Le 29 mai 2011 dernier, Sa Béatitude George Alencherry a été intronisé Archevêque Majeur de l’Eglise catholique Syro-Malabare en la basilique Sainte-Marie à Cochin.
Agé aujourd’hui de 66 ans, Mar George Alencherry, après avoir perfectionné sa formation à l’Institut catholique de Paris, a été nommé à son retour responsable du centre catéchétique de Changanacherry puis directeur du Centre interrituel d’orientation pastorale, dépendant de la Conférence des évêques catholiques du Kerala. Nommé vicaire général du diocèse de Changanacherry, il a été élevé à l’épiscopat en 1996 devenant le premier évêque du tout nouveau diocèse de Thuckalay, avant de devenir en mai dernier le premier archevêque majeur élu de l’Eglise syro-malabare. Les catholiques traditionnels français le connaissent, puisqu’il a participé au pèlerinage de Chartres de 2001 au cours duquel il a donné le salut du Très-Saint Sacrement au camp de Gas, y chantant l’Oraison dominicale en araméen, la langue même de Notre Seigneur, qui est langue liturgique en rit syro-malabar. Nous avions eu alors l’honneur de chanter ce salut.
L’Eglise catholique syro-malabare est la deuxième plus grande Église catholique orientale sui iuris, avec près de 4 millions de fidèles, la première étant l’Eglise Gréco-Catholique Ukrainienne, avec 6 millions de fidèles.
L’Eglise Syro-Malabare tire son origine de l’Apôtre saint Thomas venu évangéliser l’Inde du Sud (il fut martyrisé à Maïlapour près de Madras). Du fait que Thomas avait précédemment fondé l’Eglise en Mésopotamie, l’Eglise de l’Inde du Sud fut historiquement liée au catholicosat de Séleucie-Ctésiphon, partageant avec elle la même liturgie (Messe des saints Apôtres Thaddée & Mari) en araméen.
Avec l’arrivée des Portugais en Inde au XVIème siècle, les chrétiens de saint Thomas subirent une latinisation outrancière de leur liturgie, passant sous la juridiction de l’archevêque latin de Goa en 1599. Cette situation engendra par la suite de nombreux schismes successifs, au point que la situation ecclésiale est pour le moins complexe au Kérala de nos jours.
En 1919, l’Eglise syro-malabare retrouva son rite araméen oriental délatinisé puis Rome rétablit sa hiérarchie en 1923. En 1992, le pape Jean Paul II a élevé l’Eglise syro-malabare au rang d’Eglise archiépiscopale majeure, l’archidiocèse d’Ernakulam-Angamaly (Cochin) devenant le siège de l’archevêque métropolite. Lorsque son dernier titulaire, le cardinal Varkey Vithayathil est décédé le 1er avril 2011 à l’âge de 83 ans, le choix du nouvel archevêque majeur de l’Eglise syro-malabare a donné lieu à un événement d’une grande portée historique.
C’est en effet par un synode rassemblant ses différents responsables que l’Eglise syro-malabare, rompant avec des siècles de nomination de ses évêques directement par Rome, a élu son supérieur, Mar George Alencherry, le 24 mai dernier à Cochin, élection qui a été officiellement confirmée le 26 mai par Benoit XVI.
Cette nouvelle étape dans l’histoire de l’Eglise syro-malabare est le fruit d’un long travail de plusieurs dizaines d’années entre cette communauté catholique de rite oriental et le Saint-Siège. En janvier 2004, Rome donnait en effet l’autorisation au Synode Syro-Malabar d’élire ses propres évêques dans l’Etat du Kerala. Cette décision était très attendue par l’Eglise Syro-Malabare qui réclamait depuis longtemps de retrouver une autonomie plus grande vis-à-vis de Rome. Toutefois cette autorisation ne concerne que les juridictions ecclésiastiques au Kerala et ne s’applique pas aux diocèses établis dans d’autres territoires où les évêques syro-malabars dépendent de la juridiction de l’archevêque métropolitain local de rite latin (tout en restant sous l’autorité spirituelle et liturgique de leur archevêque majeur d’Ernakulam-Angamaly). L’Eglise syro-malabare compte ainsi plus d’une quarantaine d’évêques pour 29 diocèses répartis majoritairement au Kerala, mais dont quelques uns se trouvent dans sept autres états indiens, et l’un d’eux aux Etats-Unis. Ce dernier, érigé en 2001, l’éparchie Saint-Thomas de Chicago, est le seul diocèse établi hors de l’Inde.
Le chevauchement en Inde des territoires ecclésiastiques des deux rites rendant complexe l’exercice de la pastorale et donnant lieu à des querelles récurrentes, les évêques syro-malabars en visite ad limina en avril dernier à Rome ont à nouveau demandé à Benoît XVI que l’autorité accordée sur leurs juridictions au Kerala puisse être étendue à toute l’Inde, ainsi qu’aux pays où les fidèles syro-malabars sont aujourd’hui nombreux, comme la région du Golfe persique, l’Europe ou encore l’Australie. De plus, ont affirmé les prélats, leur Eglise est l’objet de discriminations de la part des représentants locaux de l’Eglise latine, regrettant que « les autres chrétiens et les autres religions jouissent de la liberté de construire des églises et des bâtiments partout en Inde », mais que les Eglises orientales catholiques en soint exclues, paradoxalement non par l’Etat, mais par leur propre institution ecclésiale ».
Sa Béatitude George a d’ores & déjà invité lors de la messe d’intronisation les trois Eglises catholiques en Inde de rites latin, syro-malabar et syro-malankar, à « oublier les rivalités passées » et à « travailler ensemble à l’unité », ajoutant que si elles « avaient peut-être été en compétition les unes avec les autres », il était temps « d’accueillir le pardon de Dieu (…) et de se tourner vers l’avenir avec espoir ».
Le nouveau dirigeant de l’Eglise syro-malabare a lancé le même appel à sa propre communauté, dont il avait souligné les divisions internes sur des questions liturgiques (la fracture entre les partisans du maintien des traditions syro-araméennes propres et le tenants de la modernisation à outrance de la liturgie). Néanmoins, le dynamisme missionnaire de cette Eglise en Inde est plutôt extraordinaire. Tous nos vœux et prières accompagnent Mgr Alencherry dans sa nouvelle mission.
Vidéo de la messe d’intronisation sur YouTube :
Source : Syro Malabar Catholic Church – Eastern Rite Catholic Filipinos