) : Unxit te Deus de oleo lætitiæ præ consortibus tuis, vel illud : Oleo sancto meo linui eum (Psal. LXXXVIII, 21), prius ergo ungebantur veteris oleo, sic perfundebantur unguento. Specialiter autem oleum Græce Latine misericordia dicitur, et per oleum Sancti Spiritus gratia designatur. Hunc enim liquorem consecravit Deus in Ecclesia ad mystica conficienda unguenta, vel præparanda lucerna, vel fovenda peccaminum vulnera. L’huile qui est bénie avec le saint chrême est indiquée par la voix du psaume qui parle du Christ (Psaume XLIV, 8) : “Dieu t’a oint d’une huile d’allégresse, de préférence à tes compagnons”, ou encore : “J’ai enduit de mon huile sainte” (Psaume LXXXVIII, 21). Auparavant, on oignait avec l’ancienne huile, puis on versait l’huile sacrée. Spécifiquement, l’huile est appelée en grec ce qui signifie “miséricorde” en latin, et par cette huile, la grâce du Saint-Esprit est désignée. Dieu a consacré ce liquide dans l’Église pour la fabrication d’onguents mystiques, pour préparer les lampes et pour soigner les blessures du péché.
Symbulum quoque pro hoc competentibus supra scripto die tradetur, ut sicut quando dixit Deus Fiat lux, quod signat illuminatio credulitatis, appareat. Septima Die benedixit et sanctificavit in requie : ideo hac die fides populi firmatur, symbolum et lacte chrismatis enutritur, quia in die septima requies Christi in sepulcro coletur, et declinante jam die triumphum resurrectionis illius consecratur. Ideo autem venientem sacerdotem symbolum tradere, expandetur super cancellum molliciis plumarum, vel candida sabana, et defertur in calicis vascula chrismatis et olei benedicenda, vel codix sacri Evangelii rubro tectus velamine, quia populus ad fidem veniens infantiæ figuram tenet. Sicut enim infans est tener et novus in corpore : ita caticuminus tener et novus in fidem, infantis membra super plumacia ponuntur, ut melius nutriatur. Caticumino blanda verba Domini proferuntur, quo amplius delectetur. Non enim potest sustinere fortiora præcepta ante quam per baptismum Spiritus sancti confirmetur in gratia. Membra parvoli sabana, id est candido ac vilati linteo exterguntur, ne corium ei lædatur. Ita caticumino subtilitas fidei aperitur in symbulo, ut per credulitate tergatur ab omni peccato. Prius liniter per blanda præcepta, ne exasperetur tener in intelligentia, post modum . . . . per fortiora mandata ut convalescat per opera. Infans lacte nutritur, et caticumenis chrismate unguetur. Lac ex matris ubera suggetur, et chrisma in sinu sanctæ matris Ecclesiæ consecratur. Le Symbole sera également transmis aux catéchumènes le jour précédemment mentionné, de sorte que, tout comme lorsque Dieu a dit “Que la lumière soit”, ce qui signifie l’illumination de la foi, cela puisse apparaître. Le septième jour, Dieu a béni et sanctifié le repos : c’est pourquoi en ce jour, la foi du peuple est affermie, le catéchumène est nourri avec le Symbole et le lait du chrême, car le septième jour symbolise le repos de Christ dans le tombeau, et avec la fin du jour, la consécration du triomphe de sa résurrection est accomplie. C’est pourquoi, lorsque le prêtre vient transmettre le Symbole, on étend [au dessus de lui] un cadre de plumes douces ou un drap blanc, et l’on verse dans des coupes les ampoules du Chrême ou d’huile à bénir ; le livre sacré de l’Évangile est recouvert d’un voile rouge, car le peuple, venant à la foi, conserve l’image de l’enfance. Tout comme un enfant est tendre et nouveau dans son corps, de même le catéchumène est tendre et nouveau dans la foi ; les membres du bébé sont posés sur des plumes, afin qu’il puisse être mieux nourri. Des paroles douces du Seigneur sont prononcées pour le catéchumène, afin qu’il puisse se réjouir davantage. En effet, il ne peut supporter des préceptes plus forts avant d’être confirmé dans la grâce du Saint-Esprit par le baptême. Les membres du petit enfant sont essuyés avec un drap blanc et propre, pour éviter de lui faire mal à la peau. De la même manière, la subtilité de la foi est ouverte au catéchumène par le Symbole, afin qu’il puisse être purifié de tout péché par la croyance. Tout d’abord, des préceptes doux lui sont donnés, pour ne pas le rendre impatient dans sa compréhension, puis plus tard … par des commandements plus forts, pour qu’il puisse se fortifier par ses actes. Un bébé est nourri de lait, et le catéchumène est oint de chrême. Le lait est tiré des seins de sa mère, et le chrême est consacré dans le sein de la sainte mère Église.
Liber autem Evangelii in specie corporis Christi rubro tegitur velamine, sanguinis signo monstrante. In calicis autem chrismæ vascula deferuntur, quia omnia sacramenta baptismatis in Christi passione firmantur. Vitrea autem vel cristallina vasa chrismatis, claritatem signant baptismatis. Balsamum autem chrisma conficitur. Lentiscus genus ligni dicitur, unde risina balsamæ tolletur, de hoc lentisco in cruce dominica illa pars fuisse traditur, ubi sanctas manus Domini clavo confixit impius, perficitur. Ideo et risina ligni ipsius dispensante . . . etiam ab antiquis temporibus imprimatis . . . . transfundetur. Angelus enim Dei ad secreta super altare tamquam super monumentum descendit, et ipsam hostiam benedicit, instar illius angeli qui Christi resurrectionem evangelizavit. Tunc libera lingua, et voce clara omnia cantica quæ in quadragesima fuerunt sub silentio clausa recipiuntur, et submersio Pharaonis et Sanctus de cælis et alleluia cum gaudiis quia surrexit Dominus. Media autem nocte in officio consummatur, quia media nocte fregit infernum Salvator, tunc ab ore fidelis populi Agni caro comeditur, et sanguis dulciter bibetur, per quod omnis mundus pretio præclaro redimitur, atque ilico discitur ut auroris tentae diluculo laus resurrectioni Domini claro cantico cum benedictionibus celebretur. Le Livre de l’Évangile est couvert d’un voile rouge, signifiant le signe du sang montrant la présence du corps du Christ. Les ampooules de chrême sont versés dans une coupe, car tous les sacrements du baptême sont confirmés dans la passion du Christ. Les vases de chrême en verre ou en cristal symbolisent la clarté du baptême. Le baume pour le chrême est préparé à partir du lentisque, un type d’arbuste dont la résine est utilisée pour le baume. On raconte que cette partie de lentisque a été utilisée sur la croix du Seigneur, là où la main sacrée du Seigneur a été clouée par l’impie. Ainsi, la résine est également extraite de cet arbre, selon une pratique ancienne. Un ange de Dieu descend sur l’autel comme sur un monument secret et bénit l’hostie, comme l’ange qui a annoncé la résurrection du Christ. Alors, toutes les chants qui étaient clos pendant le Carême, tels que la submersion de Pharaon, le Sanctus de cælis et l’Alléluia de la joie de la résurrection du Seigneur, sont reçues avec une langue libérée et une voix claire. L’office est accompli au milieu de la nuit car c’est au milieu de la nuit que le Sauveur a brisé l’enfer. C’est alors que la chair de l’Agneau est mangée avec douceur par la bouche fidèle du peuple, et son sang est bu doucement, par lequel le monde entier est racheté à un prix précieux. Et dès l’aube, la louange de la résurrection du Seigneur est célébrée avec des chants clairs et des bénédictions.
Notons là encore la suppression de certains chants de joie pendant le Carême : le premier Cantique de Moïse ou l’Alleluia. La question du Sanctus pose plus de question. Il semble bien qu’en Gaule en effet le Sanctus du canon eucharistique était supprimé pendant le Carême. Le Concile de Vaison de 529 intervint dans son troisième canon pour que le Sanctus soit chanté aussi durant le Carême :

Et qu’à toutes les liturgies, que ce soit celles du matin, ou celles du Carême, ou celles qui se disent aux mémoires des défunts on doive dire : Sanctus, Sanctus, Sanctus, de la même façon qu’on le dit aux liturgies solennelles, car une parole si sainte, si agréable et désirable, même si on pouvait la dire jour et nuit, ne pourra jamais engendrer la lassitude.

Palleum vero in pascha cum tintinnabulis Eucharistia velatus instar veteris testamenti, ubi tonica sacerdotis plena tintinnabulis signans verba prædicationis ostenditur. Præcinctio autem vestimenti candidi quod sacerdos baptizaturus præcingitur in signa sancti Joannis agetur, qui præcinctus baptizavit Dominum. Albis autem vestibus in Pascha induetur secundum quod angelus ad monumentum albis vestibus cerneretur. Albæ etenim vestis exultationem significant. Le voile, lors de la Pâque, recouvre l’Eucharistie avec des clochettes, comme dans l’Ancien Testament où la tunique du prêtre pleine de clochettes symbolisait les paroles de la prédication. Le revêtement du vêtement blanc dont le prêtre se ceint lors du baptême rappelle les signes de saint Jean-Baptiste, qui, ceint de vêtements de baptême, a baptisé le Seigneur. Pendant la Pâque, le prêtre revêtira des vêtements blancs, selon le récit où l’ange au tombeau était vu vêtu de vêtements blancs. En effet, les vêtements blancs symbolisent la joie.
Nous avons là sans doute l’une des plus anciennes mentions relative à une couleur liturgique dans un temps liturgique donné.
Casula quam amphibalum vocant, quod sacerdos induetur, tota unita per Moysem legiferum instituta primitus demonstratur. Jussit ergo Dominus fieri dissimilatum vestimentum, ut talem sacerdos induerit, quale indui populus non auderetur. Ideo sine manicas, quia sacerdus potius benedicit quam ministrat. Ideo unita prinsecus, non scissa, non aperta ; quia multæ sunt Scripturæ sacræ secreta mysteria, quæ quasi sub sigillo sacerdoti doctus debet abscondere, et unitatem fidei custodire, non in hærese vel schismata declinare. La chasuble, appelée aussi amphibalum, que le prêtre revêt, est tout d’abord une démonstration des premières institutions par Moïse [comme] législateur. Le Seigneur a donc ordonné la confection d’un vêtement particulier, que seul le prêtre oserait porter, différent de celui du peuple. C’est pourquoi il n’a pas de manches, car le prêtre bénit plutôt qu’il ne sert. Il est également uni sur le devant, non fendu, non ouvert ; car de nombreux mystères sacrés des Écritures doivent être cachés comme sous un sceau par le prêtre instruit, qui doit préserver l’unité de la foi et ne pas tomber dans l’hérésie ou le schisme.
Incidemment, saint Germain fait la distinction entre la chasuble du prêtre et la dalmatique du diacre : la chasuble n’a pas de manche, contrairement à la dalmatique, “car le prêtre bénit plutôt qu’il ne sert”. Voyez le commentaire de ce passage dans notre article sur les chasubles pliées.
Palleum vero quod circa collo usque ad pectus venit, rationale vocabatur in vetere testamento, scilicet signum sanctitatis super memoriam pectoris, dicente propheta ex persona Domini Spiritus Domini super me. Et post pauca, ut ponerem gloriam lugentibus Sion, et darem eis coronam pro cinere, oleum gaudii pro luctu (Isai. LXI, 3). Palleum laudes pro spiritu mæroris. Quod autem collo cingit, antiquæ consuetudinis est, quia reges et sacerdotes circumdati erant palleo veste fulgente, quod gratia præsignabat. Quod autem fimbriis vestimenta sacerdotalia adnectuntur, Dominus Moysi præcepit in Numeris, ut per quatuor angulos palleorum filii Israel fimbrias facerent, ut populus Domini non solum opere, sed etiam et vestitu mandatorum Dei signum portaret. Le pallium, qui descend autour du cou jusqu’à la poitrine, était appelé rational dans l’ancien testament, signifiant ainsi le sceau de la sainteté sur la mémoire du cœur, comme le déclare le prophète au nom du Seigneur : “L’Esprit du Seigneur est sur moi ; c’est pourquoi il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux malheureux, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer aux captifs la liberté, et aux prisonniers la délivrance” (Isaïe LXI, 1). Le pallium symbolise les louanges malgré l’esprit de tristesse. Son enroulement autour du cou est une coutume ancienne, car les rois et les prêtres étaient enveloppés d’un manteau resplendissant, préfigurant ainsi la grâce. Quant aux franges attachées aux vêtements sacerdotaux, le Seigneur l’a ordonné à Moïse dans les Nombres, pour que les enfants d’Israël fassent des franges aux quatre coins de leurs vêtements, afin que le peuple du Seigneur porte non seulement le signe des commandements de Dieu par son travail, mais aussi par son habillement.
Notons que nous conservons les deux palliums possédés par saint Césaire d’Arles. Le pape Symmaque lui concéda en 513 un pallium comme attribut de sa charge, le pallium romain. Un autre pallium de saint Césaire est également conservé. L’historien Henri-Irénée Marrou a pu établir qu’il s’agissait du pallium gallican, dont le port était obligatoire à tous les évêques (B. Mottin, 1998). Il s’agit des plus anciens vêtements liturgiques de France. C’est à ce titre qu’ils furent classés Monuments historiques.
Manualia vero, idest manicas induere sacerdotibus mos est instar armillarum, quas regum vel sacerdotum brachia constringebantur. Ideo autem ex quolibet pretioso vellere, non metalli duritia extant, vel ut omnes communiter sacerdotes, etiam minoris dignitatis in saeculo facilius inveniant.

Vestimentum parvolum, quod non sit in alio uso, nisi ad frequentandum sacrificium, vel significat quod non graventur manus nostræ honoribus sæculi, sed circumdentur subtilia exercitia mandatorum Dei. Prohibet autem manica tonica ne appareat vile vestimentum, aut quocumque indignum tactum sordium super divina sacrificia, quo manus immolantes discurrunt.

Il est aussi coutume pour les prêtres de porter des manches (manualia), autrement dit des manchettes (manicas), semblables à des bracelets, qui entourent les bras, à l’instar des bracelets portés par les rois ou les prêtres. C’est pourquoi ils sont fabriqués à partir de précieuses étoffes plutôt que de matériaux métalliques rigides, afin que tous les prêtres, même ceux de moindre dignité dans ce monde, puissent les trouver facilement.

Le vêtement des manches empêche que des vêtements vulgaires ou souillés ne soient visibles pendant le sacrifice divin, et il indique également que nos mains ne sont pas encombrées par les honneurs du monde, mais plutôt enveloppées dans les délicates pratiques des commandements de Dieu.

Les manchettes liturgiques (epimanikia) sont utilisées par le rit byzantin pour les célébrants et les diacres, elles existent aussi dans le rit arménien. En Syrie, elles ont souvent une dimension plus importante, ce sont alors de véritables manches qui recouvrent l’avant-bras.
Albas vero, quas levitæ utuntur, ideo statuerunt patres, quia in vestimento tincto non sic apparet cito macula quomodo in albo : et minister altaris ideo utitur, ut observet et caveat omnem maculam, et nullatenus vestimenta ministrantium vel leviore tactu appareant sordida ; sed candida sint exterius veste, interius mente. Sirico aut vellere fictur, quia Dominus sacerdotibus ideo exinde habere indumenta mandavit, ut eorum vestis spem resurrectionis ostenderet. Sirico enim de ligno per verme fictur. Vermis post mortem procedit in alate, et post occasum et volatum figurans Christum, qui ex ligno crucis quiescens in sepulchro tamquam vermis clausus in sæculo angusto, surrexit de tumulo, et ad cælos sumsit volatum. Alterius vero velleris alba innocentiam tantum vitæ demonstrant. Alba autem non constringitur cingulo, sed suspensa tegit levitæ corpusculum, quia omnis conversatio Levitica in desiderio cælestis patriæ a terrenis operibus debet esse suspensa, nec cingulo peccatorum constricta. Les aubes que les lévites utilisent ont été établies par les anciens parce que dans un vêtement teint, une tache n’apparaît pas aussi rapidement que dans un vêtement blanc ; et le ministre de l’autel les utilise pour observer et éviter toute tache, de sorte que les vêtements des ministres ne paraissent en aucun cas souillés même par un contact léger, mais qu’ils soient blancs à l’extérieur et purs dans l’esprit. Elles sont fabriquées en toile de Syrie, car le Seigneur a ordonné aux prêtres de porter des vêtements de là-bas afin que leurs vêtements expriment l’espoir de la résurrection. La soie est fabriquée à partir du ver à soie. Le ver émerge sous forme de papillon après sa mort, et après son coucher et son envol, il figure le Christ qui, reposant sur le bois de la croix comme un ver enfermé dans un étroit sac, est ressuscité du tombeau et a pris son envol vers les cieux. Les aubes d’un autre tissu symbolisent simplement l’innocence de la vie. Les aubes ne sont pas serrées par une ceinture, mais elles couvrent le corps du lévite en pendant, car toute conduite lévitique doit être pendue quant aux œuvres terrestres par le désir de la patrie céleste, et non liée par la ceinture des péchés.
L’aube sans ceinture est une rareté qui ne se rencontre dans aucun autre rit.
Stola autem quam super alba diaconus induit, significat subtilitatis intelligentiam in divina mysteria, licet veteri stola induentes gaudium solemnitatis se habere monstrabant. Et pro hac causa in quadragesima pro humiliatione non utetur, sicut nec alleluia in nostra Ecclesia, Sanctus, vel prophetia, hymnum trium puerorum, vel canticum Rubri maris illis diebus decantantur. Stola alba namque angelus præcinctus apparuit quando sedens in monumento Domini, solemnitatem resurrectionis illius nunciavit. Ideo in Quadragesima prohibendum hæc cantica, quia cælestia et angelica sunt. De cælis enim columna ignis in nocte, et columna nubis in die, angelus in camino flammæ in cælis audita est. Alleluia vel Sancti tacentur ergo in pœnitentia, ut nova fiant in Resurrectione dominica quando reserantur et baptisma. Oportet ergo levita cælestem cantet canticum. L’étole que le diacre porte sur l’aube symbolise la compréhension subtile des mystères divins, bien que dans l’ancienne pratique, ceux qui portaient l’étole montraient la joie de la solennité. Pour cette raison, pendant le Carême, elle n’est pas utilisée pour exprimer l’humilité, de même que l’Alleluia, le Sanctus, la Prophétie, l’Hymne des Trois Enfants ou le Cantique de la Mer Rouge ne sont pas chantés dans notre Église ces jours-là. En effet, un ange vêtu d’une étole blanche est apparu lorsque, assis dans le tombeau du Seigneur, il a annoncé la solennité de sa résurrection. C’est pourquoi ces chants célestes et angéliques sont interdits pendant le Carême. Car dans les cieux, une colonne de feu apparaît la nuit et une colonne de nuée le jour, et un ange est entendu dans le chemin de flamme dans les cieux. Ainsi, l’alleluia et le Sanctus sont tus pendant le temps de pénitence, afin qu’ils puissent être renouvelés dans la Résurrection du Seigneur lorsqu’ils seront rétablis avec le baptême. Il est donc nécessaire que le lévite chante un chant céleste.
La suppression de l’étole diaconale pendant le Carême peut avoir son parallèle avec la suppression de la dalmatique dans le rit romain pendant la même période. Notons en plus de la suppression de l’Alleluia, du Cantique de Zacharie et du Sanctus de la messe pendant le Carême, Germain mentionne également la suppression du Cantique des Trois Enfants dans la fournaise et de celui de Moïse après la traversée de la Mer Rouge (Cantemus Domino). EL fait que Germain précise que cette suppression se fait dans son Eglise de Paris laisse entendre que l’usage pouvait varier en Gaule (à rapprocher du 3ème canon du Concile de Vaison qui demande le chant du Sanctus même pendant le Carême, ce qui laisse entendre qu’il ne se faisait pas partout).

De Jerusalem exeunt – première antienne parisienne processionnelle pour la procession des Litanies Majeures

In Litaniæ Majores
In Processione, prima Antiphona

Antienne De Jerusalem exeunt pour la procession des Litanies Majeures

De Jerusalem * exéunt relíquiæ et salvátio de monte Sion ; proptérea protéctio erit huic civitáti, et salvábitur propter David fámulum ejus. Alleluia. De Jérusalem sortent les reliques, et le salut de la montagne de Sion ; aussi cette cité sera-t-elle protégée et sauvée à cause de David, son serviteur. Alléluia.

Source : Missel Parisien de l’ancien fond de Notre-Dame de Paris (c. 1225) – F-Pn lat. 1112 f°250 v° (CAO n°1543).

Cette antienne De Jerusalem exeunt fait partie d’une vaste série d’antiennes processionnelles qui étaient chantées à Rome lors de la procession des Litanies Majeures, lesquelles se tiennent le 25 avril. N’ayant pas été consignées dans le Missale Romanum de saint Pie V, elles sont de fait tombées en désuétudes, en dépit de leur grande antiquité. L’usage de Paris en a conservé un certain nombre et commençait la procession des Litanies Majeures par celle-ci, De Jerusalem exeunt. Ces antiennes étaient transcrites à la fois dans le Missel et dans le Processional, elles étaient utilisées non seulement pour les Litanies Majeures, célébrées le 25 avril concomitamment à la fête de saint Marc, mais également aux Litanies Mineures, c’est-à-dire aux trois jours de Rogations qui précèdent la fête de l’Ascension. Leur chant précédait à l’origine celui des sept psaumes de la pénitence et celui des litanies des saints.

Ces antiennes étaient appelées au Moyen-Age antiennes litanialesantiphonæ lætanialis ou encore antiennes de la miséricordeantiphonæ de Misericordia. Elles remontent très vraisemblablement à l’époque de saint Grégoire le Grand (VIème siècle) voire plus haut. A l’origine, et avant de voir leur emploi se spécialiser dans les manuscrits médiévaux pour les Litanies Majeures et Mineures, elles étaient employées à Rome pour toutes les processions, à commencer par celles qui avaient lieu tous les jours de station entre l’église de la collecte et celle de la station.

Le texte de notre antienne De Jerusalem exeunt rappelle que les reliques des saints se doivent porter aux processions des Litanies Majeures et Mineures (les Rogations), ainsi qu’on le voit sur toutes les représentations graphiques de ces cérémonies.

Procession des Litanies majeures : le Pape saint Grégoire le Grand a la vision de saint Michel Archange sur le Château Saint-Ange remettant son glaive au fourreau, marquant la fin de l'épidémie de peste à Rome.
Procession des Litanies majeures : le Pape saint Grégoire le Grand a la vision de saint Michel Archange sur le Château Saint-Ange remettant son glaive au fourreau, marquant la fin de l’épidémie de peste à Rome. Le clergé porte en procession l’icône miraculeuse Salus Populi Romani
Procession de saint Gregoire aux Litanies Majeures par Jacopo Zucchi
Procession de saint Gregoire aux Litanies Majeures par Jacopo Zucchi (Musées du Vatican).

Voici le manuscrit parisien – le Missale Parisiense cité plus haut – sur lequel nous avons établi notre édition :

Antienne De Jerusalem exeunt pour la procession des Litanies Majeures - Missale Parisiense c. 1225

A titre de comparaison, voici la même antienne De Jerusalem exeunt dans le Processional parisien imprimé de 1556 publié par Mgr Jean du Bellay, 108ème évêque de Paris (f°32 v° et f°33 r°) :

La première antienne processionnelle des Litanies majeures dans le Processional de Jean du Bellay

La première antienne processionnelle des Litanies majeures dans le Processional de Jean du Bellay

Gaudii primordium – prose parisienne de la Nativité de la Sainte Vierge

Gaudii primordium - prose parisienne de la fête de la Nativité de la Sainte Vierge

Gáudii primórdium
Et salútis núntium
Diem nostræ cánimus.
Nous célébrons le jour qui commence notre joie, le jour qui annonce notre salut.
Quæ dat hora Vírginem,
Spondet Deum hóminem :
En venit quem quærimus.
Le moment qui donne la naissance à la Vierge Marie, nous promet un Homme-Dieu : celui que nous attendons va paraître.
Qvam in matrem éligit,
Hujus ortum dírigit
Deus omnis grátiæ.
Le Dieu de toute grâce, qui a choisi Marie pour sa mère, préside à sa naissance : il la comble de ses bienfaits.
Domum quam inhábitet,
Mox e qua nos vísitet,
Ornat sol justítiæ.
Le Soleil de justice orne de ses dons la maison qu’il veut habiter, & d’où il vient se rendre visible aux hommes.
Qvot micat lumínibus,
Suis Deus úsibus
Quod vas fingit glóriæ.
De quel éclat doit briller ce vase précieux, que Dieu prend soin de former pour lui-même !
Quot latent mirácula !
Fiet hæc nubécula
In vim magnam plúviæ.
Que de prodiges sont ici renfermés ! C’est une petite nuée qui s’élève, mais qui deviendra pour nous une pluie féconde et abondante.
Benedícta fília,
Tota plena grátia,
Tota sine mácula :
Fille sainte & bénie, remplie des grâces du Seigneur, Vierge pure et sans tache :
Cæli quod jam hábitas,
Pande nobis sémitas
Prece, Virgo, sédula.
Priez pour nous sans cesse, ô Vierge sainte, et ouvrez-nous par ce moyen l’entrée du ciel, où vous habitez.
Iram promerúimus ;
Christe, pacem pétimus :
Hanc da, matris précibus.
Nous avons mérité votre colère, ô Jésus ; nous soupirons après notre réconciliation : accordez-la aux prières de votre Mère.
Vt in nobis máneas,
Corda nostra præbeas
Pura culpis ómnibus. Amen. Alleluia.
Afin que nous soyons une demeure digne de vous, Seigneur, daignez purifier nos cœurs de tout péché. Amen. Alléluia.

Cette séquence moderne – Gaudii primordium – s’est substituée aux anciennes proses médiévales qu’employait l’usage de Paris pour célébrer la fête de la Nativité de la Sainte Vierge (Hac clara die pour le jour de la fête, Ave mundi spes Maria pour le dimanche dans l’octave, Res est admirabilis pour le second jour dans l’octave, Ave mater Iesu Christi pour le troisième jour dans l’octave, Inviolata pour le quatrième jour dans l’octave, Ave Maria pour le cinquième jour dans l’octave, Salve Mater salvatoris pour le jour octave). Elle est entrée au d’abord au Missel parisien du cardinal de Noailles de 1706 puis fut reprise par leMissel parisien de Mgr de Vintimille de 1738, d’où elle s’est diffusée dans un grand nombre de diocèses français.

La mélodie adoptée pour Gaudii primordium est un ton assez simple employée pour plusieurs autres proses parisiennes, comme Ave plena gratia pour la fête de la Purification de la Sainte Vierge.

Profitentes Unitatem : une séquence parisienne d’Adam de Saint-Victor pour la fête de la Trinité

La prose Profitentes Unitatem était utilisée par l’Eglise de Paris pour le dimanche de la Très-Sainte Trinité, jour octave de la Pentecôte. Sa composition est due au fameux hymnographe Adam de Saint-Victor, le prince des poètes médiévaux, qui fut pré-chantre de la cathédrale de Paris avant de se retirer en l’Abbaye de Saint-Victor, où il mourut vers 1148.

Voici ci-après le chant de la prose Profitentes Vnitatem restitué par nous d’après les anciens missels parisiens médiévaux. Ce chant est directement issu du plain-chant de l’Alleluia Verbo Domini cœli firmati sunt, du VIIIème ton, qui était employé par le rit parisien pour la fête de la Très-Sainte Trinité. Cette composition d’Adam de Saint-Victor a sans doute remplacé la vieille prose du IXème siècle Benedicta semper sancta sit Trinitas (que certains manuscrits parisiens gardent comme prose alternative pour la messe de la Trinité – cette dernière prose en revanche est modulée sur l’Alleluia Benedictus es, qui est dans les livres romains).

 

Prose Profitentes Unitatem à la sainte Trinité d'Adam de Saint-Victor

Prose Profitentes Unitatem à la sainte Trinité d'Adam de Saint-Victor

Prose Profitentes Unitatem à la sainte Trinité d'Adam de Saint-Victor

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Texte & traduction par dom Guéranger :

Profiténtes Vnitátem
Venerémur Trinitátem
Pari reveréntia.
Confessons l’Unité divine,
Vénérons la Trinité
D’un culte pareil :
Tres Persónas asseréntes
Personáli differéntes
A se differéntia.
Reconnaissant trois personnes
Que distingue
Une personnelle différence.
Hæc dicúntur relatíve,
Cum sint unum substantíve,
Non tria princípia.
Elles reçoivent leur nom de leur relation,
Etant un substantivement,
Et non trois principes.
Sive dicas tres, vel tria :
Simplex tamen est usía,
Non triplex esséntia.
En employant pour elles le nombre de trois,
Tu dois reconnaître que leur nature est simple,
Que leur essence n’est pas triple.
Simplex esse, simplex posse,
Simplex velle, simplex nosse,
Cuncta sunt simplícia.
Etre simple, pouvoir simple,
Vouloir simple, savoir simple,
Tout y est simple ;
Non uníus quam duárum
Sive trium personárum
Minor efficácia.
La puissance d’une des personnes
N’est pas moindre que ne l’est
Celle de deux, ni celle de trois.
Pater, Proles, Sacrum Flamen,
Deus unus : sed hi tamen
Habent quædam própria.
Le Père, le Fils, l’Esprit Saint,
Un seul Dieu ; mais chacun
Possède ce qui lui est propre.
Una virtus, unum numen :
Unus splendor, unum lumen :
Hoc una quod ália.
Une seule vertu, une seule divinité,
Une seule splendeur, une seule lumière ;
Ce que l’un possède, l’autre le possède aussi.
Patri Proles est æquális,
Nec hoc tollit personális
Ambórum distínctio.
Le Fils est égal au Père,
Et la distinction personnelle des deux
N’enlève pas cette égalité.
Patri compar Filióque,
Spiritális ab utróque
Procédit connéxio.
Egal au Père et au Fils,
L’Esprit est le lien
Qui procède de l’un et de l’autre.
Non humána ratióne
Capi possunt hæ persónæ,
Nec harum discrétio.
L’humaine raison ne saurait
Comprendre ces trois personnes,
Ni la dissemblance qui les constitue.
Non hic ordo temporális,
Non hic situs aut locális
Rerum circumscríptio.
Là il n’y a ni succession de temps,
Ni lieu
Pour circonscrire la chose.
Nil in Deo præter Deum,
Nulla causa præter eum
Qui creat causália.
En Dieu, rien que Dieu ;
En lui, nulle cause que
Celle qui produit les êtres.
Effectíva vel formális
Causa Deus, et finális,
Sed numquam matéria
Dieu est cause effective et formelle,
Cause finale,
Mais jamais matière.
Digne loqui de persónis
Vim transcéndit ratiónis,
Excédit ingénia.
Parler dignement des divines personnes
Est au-dessus des forces de la raison,
Et dépasse le génie.
Quid sit gigni, quid procéssus,
Me nescíre sum proféssus:
Sed fide non dúbia.
Génération et procession dans la divine essence,
Je confesse que ma raison ne le saisit pas,
Mais ma foi le croit sans aucun doute.
Qui sic credit, ne festínet,
Et a via non declínet
Insolénter régia.
Que celui qui croit ne soit pas impatient,
Qu’il n’ait pas l’imprudence
De s’écarter de la voie royale.
Servet fidem, formet mores ;
Nec atténdat ad erróres
Quos damnat Ecclésia.
Qu’il garde la foi, qu’il règle sa vie,
Et n’ait aucun penchant
Vers les erreurs que l’Eglise condamne.
Nos in fide gloriémur,
Nos in una modulémur
Fídei constántia.
Glorifions-nous dans notre foi,
Que notre constance dans cette foi unique
Inspire nos chants mélodieux :
Trinæ sit laus Vnitáti,
Sit et simplæ Trinitáti
Coætérna gloria. Amen.
A l’unité en trois personnes soit l’éternel honneur !
A la Trinité dans l’essence simple,
Gloire coéternelle ! Amen.

Sources :

* Missel parisien du XIIIème siècle de l’ancienne bibliothèque de Notre-Dame de Paris – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1112, f° 273 r°.
* Missel parisien du XIIIème siècle à l’usage probable de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés ou de Saint-Germain-L’Auxerrois – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 830, f° 319 v°.
* Missel de Saint-Denis du XIIIème siècle – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1107, f° 358 v°.
* A titre de comparaison : Prosaire de la cathédrale de Nevers de la seconde moitié du XIIèmeBibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Nouv. acq. lat. 3126, f° 95 r°.
* A titre de comparaison : Tropaire-prosaire de Saint-Martial de Limoges du XIIème-XIIIème siècle – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1139, f° 225 v°.
* A titre de comparaison : Processional-tropaire-prosaire à l’usage de Saint-Léonard, du diocèse de Limoges du dernier quard du XIIèmeBibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1086, f° 68 r°.

Simplex in essentia : une séquence parisienne d’Adam de Saint-Victor pour le mercredi de l’octave de la Pentecôte

Alors que dans l’usage de Rome, la prose (ou séquence) Veni, Sancte Spiritus sert pour le jour de la Pentecôte & pour toutes les messes de son octave, l’ancien usage de Paris voyait chacune des messes de l’octave de la Pentecôte s’orner d’une prose différente chaque jour.

Voici comment Paris chantait les proses durant l’octave de la Pentecôte :

  1. Le dimanche de la Pentecôte : Fulgens præclara Paraclyti Sancti,
    subdivision d’une ancienne prose française de Pâques, antérieure à l’an 1000.
  2. Le lundi de la Pentecôte : Sancti Spiritus adsit nobis gratia,
    de Notker le Bègue (c. 840 † 912).
  3. Le mardi de la Pentecôte : Lux jucunda, lux insignis,
    d’Adam de Saint-Victor († 1146).
  4. Le mercredi de la Pentecôte : Simplex in essentia,
    d’Adam de Saint-Victor.
  5. Le jeudi de la Pentecôte : Qui procedis ab utroque,
    d’Adam de Saint-Victor.
  6. Le vendredi de la Pentecôte : Alma chorus Domini,
    composition anonyme française antérieure à l’an 1000.
  7. Le samedi de la Pentecôte : Veni, Sancte Spiritus,
    d’Etienne Langton (c. 1150 † 1228).

Il est notable que trois de ces proses soient des compositions de l’illustre hymnographe Adam, qui avant de finir ses jours dans l’abbaye de Saint-Victor, au pied de la Montagne Sainte-Geneviève, avait surtout été le préchantre de la cathédrale de Paris dès 1107 et jusque vers 1134. Les compositions d’Adam franchirent tôt les frontières du diocèse de Paris et se répandirent très vite dans toute l’Europe latine. Elles présentent toutes un ambitus vocal important, typique de l’école cathédrale de Paris, indice du très haut art vocal qui devait alors régner dans notre cité. De nombreuses proses furent par la suite modelés sur les rythmes & chants d’Adam, celle qui est parvenue jusqu’à nous est bien sûr le Lauda Sion de la Fête-Dieu, modulé par saint Thomas d’Aquin sur le Laudes crucis d’Adam de Saint-Victor.

La prose que nous choisissons de présenter ici le texte et le chant est celle du mercred dans l’octave de la Pentecôte pour l’Eglise de Paris : simplex in essentia, d’Adam de Saint-Victor. Elle était chantée le jeudi de Pentecôte à l’Abbaye de Saint-Victor de Paris, et le mardi de Pentecôte à sa fondation de l’Abbaye de Sainte-Geneviève de Paris.

Les textes liturgiques à l’Esprit Saint sont devenus au fil du temps relativement rares dans l’Eglise latine. A ce titre il peut être intéressant de redonner vie à cet ancien répertoire hymnographique médiéval de haute qualité tant spirituelle & théologique que musicale.

Voici le chant de la prose Qui procedis ab utroque restitué par nous d’après les anciens missels parisiens médiévaux. Sa mélodie est calquée sur celle de la célèbre prose pascale Mane prima Sabbati (dont s’inspire aussi la séquence de la fête de Saint Denys) :

 

Prose Simplex in essentia au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Simplex in essentia au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Simplex in essentia au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

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Texte & traduction d’après une version française versifiée du XVème siècle :

Simplex in esséntia,
Septiformis grátia,
Nos refórmet, Spíritus.
Le Saint-Esprit, simple en essence,
Don de grâce en sept manières,
Nous réforme par sa présence.
Cordis lustret ténebras,
Et carnis illécebras
Lux emíssa cœlitus.
En muant ténèbres en lumières ;
De tout péché nous soit absence
Par ce don et par ce mystère !
Lex præcéssit in figúra,
Lex pœnális, lex obscúra,
Lumen Evangélicum.
La Loi fut avant en figure,
Loi pénible, loi trop obscure,
Mais l’Evangile est lumière.
Spiritális intelléctus,
Litteráli fronde tectus,
Pródeat in públicum.
Le spirituel entendement,
Couvert de lettre seulement,
Soit mis en commun pour matière !
Lex de monte pópulo,
Paucis in cœnáculo,
Nova datur grátia.
La Loi fut sur le Mont donnée :
La Grâce de Dieu fut donnée
A ces gens unis au Cénacle.
Situs docet nos locórum,
Præceptórum vel donórum
Quæ sit eminéntia.
Des dons, des commandements
Nous donnent enseignements
Leur siège et leur habitacle.
Ignis, clangor buccínæ,
Fragor cum calígine,
Lámpadum discúrsio,
Feu ardant, trompe, cri, frainte,
Obscurté, lampes ardants,
Ne sont pas amour, mais crainte
Terrórem incútiunt,
Nec amórem nútriunt,
Quem effúdit únctio.
Engendrée aux regardants :
Mais du Saint Esprit l’ointure
Répand en nous amour pur.
Sic in Sina
Lex dívina
Reis est impósita,
Ainsi fut la Loi donnée
En Sinai et imposée
De par la divinité :
Lex timóris
Non amóris,
Púniens illícita.
Loi de doute, & non d’amour,
Qui punissait chaque jour
Des mauvais l’iniquité.
Ecce patres præelécti,
Dii recéntes effécti :
Culpæ solvunt víncula.
Voici les pères élus,
Comme dieux nouveaux promus
Pour nos péchés déliant ;
Pluunt verbo, tonant nimis :
Novis linguis et doctrínis
Cónsonant mirácula.
Ils pleuvent, tonnent & accordent
Les personnes qui se discordent,
En parlant, œuvrant, menaçant.
Exhibéntes ægris curam,
Morbum damnant non natúram,
Persequéntes scélera.
Quant ils montrent la maladie,
La nature ne blâment mie,
Mais les péchés tant seulement.
Reos premunt est castígant :
Modo solvunt, modo ligant,
Potestáte líbera.
Les mauvais, des péchés, châtient,
Maintenant lient et délient,
Par leur puissance franchement.
Typum gerit jubiléi
Dies iste, si diei
Requíris mystéria :
De ce jour cherche le mystère
Il porte figure et manière
De ce jour-là de jubilée
In quo tribus míllibus
Ad fidem curréntibus,
Púllulat Ecclésia.
Durant lequel trois mille gens
Courants aux saints sacrements
L’Eglise fut augmentée.
Jubiléus est vocátus
Vel dimíttens vel murátus,
Ad prióres vocans status
Res distráctas líbere.
Jubilée, il est appelé,
Car le fautif est rappelé
Qui son état avait perdu ;
Nos distráctos sub peccátis,
Líberet lex charitátis
Et perféctæ libertátis
Dignos reddat múnere. Amen.
Et nous purgés d’iniquités,
Nous soit de Dieu par charité
Le don du Saint Esprit rendu ! Amen.

Sources :

* Missel parisien du XIIIème siècle de l’ancienne bibliothèque de Notre-Dame de Paris – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1112, f° 271 r°.
* Missel parisien du XIIIème siècle à l’usage probable de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés ou de Saint-Germain-L’Auxerrois – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 830, f° 317 v°.

Lux iocunda, lux insignis : une séquence parisienne d’Adam de Saint-Victor pour le mardi de l’octave de la Pentecôte

Alors que dans l’usage de Rome, la prose (ou séquence) Veni, Sancte Spiritus sert pour le jour de la Pentecôte & pour toutes les messes de son octave, l’ancien usage de Paris voyait chacune des messes de l’octave de la Pentecôte s’orner d’une prose différente chaque jour.

Voici comment Paris chantait les proses durant l’octave de la Pentecôte :

  1. Le dimanche de la Pentecôte : Fulgens præclara Paraclyti Sancti,
    subdivision d’une ancienne prose française de Pâques, antérieure à l’an 1000.
  2. Le lundi de la Pentecôte : Sancti Spiritus adsit nobis gratia,
    de Notker le Bègue (c. 840 † 912).
  3. Le mardi de la Pentecôte : Lux jucunda, lux insignis,
    d’Adam de Saint-Victor († 1146).
  4. Le mercredi de la Pentecôte : Simplex in essentia,d’Adam de Saint-Victor.
  5. Le jeudi de la Pentecôte : Qui procedis ab utroque,
    d’Adam de Saint-Victor.
  6. Le vendredi de la Pentecôte : Alma chorus Domini,
    composition anonyme française antérieure à l’an 1000.
  7. Le samedi de la Pentecôte : Veni, Sancte Spiritus,
    d’Etienne Langton (c. 1150 † 1228).

Il est notable que trois de ces proses soient des compositions de l’illustre hymnographe Adam, qui avant de finir ses jours dans l’abbaye de Saint-Victor, au pied de la Montagne Sainte-Geneviève, avait surtout été le préchantre de la cathédrale de Paris dès 1107 et jusque vers 1134. Les compositions d’Adam franchirent tôt les frontières du diocèse de Paris et se répandirent très vite dans toute l’Europe latine. Elles présentent toutes un ambitus vocal important, typique de l’école cathédrale de Paris, indice du très haut art vocal qui devait alors régner dans notre cité. De nombreuses proses furent par la suite modelés sur les rythmes & chants d’Adam, celle qui est parvenue jusqu’à nous est bien sûr le Lauda Sion de la Fête-Dieu, modulé par saint Thomas d’Aquin sur le Laudes crucis d’Adam de Saint-Victor.

La prose que nous choisissons de présenter ici le texte et le chant est celle du mardi dans l’octave de la Pentecôte pour l’Eglise de Paris : Lux iocunda, lux insignis, d’Adam de Saint-Victor. Elle était chantée le lundi de Pentecôte à l’Abbaye de Saint-Victor de Paris, et à sa fondation de l’Abbaye de Sainte-Geneviève de Paris.

Les textes liturgiques à l’Esprit Saint sont devenus au fil du temps relativement rares dans l’Eglise latine. A ce titre il peut être intéressant de redonner vie à cet ancien répertoire hymnographique médiéval de haute qualité tant spirituelle & théologique que musicale.

Voici le chant de la prose Qui procedis ab utroque restitué par nous d’après les anciens missels parisiens médiévaux :

 

Prose Lux iocunda, lux insignis au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Lux iocunda, lux insignis au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Lux iocunda, lux insignis au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Lux iocunda, lux insignis au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

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Texte & traduction par dom Guéranger :

Lux iocúnda, lux insígnis,
Qua de throno missus ignis
In Christi discípulos,
Une lumière joyeuse, éclatante, un feu lancé du trône céleste sur les disciples du Christ,
Corda replet, linguas ditat ;
Ad concórdes nos invítat
Cordis linguem módulos.
Remplissent les cœurs, fécondent les langues, et nous invitent à unir dans un concert mélodieux & nos langues & nos cœurs.
Christus misit quod promísit
Pignus sponsem quam revísit
Die quinquagésima.
Le gage que le Christ avait promis à son Epouse, il le lui envoie au cinquantième jour ;
Post dulcórem mélleum
Petra fudit óleum
Petra iam firmíssima.
Devenu ferme comme un rocher, Pierre répand dans ses discours le miel le plus doux, l’huile la plus généreuse.
In tabéllis sáxeis,
Non in linguis ígneis,
Lex de monte pópulo.
Sur la montagne, l’ancien peuple reçut la loi, non dans des langues de feu, mais gravée sur la pierre ;
Paucis cordis nóvitas,
Et linguárum únitas
Datur in cœnáculo.
Dans le Cénacle, un petit nombre d’hommes reçoit un cœur nouveau, & revient à l’unité des langues.
O quam felix, quam festíva
Dies in qua primitíva
Fundátur Ecclésia.
O jour heureux, jour solennel, où l’Eglise primitive est fondée !
Vivæ sunt primítiæ
Nascéntis Ecclésiæ,
Tria primum míllia.
Trois mille hommes sont les prémices de cette Eglise à sa naissance.
Pane Legis primitívi,
Sub una sunt adoptívi
Fide duo pópuli.
Les deux pains offerts en prémices dans la loi, figuraient les deux peuples adoptés en ce jour dans une même foi :
Se duóbus interiécit :
Sicque duos unum fecit :
Lapis caput ánguli.
La pierre placée à la tête des l’angle s’interpose entre les deux, & des deux ne fait plus qu’un seul peuple.
Utres novi non vetústi
Sunt capáces novi multi,
Vasa parat vídua.
De nouvelles outres, non plus les anciennes, sont remplies d’un vin nouveau : la veuve prépare ses vases,
Liquórem dat Helisæus,
Nobis sacrum rorem Deus,
Si corda sint cóngrua.
Tandis qu’Elisée multiplie l’huile en abondance : ainsi Dieu répand aujourd’hui la céleste rosée, autant qu’il trouve de cœurs préparés à la recevoir.
Non hoc musto vel liquóre,
Non hoc sumus digni rore,
Si discórdes móribus.
Nous ne serions pas dignes de recevoir ce vin précieux, cette rosée divine, si notre vie était déréglée :
In obscúris vel divísis
Non potest hæc Paraclísis
Habitáre córdibus.
Ce Paraclet ne saurait habiter dans des cœurs remplis de ténèbres ou divisés.
Consolátor alme veni :
Linguas rege, corda leni :
Nihil fellis aut venéni
Sub tua præséntia.
Viens donc à nous, auguste Consolateur ! gouverne nos langues, apaises nos cœurs : ni fiel, ni venin n’est compatible avec ta présence.
Nil iocúndum, nil amœnum,
Nil salúbre, nil serénum,
Nihil duce, nihil plenum,
Nisi tua grátia.
Sans ta grâce, il n’est ni délice, ni salut, ni sérénité, ni douceur, ni plénitude.
Tu lumen es & unguéntum :
Tu cœléste condiméntum,
Aque ditans eleméntum,
Virtúte mystérii.
Tu es lumière et parfum ; tu es ce principe céleste qui confère à l’élément de l’eau une puissance mystérieuse :
Nova facti creatúra :
Te laudámus mente pura,
Grátiæ nunc, sed natúra
Prius iræ fílii.
Nous qui sommes devenus une création nouvelle, d’abord enfants de colère par nature, maintenant enfants de la grâce, nous te louons d’un cœur purifié.
Tu qui dator es & donum,
Tu qui cordis omne bonum,
Cor ad laudem redde pronum,
Nostræ linguæ formans sonum
In tua præcónia.
Toi qui donnes et qui es en même temps le don, toi qui verse sur nous tous les biens, rends nos cœurs capables de te louer, forme nos langues à célébrer tes grandeurs.
Tu purga nos a peccátis,
Author ipse puritátis,
Et in Christo renovátis
Da perféctæ novitátis
Plena nobis gáudia. Amen.
Auteur de toute pureté, purifie-nous du péché : renouvelle-nous dans le Christ, & fais nous goûter la joie entière que donne à l’âme la vie nouvelle. Amen.

Sources :

* Missel parisien du XIIIème siècle de l’ancienne bibliothèque de Notre-Dame de Paris – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1112, f° 270 r°.
* Missel parisien du XIIIème siècle à l’usage probable de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés ou de Saint-Germain-L’Auxerrois – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 830, f° 316 v°.
* A titre de comparaison : Tropaire-prosaire de Saint-Martial de Limoges du XIIème-XIIIème siècle – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1139, f° 225 v°.

Cérémonial Parisien 1662 – De la vigile, de la nuit et du jour de la Nativité du Seigneur

Après celui sur le temps de l’Avent, voici le chapitre relatif à Noël du Cæremoniale Parisiense publié en 1662 par le chanoine Martin Sonnet, avec une traduction française et quelques notes explicatives.

La Nativité - bandeau

PARS TERTIA.
De Vigilia, nocte & die Nativitatis Domini.
CAPVT II.
TROISIEME PARTIE.
De la vigile, de la nuit et du jour de la Nativité du Seigneur.
CHAPITRE II.
Et Verbum caro factum est, & habitavit in nobis.
Ioannis. cap. I. v. 14.
Et le Verbe s’est fait chair, & il a habité parmi nous.
Jean chap. I. v. 14.
6. Hora 7. vespertina pulsatur signum Salutationis Angelicæ. Hora octava datur primum Matutini signum. Hora nona incipiuntur Matutinæ, more annuali : in quibus Lectiones & Responsoria cantantur in cappis ad Ambonem. 6. A 7h du soir, on sonne le signal de la salutation angélique. A 8h, on donne le premier signal des Matines. A 9h on commence les matines, à la façon des annuels, dans lesquelles les leçons et les répons sont chantés en chapes à l’ambon.
Voici quelques indications précieuses sur les horaires (et donc la durée) des offices. L’Angelus est sonné à 7h du soir après les complies.

Les matines sont chantées selon le rite des fêtes annuelles (sous ce vocable est désigné les fêtes les plus importantes de l’année liturgique). Le chapitre XXIV de la première partie du Cérémonial parisien de 1662 renseigne sur la célébration solennelle des matines des fêtes annuelles, dont voici quelques éléments : ces matines annuelles sont précédées de cinq sonneries de cloches annonciatrices (la première sonnerie pour les matines de Noël commence donc à 20h) ; on doit allumer 12 cierges sur l’autel, on porte les chapes, le célébrant dans les paroisses doit porter également l’étole de la couleur de la fête ; le chant doit être grave ; le célébrant est accompagné de six chapiers qui se tiennent en ligne d’abord devant l’autel au milieu du chœur puis se séparent : les deux plus dignes des chapiers vont modérer les deux moitiés du chœur, tandis que les quatre autres restent en ligne à l’aigle au milieu du chœur pour chanter l’invitatoire ; l’orgue figure la première reprise de l’invitatoire, les quatre chantres en chapes chantent le premier verset du Psaume Venite exultemus et le chœur répète l’invitatoire, tandis que les deux premiers chantres en chapes déambulent pour modérer le chœur ; la suite des versets du psaume est distribué alternativement à deux chantres sur quatre ; l’orgue intervient aussi pour des alternances à l’hymne, figure le neume de la troisième antienne de chaque nocturne, alterne le troisième répons de chaque nocturne et le Te Deum final ; il y a encensement de l’autel pendant le chant de l’hymne ; les antiennes du premier nocturne sont entonnées par des enfants de chœur, celles du second nocturne par des chantres ou des chapelains, celles du troisième nocturne par des bénéficiers ou des prêtres anciens, celles des laudes par des chanoines ou les plus dignes après le célébrant ; les leçons sont chantées en chapes, chaque lecteur ne la prenant que pour remplir cette fonction ; les répons sont chantés par deux enfants de chœur en chape au premier nocturne, par deux chantres ou chapelains ou bénéficiers en chape au second nocturne, par deux chanoines ou bénéficiers ou prêtres parmi les plus anciens, en chape, au troisième nocturne. Toutefois le neuvième répons est toujours chanté à 4 (chanoines, ou chapelains prêtres parmi les plus anciens, ou par les quatre chantres en chapes qui ont chanté l’invitatoire – on peut faire de même pour le troisième et le neuvième répons dans les grandes églises).

7. Tres ultimæ Lectiones de Homilia in tria Evangelia cantantur a tribus Sacerdotibus in Choro dignioribus, in ornamentis Sacerdotalibus, hoc est, amictu, alba, cingulo, manipulo & casula albi coloris, cum Cruce, Ceroferariis, & Thuriferario, ac etiam cum Diacono & Subdiacono indutis Sacris Missæ vestibus : qui omnes tempore oportuno in Sacristia necessaria ornamenta induunt : ad quamlibet Homiliam mutantur ornamenta & officiarii, si fieri possit, secundum dignitatem & qualitatem eorum qui eas sunt cantaturi. 7. Les trois dernières leçons, tirées des homélies sur les trois évangiles, sont chantées par les trois plus dignes prêtres du chœur, en ornements sacerdotaux, c’est-à-dire, amict, aube, cordon, manipule et chasuble de couleur blanche, avec la croix, les céroféraires et le thuriféraire, et avec même le diacre et le sous-diacre vêtus des vêtements sacrés de la messe : tous ce sont revêtu à la sacristie des ornements nécessaire en temps opportun ; à n’importe laquelle homélie, on changera d’ornements et d’officiants, si cela peut se faire, selon la dignité et la qualité de ceux qui doivent les chanter.
Les trois dernières leçons des matines des fêtes (et la fête de la Nativité n’y déroge pas), sont constitués d’un premier verset de l’évangile suivis d’une homélie d’un Père de l’Eglise sur cet évangile.

Traditionnellement, après la neuvième leçon et le neuvième répons, l’usage antique et médiéval (que les Bénédictins ont conservé) faisait suivre le chant solennel d’un évangile par le célébrant (à Noël, il s’agissait de l’évangile de la Généalogie du Christ selon saint Matthieu). Le rit parisien a perdu au cours du XVIIème siècle le chant de cette généalogie, par volonté d’alignement progressif sur les livres tridentins opéré par trois générations d’évêques issus de la famille italienne de Gondy : supprimé dans le Bréviaire parisien de 1653, ce chant de la généalogie de Noël sera rétabli en 1736 à Paris.

Notez que le diacre et le sous-diacre ont déjà revêtu les ornements de la messe de minuit pour le troisième nocturne des matines. C’est un usage médiéval courant qui voulait que le prêtre et ses ministres qui allaient célébrer la messe de minuit assistassent avec leurs ornements à tout l’office des matines.

8. Celebrans cantata ultima Lectione descendit cum ministris de Ambone & vadit ad sedem suam in faldistorio prope maius Altare a parte Epistolæ præparato, ubi sedet cum suis officiariis, factis prius Altari inclinationibus mediocriter, interim cantatur ultimum Responsorium, & cum idem repetitur, primus Chorista ad eum accedit, & flexis genibus annuntiat Te Deum laudamus. Finito Responsorio Celebrans intonat Te Deum laudamus, ad quem stat cum ministris, quo finito accedit ad Altare, & incipit primam Missam in media nocte de more, quæ Celebratur more annuali, ut in Missali habetur. 8. Le célébrant, une fois chantée la dernière leçon, descend avec ses ministres de l’ambon et va à son siège au faldistoire, proche de l’autel majeur, préparé côté Epître, où il s’assoit avec ses officiers, ayant fait d’abord une inclinaison médiocre à l’autel, tandis qu’est chanté l’ultime répons, & lorsque celui-ci est répété, le premier choriste s’approche de lui, et à genoux lui annonce le Te Deum laudamus, pour lequel il se tient debout avec ces ministres, lequel fini, il s’approche de l’autel et commence la première messe de minuit, selon l’usage, qu’il célèbre de façon annuelle, comme il est marqué dans le missel.
Fait marquant de la tradition parisienne, les matines ne s’achèvent pas par l’oraison ni le Benedicamus Domino mais s’enchaînent directement avec la messe de minuit après le chant du Te Deum.

La banquette est inconnue à Paris, le célébrant est assis sur un fauteuil (faldistoire) même s’il n’est que simple prêtre et ce fauteuil est encadré de deux petits sièges ou tabourets pour ses ministres.

Noter aussi que l’intonation du Te Deum qui clôt les matines revient au célébrant, comme au rit romain.

La messe de minuit est célébré selon le rite dit annuel. En voici quelques éléments saillants : la messe est annoncée par cinq sonneries de cloches ; l’autel est orné des parements les plus précieux, y sont déposé le Missel parisien, l’Evangéliaire et l’Epistolier, deux instruments de paix ; deux choristes en chapes modèrent le chœur ; le chant doit être très grave, si possible en musique ou en contrepoint ; l’orgue peut figurer les versets impairs de l’ordinaire de la messe ; l’Alleluia et son verset est chanté par quatre chanoines, bénéficiers, prêtres chapelains ou chantres, au milieu du chœur, revêtu de chapes qu’ils prennent pour accomplir ce rit et déposent ensuite ; le plus ancien des enfants de chœur porte la croix en chape à l’entrée, à l’évangile et à la sortie ; l’évangile qui a été chanté est non seulement baisé par le célébrant, mais le sous-diacre, une fois chanté l’Et incarnatus est du Credo, porte l’évangile à baiser à tous les membres du clergé présent, accompagné du thuriféraire qui encense ensuite chaque clerc ayant baisé l’évangile ; lorsque commence le Sanctus, le plus ancien des enfants de chœur se revêt du soc (sorte de chape mise à l’envers) pour tenir la patène.

A suivre.

Cérémonial Parisien 1662 – Du temps de l’Avent, et des fêtes occurrentes

Pour une meilleure connaissance à titre documentaire de l’ancien rit parisien, et en commençant par le temps de l’Avent, nous publierons les différents chapitres du Cæremoniale Parisiense publié en 1662 par le chanoine Martin Sonnet, avec une traduction française et quelques notes explicatives.

Martin Sonnet - Le temps de l'Avent

PARS TERTIA.
De Tempore Adventus, & Festis
in eo occurrentibus.
CAPVT PRIMVM.
TROISIEME PARTIE.
Du Temps de l’Avent, & des fêtes
qui y surviennent.
CHAPITRE PREMIER.
Rorate cœli desuper, & nubes pluant iustum : aperiatur terra, & germinet salvatorem.
Esaiæ cap. 45. v. 8.
Répandez, ô cieux, votre rosée, et vous nuées, faites pleuvoir le Juste.
Isaïe chap. 45. v. 8.
ADVENTUS Domini semper inchoatur Dominica proximiore festo sancti Andreæ, vel ipso die S. Andreæ si occurrat in Dominica. Huius temporis Officium partim lætitiæ est, & ideo dicitur Alleluya, in Dominicis, & in Antiphonis : partim mœroris, & ideo omittitur Hymnus Te Deum, & Hymnus Angelicus Gloria in excelsis. L’Avent du Seigneur est toujours commencé le dimanche le plus proche de la fête de saint André, ou le jour même de saint André, s’il tombe le dimanche. L’office de ce temps est en partie [un temps] de joie, et pour cette raison on dit l’Alléluia, les dimanches et dans les antiennes, en partie [un temps] d’affliction, et pour cette raison on omet l’hymne Te Deum, et l’hymne angélique Gloria in excelsis.
Jusque là, tout est commun avec le rit romain. Comme le note incidemment Sonnet et comme le pratique le rit romain, l’Alleluia n’est chanté à la messe que le dimanche, il est de ce fait omis lorsque la messe dominicale est reprise en semaine.
2. Dominica prima Adventus, Initium est anni Ecclesiastici & omnium Festorum vel Officiorum, quare est duplex maius & Dominica primæ Classis, ideoque quodlibet Festum in ea occurentes transfertur semper, & habet primas & secundas Vesperas super Festum S. Andreæ Sabbato vel Feria secunda occurens. 2. Le premier dimanche de l’Avent est le commencement de l’année ecclésiastique & de toutes les fêtes et offices, c’est pourquoi il est double majeur et dimanche de première classe, et c’est pour cette raison qu’on transfère toute fête qui y surviendrait, et qu’il possède des premières et secondes fêtes, qui surpassent [celles] de la fête de saint André qui surviendrait un samedi ou un lundi.
Dans le Missel romain de saint Pie V, le premier dimanche de l’Avent est un dimanche semi-double de première classe. Tant au romain qu’au parisien, ce dimanche ne possédait pas réellement de premières vêpres complètes : depuis le haut Moyen-Age, on chantaient en effet d’abord les antiennes fériales du samedi soir puis l’Avent ne commençait véritablement qu’à partir du capitule. La réforme de saint Pie X de 1911 a modifié cet usage antique et universel en reprenant les antiennes des laudes pour les cinq psaumes de ces nouvelles premières vêpres (lesdits psaumes étant aussi modifiés). Contrairement au parisien, dans les rubriques romaines tridentines, les vêpres du premier dimanche de l’Avent cédaient face à celles de saint André tombant un samedi ou un lundi, on faisait alors mémoire du dimanche, et ce jusqu’aux réformes de 1955 (le rit romain suit depuis lors ce que faisait autrefois Paris).
3. Per totum Adventum Color albus, in omnibus Dominicis & Feriis, in Festis vero Color conveniens : prout notatur in Missali Parisiensi cap. 18. de coloribus paramentorum. 3. Pour tout l’Avent [on use de] la couleur blanche pour tous les dimanches et féries, mais pour les fêtes [on use] de la couleur convenable, selon ce qui est noté dans le Missel parisien au chapitre 18 : de la couleur des parements.
Cet usage parisien du blanc pendant l’Avent – à la place du violet que notent les livres romains – pourra vivement surprendre. Un élément de réponse se déduit de l’observation suivante : le Processionnal parisien utilise la grande antienne Missus est Angelus Gabriel pour la procession qui précède la grand-messe dominicale, dès le premier dimanche de l’Avent et pour les trois suivants. L’Avent parait dès lors conçu dans son ensemble comme une vaste célébration des mystères de l’Annonciation et de l’Incarnation, d’où Paris a probablement déduit la couleur blanche pour tout ce temps liturgique.
4. Vesperæ in Sabbato cantantur graviter eodem plane modo, quo & in Festis Solemnibus : cæteri Ritus observantur tam ad Vesperas, Matutinum cum Laudibus, quam ad Missam, ut in Festis Duplicibus maioribus. Hymni Vesperarum, Matutini, & Laudum cantantur graviter, similiter & Responsoria brevia horarum per totum Adventum. 4. Les vêpres du samedi sont chantées gravement, de la même façon intelligible qu’aux fêtes solennelles. Les autres rites sont observés, tant aux vêpres, aux matines avec les laudes, qu’à la messe, comme aux fêtes doubles majeures. Les hymnes des vêpres, matines et laudes sont chantés gravement, et de même les répons brefs des heures pendant tout l’Avent.
C’est une tradition constante dans l’Eglise latine de chanter plus lentement et plus gravement les offices les plus solennels.
Les premières vêpres du dimanche, chantées le samedi soir, sont ici indiquées comme les offices les plus solennels de l’Avent parisien. Cette dignité leur vient de la plus haute antiquité, lorsqu’il n’y avait encore pas encore de secondes vêpres, et que tous les jours liturgiques s’ouvraient la veille par l’office des vêpres. Les autres offices de l’Avent parisien sont chantés selon une dignité moindre. Ces deux degrés d’offices sont marqués par de menus détails : des sonneries de cloches différentes (5 sonneries solennelles / 3 sonneries), le nombre de cierges sur l’autel (douze cierges / six cierges), l’ornement du célébrant (il porte une étole / il n’en porte pas), l’usage de la polyphonie, du contrepoint et des faux-bourdons (les premier, troisième et cinquième psaumes, l’hymne et le Magnificat peuvent se chanter en musique ou en faux-bourdon, et le répons en contrepoint / le Magnificat seul est chanté en faux-bourdon), la façon d’entonner les antiennes (par les chanoines, les prêtres, les bénéficiers, les chapelains ou les chantres / par les chantres et les bénéficiers), le chant des répons (par quatre chantres en chape/par deux choristes), les encensements (par le célébrant et un prêtre assistant puis par deux thuriféraires, le peuple et la nef sont encensés / par le célébrant puis par un seul thuriféraire, le peuple et la nef ne sont pas encensés), le collectaire (on le présente au célébrant / on ne le présente pas), les stations (on en fait une en l’honneur de la Sainte Vierge / on n’en fait pas).
5. Ad Completorium, post Orationem Antiphonæ Alma, quæ dicitur etiam ad Laudes usque ad Purificationem inclusive, cantatur sexdecies NOEL, sub cantu Conditor, Celebrante antera inchoante, ut in Directio Chori Parisiensis habetur. Quod observatur quotidie usque ad diem vigesimum tertium Decembris inclusive, tam in officio de tempore quam de Sanctis. Hodie sero clauduntur Nuptiæ. A complies, après l’oraison de l’antienne Alma, qu’on dit de même à laudes jusqu’à la Purification incluse, on chante seize NOEL, sous le chant de Conditor, le célébrant l’ayant précédemment entonné, comme on le trouve dans le Directoire de chœur parisien. Ce qui s’observe chaque jour jusqu’au 23 décembre inclus, tant à l’office du temps qu’à celui des saints.
Le chant de seize Noël sur le ton de l’hymne de l’Avent, Conditor alme siderum, représente un vieux témoignage de la simplicité des sentiments des chanoines et probablement un souvenir des danses sacrées qu’ils accomplissaient dans les chœurs des cathédrales françaises au Moyen-Age. Voici comment ce chant pour le moins curieux est noté et rythmé dans le Directorium Chori Parisiensis édité en 1656 par les soins du même chanoine Martin Sonnet et qui précise que Noël est une contraction d’Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous :
Noel Noel : aux complies parisiennes du Temps de l'Avent
Le Cæremoniale Parisiense ne le précise pas, mais le Directorium Chori Parisiensis indique que tout le clergé chante aussi à la fin des laudes, après l’oraison de l’antienne de la Sainte Vierge, trois NOEL (et non seize) en “fleurtis” (ou chant sur le livre, c’est à dire une polyphonie improvisée), en contrepoint ou en polyphonie à quatre voix. Il indique que quelques églises chantent à complies de la même façon trois NOEL au lieu des seize NOEL chantés sur le chant ci-dessus.
6. Ad Matutinum, prima Lectio (quæ est Præfatio S. Hieronimi Presbyteri ad Paulam & Eustichium in Translationem Esaiæ ex Hebraica veritate, quæ etiam sic incipit. Nemo cum Prophetas versibus viderit esse descriptos, &c, cantatur ad aliqua dignitate, vel ab antiquo Canonico, vel antiquo Sacerdote ad aquilam Chori ; Hæc prima Lectio habetur in sacris ante Prophetiam Esaiæ : pro secunda autem Lectione cantabuntur duæ priores Lectiones Breviarii de initio Esaiæ Prophetæ ad modum unius, more solito, ut fit un Ecclesia Metropolitana Parisiensi. 6. A matines, la première leçon (qui est la Préface de saint Jérôme, prêtre, à Paule et Eustochium, de la traduction d’Isaïe faite depuis la vérité hébraique, et qui commence ainsi : Il ne faut pas s’imaginer que les livres des Prophètes sont écrits, etc… Elle est chantée par quelque dignité, ou par un ancien chanoine, ou un ancien prêtre, à l’aigle du chœur ; cette première leçon est mise dans les Livres Sacrés avant le Prophète Isaïe. Mais pour la seconde leçon, on chante les deux premières leçons du bréviaire, le début du Prophète Isaïe, comme une seule, selon l’habitude, ainsi qu’il est fait dans l’Eglise Métropolitaine des Parisiens.
Traditionnellement, le Prophète Isaïe est lu aux matines du temps de l’Avent, dans le rit romain et ses dérivés, en commençant la lecture du début du livre au trois premières leçons du premier nocturne du premier dimanche de l’Avent. Si le Bréviaire parisien découpe ces trois premières leçons exactement comme le romain (première leçon : Isaïe I, 1-3, seconde leçon : Isaïe I, 4-6, troisième leçon : Isaïe I, 7-9), le Cérémonial témoigne de l’usage qui s’était introduit (à Notre-Dame du moins, et manifestement dans les autres églises du diocèse) de chanter d’abord la Préface au Livre d’Isaïe, souvent présente dans les éditions imprimées de la Vulgate en tête du livre de ce prophète, et qui est une lettre de saint Jérôme à sainte Paule et à sa fille sainte Eustochium. Conséquemment à l’introduction de cette nouvelle lecture, la seconde leçon réunit les six versets des deux anciennes premières leçons d’Isaïe en une seule (Isaïe I, 1-6).
7. Primum Responsorium, Aspiciens a longe cantatur à D. Cantore vel ab antiquo Canonico, vel antiquiore Sacerdote in stallo dignitatis, & sub finem primæ Lectionis illud annuntiat chorista eiusdem lateris Sacerdoti cantaturo. Hoc responsorium cantatur solemniter lentè & mensura gravi, ac etiam tres eius versus, Qui regnaturus. Qui regis, & Tollite portas, cum Gloria Patri. Deinde repetitur idem responsorium ab eodem Sacerdote. Reliqua de more. Nonum Responsorium tamen, Lætentur Cœli, reintonatur à celebrante post Gloria Patri, annuntiatumprius eidem Celebranti à Chorista eiusdem lateris, quod in reiteratione cantatur solemniter, lentè & mensura gravi loco Te Deum. Hoc semper observatur quotiescumque omisso Te Deum, eius loco reincipitur nonum Responsorium post Gloria Patri : in omnibus Dominicis, nempe Adventus, & à Dominica Septuagesimæ usque ad Pascha in Officio de tempore, & in Festo Ss. Innocentium, nisi in Dominica acciderit. 7. Le premier des répons, Aspiciens a longe, est chanté par Monsieur le Chantre, ou par un ancien chanoine, ou par un prêtre plus ancien dans une stalle de dignité, et vers la fin de la première leçon, le choriste [placé] du même côté que le prêtre qui doit chanter le lui annonce. Ce répons est chanté solennellement, lentement et d’une mesure grave, et de même ses trois versets Qui regnaturus, Qui regis, & Tollite portas, avec le Gloria Patri. Ensuite ce même répons est répété par le même prêtre. Le reste selon l’habitude. Le neuvième répons cependant, Lætentur Cœli, est ré-entonné par le célébrant après le Gloria Patri, cela lui ayant été d’abord annoncé par le choriste qui est de son côté, cette répétition est chantée solennellement, lentement et d’une mesure grave, à la place du Te Deum. Cela s’observe toujours toutes les fois que le Te Deum est omis, et qu’à sa place on ré-entonne le neuvième répons après le Gloria Patri : à savoir tous les dimanches de l’Avent, et du dimanche de la Septuagésime jusqu’à Pâques à l’office du temps, et en la fête des Saints Innocents, sauf si elle tombe un dimanche.
Pièce célèbre de tout le répertoire grégorien, le célébrissime répons Aspiciens a longe, premier des neuf répons des matines du premier dimanche de l’Avent, est tout particulièrement remarquable avec ses quatre versets et ses différentes réclames, son chant est de ce fait entouré de la plus grande solennité.
Contrairement au rit romain, l’usage parisien a conservé le neuvième répons pour toutes les matines des dimanches et fêtes (les livres romains ont fait disparaître les neuvièmes répons et ont mis à sa place le Te Deum. L’usage parisien a gardé la disposition primitive : le neuvième répons est suivi du Te Deum). En raison de la suppression du Te Deum les jours de pénitence, le Cérémonial parisien demande que la dernière reprise du répons soit lente, afin de tenir lieu du Te Deum.
Notons que le neuvième répons du rit parisien pour le premier dimanche de l’Avent (Lætentur Cœli) n’existe plus au premier dimanche de l’Avent dans les livres romains tridentins.
8. Hora Nona Matutina in Choro sanctæ ac Metropolitanæ Parisiensis Ecclesiæ, D. Canonicus Theologus sermocinaturus est. 8. A neuf heures du matin dans le chœur de l’Eglise sainte et métropolitaine des Parisiens, M. le Chanoine Théologal prêchera.
Le IIIème Concile de Latran, Xème concile œcuménique tenu en 1179, avait institué dans chaque chapitre de cathédrale la fonction de chanoine théologal, qui avait pour mission d’instruire le clergé & les enfants pauvres, en particulier en prêchant et en enseignant publiquement la théologie et l’Ecriture Sainte dans l’église cathédrale.
9. In Missa maiori, Diaconus & Subdiaconus utuntur Dalmatica & Tunica, more solito, quia est duplex, quod observatur in omnibus aliis Dominicis Adventus, quæ sunt duplices. 9. A la grand’messe, le diacre et le sous-diacre usent de la dalmatique et de la tunique, comme d’habitude, parce que [ce dimanche] est double, ce qu’on observe pour tous les autres dimanches de l’Avent, qui sont doubles.
Contrairement au rit romain qui utilise les chasubles pliées comme vêtement du diacre et du sous-diacre pendant l’Avent, le rit parisien conserve les dalmatique et tunique habituelles. La raison évoquée est la grande dignité dans le rang des fêtes des quatre dimanches du temps de l’Avent. Comme on le verra ci-après, les chasubles pliées sont en usage lors des féries de semaine du temps de l’Avent.
10. In Dominicis & Feriis Adventus dicuntur tres Orationes, secunda de Beata, Deus qui de Beata Maria. Tertia pro Ecclesia Ecclesiæ tuæ. In Festis autem secunda Oratio de Adventu. Tertia de Beata, & omittitur, Ecclesiæ tuæ. Non dicitur Gloria in excelsis, per totum Adventum : In Dominicis dicitur Credo, in Feriis non dicitur. In Missa de tempore Adventus, dicitur semper Benedicamus Domino 10. Les dimanches et féries de l’Avent, on dit trois oraisons, le seconde de la Bienheureuse [Vierge Marie], Deus qui de Beata Maria, la troisième pour l’Eglise Ecclesiæ tuæ. Mais les [jours de] fêtes, la seconde est de l’Avent, la troisième de la Bienheureuse [Vierge Marie], et l’on omet Ecclesiæ tuæ. On ne dit pas le Gloria in excelsis pour tout l’Avent ; mais les dimanches, on dit le Credo, que l’on ne dit pas les féries. A la messe du temps de l’Avent, on dit toujours Benedicamus Domino.
Les règles ici énoncées sont rigoureusement les mêmes que celles qui étaient dans les éditions tridentines des livres romains.
Selon l’ancien usage remontant au moins au Moyen-Age, on ajoutait très souvent d’autres oraisons aux trois oraisons de la messe du jour, savoir la collecte, la secrète et la postcommunion. Tout cela fut aboli par les nouvelles rubriques de 1960 et par le Missel romain de 1962, vraisemblablement pour rechercher des gains de temps sur la durée totale de la messe. On regrettera la suppression de ces anciennes oraisons car elles orientaient la prière des fidèles sur des intentions de prières souvent concrètes et précises. La disparition de ces intentions de prières particulières créa un appel d’air que l’on tenta maladroitement de combler bien plus tard par la création des prières dites universelles.
A la fin de la messe, l’Ite missa est remplacé par Benedicamus Domino comme à chaque fois que le Gloria in excelsis Deo n’est pas chanté à la messe.
11. Feria secunda post Dominicam primam Adventus, & aliis Feriis usque ad Nativitatem Domini, Per totum Adventum dicuntur preces feriales ad omnes horas flexis gentibus. Ad Benedictus & ad Magnificat cantantur Antiphonæ propriæ capitula & Responsoria Brevia horarum dicuntur ut in Psalterio, tempore Adventus. Ad minores horas tantum dicuntur Antiphonæ Dominicæ præcedentis per Hebdomadam quarta prætermissa, quando fit de Feria, nisi assignentur propriæ. Non cantatur Officium parvum usque post Purificationem, nec fiunt Commemorationes communes de Cruce, de Ss. & de pace ab hac die usque post octavam Epiphaniæ, & in majori Missa, non cantatur Alleluya, nec versus ejusdem : Diaconus & Subdiaconus in minoribus Ecclesiis non utuntur Dalmatica nec Tunica, sed Albis, manipulis & stola induti ministrant : In magnis autem Ecclesiis Collegiatis & Parochialibus, in quibus magnus & notabilis est Canonicorum, Beneficiatorum, & Sacerdotum Officiariorum numerus, Diaconus & Subdiaconus utuntur Planetis transversus super humeros & stola latiori, more Ecclesiæ Metropolitanæ : quam planetam Subdiaconus antequam de altari accipiat librum Epistolarum ad cantandum Epistolam decenter deponit in cornu Altaris a parte Epistolæ, & cantata Epistola, depositoque libro super Altare eam resumit, ut prius. 11. Le lundi après le premier dimanche de l’Avent, & aux autres féries jusqu’à la Nativité du Seigneur, pendant tout l’Avent on dit les prières fériales à toutes les heures en fléchissant les genoux. Au Benedictus & au Magnificat on chante les antiennes propres, le capitule et le répons bref des heures comme au Psautier, au temps de l’Avent. Aux petites heures seulement on dit les antiennes du dimanche précédent, en négligeant de le faire pour la quatrième semaine, lorsqu’on fait [l’office de] la férie, si il n’en est pas assigné de propres. On ne chante pas le Petit Office [de la Sainte Vierge] jusqu’après la Purification, ni ne fait les commémoraisons communes de la Croix, des Saints et de la paix, depuis ce jour jusqu’après l’octave de l’Epiphanie, et à la grand’messe, on ne chante ni l’Alléluia ni son verset ; le diacre et le sous-diacre, dans les plus petites églises, n’usent point de la dalmatique ni de la tunique, mais ils servent revêtus en aubes, manipules et étole ; mais dans les grandes églises collégiales ou paroissiales, dans lesquelles grand et notable est le nombre des chanoines, bénéficiers et prêtres officiants, le diacre et le sous-diacre utilisent les chasubles transverses sur les épaules & l’étole large, à la façon de l’Eglise métropolitaine : le sous-diacre – avant de recevoir le livre des épîtres pour chanter l’épître – dépose convenablement ladite chasuble au coin de l’autel du côté de l’épître, et, l’épître chantée et le livre déposé sur l’autel, il la remet comme auparavant.
On notera la suppression du petit office de la Sainte Vierge jusqu’au 2 février dans l’usage de Paris.
Les chasubles pliées sont donc en usage pendant les féries de l’Avent à Paris (mais pas les dimanches, qui ont rang de fêtes doubles, cf. supra n°9). Le Cérémonial rappelle un usage très ancien, savoir que le diacre et le sous-diacre peuvent toujours servir en aubes et étoles, notablement pour les petites églises. Ce même rappel se trouve également dans les rubriques du Missel romain de saint Pie V (De qualitate paramentorum tit. XIX, n. 6, 7. “Dans les petites églises, en ces jours de jeûne, ils accomplissent leurs fonctions revêtus simplement de l’aube : le sous-diacre avec le manipule, le diacre portant aussi l’étole sur l’épaule gauche pendant sous le bras droit.”
L’usage de la chasuble pliée par le sous-diacre parisien est tout à fait similaire au romain : il la dépose – comme le diacre – lorsqu’il fait une fonction particulière, à savoir le chant de l’épître. Pour le rit romain, cf. Pio Martinucci, Manuale sacrarum Cæromoniarum, chap. VI, n°14 : “Si les ministres portent la chasuble pliée, le premier acolyte se lèvera durant la dernière collecte avant l’épître et retirera la chasuble pliée du sous-diacre, puis celui-ci recevra le livre, chantera l’épître, et baisera la main du célébrant ; après qu’il a rendu le livre, il revêtira de nouveau la chasuble pliée – soit près de l’autel, soit à la crédence – et transférera du côté de l’évangile le missel avec son coussin ou pupitre.”
12. Similiter & Diaconus suam planetam deponit antequam accipiat de Altari sacrum Evangeliorum codicem, in cornu Altaris, a parte Evangelii, quam non resumit nisi post Communionem celebrantis, immediate antequam deferat Missale celebrantis ad cornu Epistolæ : stola latiori autem idem Diaconus se induit cum aliis ornamentis super aliam stolam communem & ordinariam, qua stola latiori se etiam cingit & nodat super axillam sinistram. 12. Et de même le diacre dépose sa chasuble avant de recevoir à l’autel le livre sacré des Evangiles, au coin de l’autel du côté Evangile, laquelle il ne reprendra qu’après la communion du célébrant, immédiatement avant de rapporter le Missel du célébrant au coin de l’Epître : mais le diacre se revêt alors de l’étole large, avec les autres ornements, au dessus de l’autre étole commune & ordinaire, laquelle étole large il se ceindra et nouera sous l’aisselle gauche.
Rappelons qu’en liturgie, le côté Evangile désigne la partie gauche d’un autel, le côté Epître sa partie droite (quand on le regarde depuis la nef).
Comme pour le sous-diacre, l’usage parisien de la chasuble pliée du diacre est totalement similaire à l’usage romain. Comme étudié dans l’article de ce site sur les chasubles pliées, le diacre roulait initialement sa chasuble, en y faisant parfois un nœud, comme le représente cette gravure tirée de l’Explication simple, littérale et historique des cérémonies de l’église, Volume 2, planche VII p. 315 de Dom Claude de Vert, osb (Paris, 1708)

Diacre portant la chasuble roulée pour chanter l'évangile.
Diacre portant la chasuble roulée pour chanter l’évangile.

Par la suite, pour simplifier cette action de rouler la chasuble transversalement, on remplaça l’ornement par un nouvel destiné à l’évoquer : l’étole large (stola latiori).
13. Feriæ Adventus sunt majores, de quibus fit Officium aut saltem commemoratio, quocumque Festo in iis occurrente, similiter & de dominicis, de quibus fit semper Officium, nisi occurrat Festum Patroni, Titularis & Dedicationis Ecclesiæ in secunda, tertia, & quarta Dominicis, tunc enim fieret Officium de hujusmodi Festo cum commemoratione Dominicæ semper. Sabbati diebus licet Officium fiat de Feria, Missa tamen cantatur de Beata Maria Rorate cœli, cum Gloria in excelsis, in qua secunda oratio erit de feria, & tertia de Sancto Spiritu. 13. Les Féries de l’Avent sont majeures, desquelles on fait l’office ou du moins la commémoraison, quelque soit la fête qui leur est occurente, et de même pour les dimanches, dont on fait toujours l’office, sauf si survient la fête du patron, du titulaire et la dédicace de l’église le second, troisième et quatrième dimanche, alors en effet serait fait l’office de ladite fête toujours avec commémoraison du dimanche. Les samedis, il est permis que l’office soit de la férie, cependant on chante la messe de la Bienheureuse Marie, Rorate cœli, avec Gloria in excelsis, en laquelle la seconde oraison sera de la férie, & la troisième du Saint-Esprit.
Les règles parisiennes sont ici parfaitement similaires au règles romaines, sauf sur un point : seule la fête du patron, du titulaire ou de la dédicace de l’église passe devant les second, troisième et quatrième dimanche de l’Avent à Paris (alors que ces trois dimanches cèdent devant une fête double de première classe au Missel romain de saint Pie V).
14. De vigiliis sancti Andreæ & sancti Thomæ nihil fit in Officio, nisi Missa quæ cantatur de vigilia cum commemoratione Adventus, nisi in vigilia S. Thomæ in quatuor temporibus occurrente, tunc enim de eadem fit tantum commemoratio in Missa. 14. Aux vigiles de saint André et de saint Thomas, rien n’en est fait à l’office, si ce n’est la messe qui est chantée de la vigile avec commémoraison de l’Avent, si ce n’est lorsque la vigile de saint Thomas tombe aux Quatre-Temps, alors en effet il n’est fait seulement commémoraison d’elle à la messe.
Les vigiles des fêtes des apôtres saint André (vigile le 29 novembre, fête le 30 novembre) et saint Thomas (vigile le 20 décembre, fête le 21 décembre) sont des jours de jeûnes et de pénitence préparatoire à ces fêtes majeures. Seule la messe en est chantée à Paris, avec mémoire de l’Avent, sans célébration ni mémoire de la vigile à l’office divin. A Paris, les Quatre-Temps priment sur la vigile de saint Thomas. Les rubriques du Missel de saint Pie V prévoient comme à Paris la mémoire de la férie aux vigiles tombant durant le temps de l’Avent et permettent de ne pas dire l’office de la vigile.
15. Nona cantatur post Missam ante prandium in omnibus feriis Adventus quando fit de Feria, Ideo Missa maior cantatur post sextam. Quando autem fit de aliquo Festo Duplici aut semiduplici, nona cantatur hora solita post prandium. 15. None est chantée après la messe avant le repas à toutes les féries de l’Avent, quand on fait de la férie, donc la grand’messe est chantée après sexte. Mais quand on fait d’une quelconque fête double ou semi-double, none est chantée à l’heure habituelle après le repas.
Le temps de l’Avent est un temps de jeûne. Cet article 15 rend compte de la survie de la discipline antique des premiers chrétiens jusqu’au XVIIème siècle : cette discipline antique du jeûne implique qu’on ne prenne rien avant la communion à la messe du jour. Les jours où on ne jeûne pas, la messe était célébrée après l’office de tierce (9h du matin) et donc avant celui de sexte (12h) (et donc on rompt le jeûne après sexte, vers midi) : les jours de jeûne, l’horaire de la messe était différé dans l’après-midi, entre sexte et none (donc entre midi et 15h selon nos horaires actuels) et on rompait le jeûne ensuite (durant le Carême, le jeûne était plus rigoureux que durant l’Avent, donc la messe était encore reculée, entre none et vêpres). Cette discipline ascétique était observée les jours de semaine (féries), mais pas le dimanche (car on ne jeûne jamais le jour où l’on célèbre chaque semaine la résurrection du Christ) ni les jours de fêtes doubles ou semidoubles. Insensiblement au cours des temps, on garda cette discipline, mais “l’astuce” consista à changer les horaires : on gardait la règle (la messe chantée entre sexte et none puis le déjeuner, mais il suffisait d’avancer l’office de sexte, la messe et l’office de none au matin pour continuer de déjeuner à l’heure habituelle…
16. In festis occurrentibus per Adventum dicitur Gloria in excelsis, adhibetur Color conveniens Albus vel rubeus pro qualitate festi, & in Missa maiori Diaconus & Subdiaconusn utuntur Dalmatica & Tunica. Item semper fit commemoratio de feria Adventus quæ procedit commemorationem festi commemorationis & Missæ, si tale occurrat : sed non legitur Evangelium Feriæ in Missa præterquam Evangelium feriæ quatuor temporum & vigiliæ S. Thomæ occurrentis extra quatuor tempora. 16. Aux fêtes occurrentes pendant l’Avent, on dit le Gloria in excelsis, on utilise la couleur convenable, blanche ou rouge selon la qualité de la fête, & à la grand messe le diacre & le sous-diacre usent de la dalmatique et de la tunique. De même on fait toujours la mémoire de la férie de l’Avent qui suit la mémoire de la fête commémorée & de la messe, si une telle [rencontre] survient ; mais on ne lit pas l’évangile de la férie à la messe, sauf l’évangile de la férie des Quatre-Temps et de la vigile de saint Thomas survenant hors des Quatre-Temps.
Rien de notablement différent avec l’usage romain ici. Pour mieux comprendre ce passage quelque peu elliptique, rappelons que la mémoire d’un jour liturgique se faisait non seulement en ajoutant ses oraisons à celle de la fête qui le supplantait, mais aussi en utilisant son évangile en guise de dernier évangile à la messe – à la place du Prologue de saint Jean -, pratique ancienne que le code des rubriques de 1960 a supprimée pour le rit romain.
Notons enfin que le Missel parisien contient une très ancienne série d’épîtres et d’évangiles propre pour les Mercredis et Vendredis de l’Avent (en dehors de la Semaine des Quatre-Temps) – ces évangiles ne sont donc pas repris à la fin de la messe comme dernier évangile si jamais ce jour-là tombe une fête de saint.
17. Si vigilia sanctæ Andreæ occurrerit in Adventu, nihil fit de ea nec commemoratio in Officio. Missa tamen maior Chori erit de vigilia, cum commemoratione feriæ Adventus, & sancti Saturnini. Si eadem vigilia sancti Andreæ occurrerit ante Adventum, Officium & Missa erunt de Vigilia : in ea secunda Oratio de s. Saturnino, tertia de Beata. 17. Si la vigile de saint André survient durant l’Avent, on ne fait rien d’elle ni on ne la commémore à l’office. La grand messe du chœur cependant sera de la vigile, avec mémoire de l’Avent, & de saint Saturnin. Si la même vigile de saint André survient avant l’Avent, l’office et la messe seront de la vigile ; à la messe la seconde oraison [sera] de saint Saturnin, la troisième de la Bienheureuse [Vierge Marie].
Ce paragraphe explicite les règles posées un peu plus haut (§ 14 & 16). La vigile de saint André est le 29 novembre. L’Avent commençant au plus tôt le 27 novembre, au plus tard le 3 décembre, selon les années la vigile de saint André tombera donc soit dans l’Avent soit encore dans le Temps après la Pentecôte qui précède.
18. Si occurrat festum Duplex aut semiduplex in aliqua vigilia intra Adventum ; in Missa de Festo, secunda Oratio erit de feria Adventus ; tertia de vigilia, (nisi sit Festum primæ classis) quamvis alias Missa vigiliæ præferatur Missæ de Adventu : quia in alia Missa, dignior est Oratio feriæ Adventus, quæ dicitur in Officio, quam oratio vigiliæ : & in fine Missæ legitur Evangelium vigiliæ. 18. Si survient une fête double ou semi-double au jour d’une des vigiles durant l’Avent, à la messe de la fête, la seconde oraison sera de la férie de l’Avent, la troisième de la vigile (excepté à une Fête de première classe), quoique par ailleurs on préfèrera la messe de la vigile à la messe de l’Avent : plus digne est l’oraison de la férie de l’Avent, que l’on dit à l’office, que l’oraison de la vigile ; & à la fin de la messe on lit l’évangile de la vigile.
Ce paragraphe précise qu’en dépit du fait que la messe de la vigile d’un saint a préséance sur celle de l’Avent, si une fête venait à survenir le jour de cette vigile, l’oraison de l’Avent précèderait toutefois celle de la vigile dans l’ordre des oraisons à la messe de la fête. Les fêtes de première classe toutefois suppriment la commémoraison d’autres messes par des oraisons multiples.
Les fêtes doubles et semi-doubles qui peuvent survenir durant le temps de l’Avent à l’époque où Martin Sonnet rédigea le Cérémonial Parisien sont assez nombreuses, les voici :

  • 30 novembre – saint André, apôtre (double)
  • 1er décembre – saint Eloi, évêque & confesseur (semi-double),
  • 2 décembre – sainte Valérie, vierge & martyre (semi-double),
  • 4 décembre – Susception des Saintes Reliques (double),
  • 6 décembre – saint Nicolas, évêque & confesseur (double),
  • 8 décembre – Conception de la Bienheureuse Vierge Marie (double solennel),
  • 9 décembre – saint Nicaise, évêque & martyr, & ses compagnons martyrs (semi-double),
  • 10 décembre – saints Fuscien, Victoric et Gentien, martyrs (semi-double)
  • 13 décembre – sainte Lucie, vierge & martyre (semi-double)
  • 21 décembre – saint Thomas, apôtre (double)

Il n’y a pas de première classe au calendrier diocésain durant cette période, toutefois, une église dont le saint patron serait fêté durant l’Avent célèbrerait sa fête sous le rite de première classe.
Le cas d’une occurence entre une fête double et semi-double avec les deux vigiles de saint André (29 novembre) et de saint Thomas (20 décembre) évoqué par ce § 18 est assez théorique, car cela suppose que cette fête – empêchée à son jour normal – a été translatée à l’une de ces deux dates. Tout ce passage théorique n’a probablement pour but que de renforcer encore la démonstration du principe que Sonnet énonce au paragraphe 13, à savoir que les féries de l’Avent sont majeures.

19. De vigilia sancti Thomæ nihil fit in Officio, sed maior Missa Chori erit de ea cum commemoratione feriæ & de Beata : nisi acciderit in quatuor temporibus, quo casu fit tantum de eam commemoratio in Missa quatuor temporum, nec eius Evangelium legitur in fine Missæ. 19. Au sujet de la vigile de saint Thomas, rien n’en est fait à l’office, mais la grand messe du chœur sera de celle-ci, avec mémoire de la férie et de la Bienheureuse [Vierge Marie] : sauf si elle tombe aux Quatre-Temps, dans quel cas on en fait seulement mémoire à la messe des Quatre-Temps, et son évangile ne sera pas lu à la fin de la messe.
Ce paragraphe précise à nouveau des points déjà évoqués à partir du § 16. Rappelons encore une fois que la vigile de saint Thomas est le 20 décembre – que les Quatre-Temps se célèbrent les mercredi, vendredi et samedi qui suivent le IIIème dimanche de l’Avent. Ils ont préséance sur la messe de la vigile de saint Thomas (qui est alors commémorée par ses oraisons, mais pas par son évangile.
20. In Missa vigiliarum Ss. Andræ in Adventu, & Thomæ, utitur Colore de tempore id est albo, & Diaconus & Subdiaconus utuntur planetis transversis super humeros, & Diaconus præterea stola latiore, more solito. In vigilia vero sancti Andræ extra Adventum, utitur Colore rubeo de tempore. 20. A la messe de vigiles des saints André durant l’Avent & de Thomas, on use de la couleur du temps, c’est-à-dire du blanc, et le diacre & le sous-diacre usent de chasubles transverses sur les épaules, et le diacre en outre de l’étole large, de la façon habituelle. Mais en la vigile de saint André en dehors de l’Avent, on use de la couleur rouge du temps.
Nouvelles précisions sur les deux messes des deux vigiles de saints pouvant tomber durant l’Avent, qui confirment le caractère férial – et non festival – de ces deux messes un peu particulières : on utilise la couleur du temps liturgique (blanc pour l’Avent parisien, cf. § 3 supra, et rouge pour le temps après la Pentecôte parisien) et non celle de la fête du saint. Si cette messe se célèbre durant l’Avent, on utilise les chasubles pliées à la parisienne, c’est-à-dire roulées sur les épaules, comme on l’a vu ci-dessus, § 11.
21. Die quarta Decembris ad Missam exponuntur solemniter sanctorum Reliquiæ, in Ecclesiis in quibus habentur ad expositionem propriæ. Festa S. Andræ, S. Nicolai & Conceptionis B. Mariæ, sancti Thomæ & aliorum, Celebrantur pro qualitate eorum, prout notantur in Calendario Breviarii, juxta Ritus in prima parte hujus Cæremonialis præsciptos. 21. Le 4 décembre à la messe, on expose solennellement les reliques des saints, dans les églises qui en ont de propre à être exposées. Les fêtes de saint André, saint Nicolas & de la Conception de la Bienheureuse Marie, de saint Thomas et autres sont célébrées selon leur qualité, selon ce qui est noté au calendrier du Bréviaire, selon le rit prescrit dans la première partie de ce cérémonial.
Comme nous l’avons vu à la note du § 18, dans la liste des fêtes pouvant tomber durant l’Avent, Paris célébrait le 4 décembre la fête des reliques des saints. Cette fête ancienne était en effet célébrée un peu partout à cette date, puis fut déplacée de façon plus rationnelle dans l’octave de la Toussaint en 1194. Le fait que Paris, comme un petit nombre de diocèses, continua à célébrer cette fête des reliques au 4 décembre cinq siècles après le changement de date est un indice de plus de la volonté ferme du rit parisien de conserver jalousement les formes les plus antiques et primitives de la liturgie occidentale.
22. In secunda, tertia, & quarta Dominicis Adventus, nihil occurrit particulare & extraordinarium : sunt Duplices majories, & Dominicæ secundæ classis : Ideo cantatur Responsorium ad Vesperas. Non dicuntur preces ad Completorium & primam, Invitatorium repetitur more duplici, in prima & secunda Dominica Psalmus Venite, cantatur de tertio tono, in tertia vero & quarta cantatur de quarto tono. Additurque Alleluia, in fine Responsorium Brevium horarum, in omnibus Dominicis Adventus. Hæc omnia ritu Duplici. Die decimo septimo Decembris incipiuntur Antiphonæ propriæ ad laudes & per horas. Et Feria secunda post Dominicam tertiam cantantur Responsoria Clama, & cætera. 22. Au second, troisième et quatrième dimanche de l’Avent, il ne se présente rien de particulier et ni d’extraordinaire : ce sont des Doubles majeurs, et des dimanches de seconde classe, aussi chante-t-on un répons aux vêpres. On ne dit pas les prières à complies et à prime ; l’invitatoire est répété de façon double ; au premier et second dimanche, le psaume Venite est chanté du troisième ton, mais au troisième & quatrième dimanche, il est chanté du quatrième ton. On ajoute Alleluia à la fin des répons des petites heures tous les dimanches de l’Avent. Tout cela est du rite double. Le 17 décembre on commence les antiennes propres à laudes et à vêpres. Et à la seconde férie après le troisième dimanche, on chante le répons Clama, etc.
Remarquons que contrairement au rit romain, rien ne distingue le dimanche de Gaudete, IIIème dimanche de l’Avent, des autres dimanche de ce temps : tout l’Avent parisien étant célébré en blanc, rien n’est précisé pour une éventuelle couleur rose le IIIème dimanche marquant le dimanche de Gaudete – Au livre II, chapitre VI qu’il consacrera aux devoirs de l’organiste, le Cérémonial parisien indiquera que l’orgue n’est pas touché pendant les quatre dimanches de l’Avent.
Conformément à un usage remontant à l’époque carolingienne, un répons (prolixe, et non bref – le plus souvent tiré de l’office nocturne) est chanté après le capitule de vêpres.
Les preces sont des versets ajoutés vers la fin des offices les jours de jeûne et de pénitence, et que l’on chante à genoux : elles sont donc bien logiquement chantées pendant les féries de l’Avent, mais pas le dimanche, car ce ne sont jamais des jours de jeûne.
Le chant de l’invitatoire de matines pour les fêtes solennelles connait – dans le rit de Paris – de savantes alternances entre quatre chantres en chapes, l’orgue et le chœur. Ces alternances sont plus simples pour les fêtes doubles, rang auxquels sont placés les dimanches de l’Avent : deux chantres en chapes alternent avec le chœur, sans intervention de l’orgue.

A suivre…

Rit parisien – Beata nobis gaudia – Hymne de saint Hilaire de Poitiers pour la Pentecôte

In Festo Pentecostes
Ad vesperas, Hymn.


1. Beáta nobis gáudia
Anni redúxit órbita,
Cum Spíritus Paráclitus
Effúlsit in discípulos.
C’est une bienheureuse joie
Que le cours de l’année nous ramène,
Quand l’Esprit Paraclet
Fulgura sur les disciples.
2. Ignis vibránte lúmine
Linguæ figúram détulit,
Verbis ut essent próflui,
Et caritáte férvidi.
Il répandit de vibrants rais de feu
Sous la forme de langues
Afin qu’ils fussent prodigues en paroles
Et débordants d’amour.
3. Linguis loquúntur ómnium,
Turbæ pavent Gentílium :
Musto madére députant
Quos Spíritus repléverat.
Ils parlent toutes les langues,
Etonnant la foule des Gentils ;
Lesquels croient ivres d’un vin nouveau
Ceux que l’Esprit a remplis.
4. Patráta sunt hæc mystice,
Paschæ perácto témpore,
Sacro diérum número,
Quo lege fit remíssio.
Cela fut accompli
Quand s’acheva le temps de Pâques
Cycle de cinquante jours qui figurent
Mystiquement le jubilé de la Loi.
5. Te nunc Deus piíssime
Vultu precámur cérnuo,
Illápsa nobis cœlitus
Largíre dona Spíritus.
Et maintenant, Dieu très bon,
Nous te prions, en prosternant nos faces,
De nous dispenser les dons de l’Esprit
Que tu répandis depuis les cieux.
6. Dudum sacráta péctora
Tua replésti grátia :
Dimítte nostra crímina,
Et da quiéta témpora.
Tu emplis jadis leurs cœurs
De ta sainte grâce ;
Remets-nous nos crimes
Et donne-nous des temps paisibles.
7. Glória Patri Dómino,
Natóque, qui a mórtuis
Surréxit, ac Paráclito,
In sæculórum sæcula. Amen.
Gloire au Seigneur : au Père
Et au Fils, qui des morts
Est ressuscité, et au Paraclet,
Dans les siècles des siècles. Amen.

Source : Antiphonaire de Notre-Dame de Paris (c. 1300) – F-Pn lat. 15181 f°343 r°. – Cantus ID: 008273.

Cette hymne de la Pentecôte est de saint Hilaire de Poitiers, Père de l’Eglise du IVème siècle.

Le Bréviaire de Paris l’emploie pour les Ières et IIndes vêpres de la Pentecôte, ainsi que pour les vêpres de chaque jour de l’octave de la Pentecôte. Les Dominicains l’emploient de même pour les deux vêpres de la Pentecôte, comme l’ancien usage d’York, tandis que ceux de Sarum & de Canterbury ne l’ont qu’aux secondes vêpres.

Le rit romain emploie la même hymne pour l’office du matin, de même que le rit mozarabe (et pour toute l’octave). Cette hymne était employée à l’office nocturne dans l’usage de Worchester, tandis que les Cisterciens la chantent aux complies. L’ancien rit de Bénévent ne l’utilisait que pour le jour octave de la Pentecôte. L’ancien hymnaire des Chartreux ne la connait pas.

Le plain-chant parisien ci-dessus est typiquement français et diffère notablement du chant en usage dans les livres romains ou dominicains. Il est intéressant de noter que c’est ce plain-chant qui est systématiquement utilisé par les compositeurs français du XVIIème siècle :

Rit parisien – Media vita – complies de Carême

Sabbato ante
Dominica II in Quadragesima
Ad Nunc dimittis, Ant.

Média vita in morte sumus : quem quærimus adjutórem, nisi tu Dómine ? qui pro peccátis nostris juste irásceris : * Sancte Deus, Sancte Fortis, Sancte Misericors Salvator, amaræ morti ne tradas nos. Au milieu de la vie, nous sommes dans la mort : quel secours chercher, sinon toi, Seigneur ? toi qui à bon droit es irrité de nos péchés : * Saint Dieu, Saint fort, Saint Sauveur miséricordieux, ne nous livre pas à la mort amère.
1. Nunc dimíttis servum tuum, Dómine, * secúndum verbum tuum in pace : 1. Maintenant, laisse ton serviteur, Seigneur, * selon ta parole, s’en aller en paix.
2. Quia vidérunt óculi mei * salutáre tuum. 2. Car mes yeux ont vu * le salut qui vient de toi.
3. Quod parásti * ante fáciem ómnium populórum. 3. Que tu as préparé * devant la face de tous les peuples.
4. Lumen ad revelatiónem Géntium, * et glóriam plebis tuæ Israël. 4. Lumière qui doit se révéler aux Nations * & gloire de ton peuple Israël.
5. Glória Patri, & Fílio, * & Spirítui Sancto. 5. Gloire au Père, & au Fils, * & au Saint-Esprit.
5. Sicut erat in princípio, et nunc, et semper, * et in sæcula sæculórum. Amen. 5. Comme il était au commencement, & maintenant, & toujours, * & dans les siècles des siècles. Amen.
℣. Ne projícias nos in témpore senectútis ; cum defécerit virtus nostra, ne derelínquas nos, Dómine. * Sancte Deus, Sancte Fortis, Sancte Misericors Salvator, amaræ morti ne tradas nos. ℣. Ne nous rejette pas dans le temps de la vieillesse ; et maintenant que notre force s’est affaiblie, ne nous abandonne pas, Seigneur. * Saint Dieu, Saint fort, Saint Sauveur miséricordieux, ne nous livre pas à la mort amère.

Sources : Antiphonaire de Notre-Dame de Paris (c. 1300) – F-Pn lat. 15181 f° 230 v°. – Cantus ID: 003732 & 003732b.
Psalmodie solennelle du Nunc dimittis selon les indications du Psalterium Parisiense imprimé de 1496.

Media vita est une antienne qui a connu un succès énorme au Moyen-Age. Saint Thomas d’Aquin entrait en ravissement et versait des torrents de larmes à chaque complies de Carême, lorsqu’on chantait le verset Ne projícias nos in témpore senectútis.

En raison du caractère particulièrement dramatique de son texte, on se mit à chanter cette antienne en dehors de l’office, en particulier sur les champs de bataille ou même pour des buts moins avouables où s’entremêlèrent quelques superstitions, au point qu’un concile réuni à Cologne en 1316 dût interdire aux fidèles de proférer des imprécations contre leurs ennemis en chantant Media vita (Quod non fiant imprecationes nec cantetur Media vita contra aliquas personas).

Dans son Chronicon S. Galli de 1613, l’historien allemand Erst Jodok Metzler a attribué la paternité de cette antienne à saint Notker le Bègue, moine de Saint-Gall en Suisse († 912), mais cette attribution bien tardive n’est étayée par aucune autre preuve ni source et parait assez faible.

L’antienne ne figure pas dans le fond ancien du répertoire de l’office divin romain et apparait pour la première fois – sans verset – dans des manuscrits du XIème simultanément en Italie du Nord, à Autun et en Angleterre : sa création a dû être de ce fait antérieure (serait-elle du Xème siècle ?) mais sa véritable origine reste inconnue. La nombre restreint d’antiphonaires antérieurs au XIème qui nous soient parvenus ne permettent pas de retracer précisément le parcours de cette pièce très curieuse.

Son texte est en effet remarquable en ce qu’il présente une version du Trisaghion de la liturgie orientale, qui était aussi largement pratiqué dans l’ancien rit des Gaules, supprimée par Pépin le Bref et Charlemagne au profit de la liturgie romaine. Il est possible que la première partie, avant Sancte Deus, soit de fait conçue comme un trope d’introduction du Trisaghion, et ait assuré la transmission d’une formule liturgique plus ancienne dans la nouvelle liturgie romano-franque.

A partir du XIIème siècle, l’antienne Media vita s’accompagne curieusement de versets, dont le plus commun (et probablement le plus ancien) – Ne projicias nos, celui-là même qui faisait pleurer saint Thomas d’Aquin – est celui utilisé tant par Paris que par les Dominicains. Ce verset Ne projicias nos est tiré du psaume 30, verset 9, avec mise au pluriel du verset biblique. Si l’antiphonaire manuscrit du chœur de Notre-Dame de Paris indique le chant du verset après le Nunc dimittis (comme dans l’usage de Sarum), les éditions postérieures du Breviarium Parisiense (de 1492 & 1500) placent ce verset avant le cantique évangélique, comme dans le rit dominicain.

La majorité des manuscrits assignent Media vita au Nunc dimittis des complies de Carême, assez souvent à partir de la mi-Carême, le milieu du Carême évoquant symboliquement le milieu de la vie évoqué par le texte de l’antienne, ainsi que le souligne en 1286 Guillaume Durand de Mende (Rational ou manuel des Divins offices, L. VI, chap. LII, n°IV & V). L’usage de Paris l’emploie aux complies de Carême à partir de la veille du IInd dimanche et jusqu’au Triduum pascal. Ce n’est qu’au XXème siècle que les éditions de Solesmes vont proposer le chant de Media vita pendant le temps de la Septuagésime.

A titre de comparaison, voici le chant dominicain de cette antienne de Nunc dimittis, qui est chantée dans cet Ordre à partir des complies de la veille du IIIème dimanche de Carême :

Et voici le Media vita dans l’usage de Sarum en Angleterre, tel qu’édité par l’excellent site The Sarum Rite. Il comporte trois versets et se chante à partir du IIIème dimanche de Carême :