Le calice du sacre des rois de France, appelé aussi calice de saint Remy, fait partie du trésor de la cathédrale de Reims et est exposé au Musée du Palais du Tau à Reims. Classé monument historique, il fait partie des regalia de la couronne de France, car il servait à l’occasion du sacre des rois de France.
Ce rare chef d’œuvre d’orfèvrerie est en or pur, relevé d’émaux cloisonnés, de filigranes et de pierres précieuses et semi-précieuses de formes et de natures diverses. Par la forme large et évasée de sa coupe, il ressemble davantage à nos ciboires modernes. Les émaux qui le décorent sont d’une transparence et d’une finesse surprenante, ainsi que d’une très grandes variétés. Des bandes de filigranes enrichies de perles courent sur la coupe et le pied, divisant le calice dans la hauteur en six compartiments. Le nœud qui unit la coupe à son pied est rond, couvert de filigranes d’or, de pierres et de losanges émaillés. On compte pour la décoration de ce vase sacré sept émeraudes, six grenats, cinq saphirs, un faux onyx, neuf agates, plusieurs cornalines, une pierre de jaspe, de la lave du Vésuve. Plusieurs de ces pierres précieuses et semi-précieuses sont gravées de représentations antiques, et semblent bien de ce fait avoir été des réemplois de pierres de l’Antiquité romaine : une cornaline est ainsi gravée d’un capricorne et d’un gouvernail, symboles de l’empereur Auguste qui était né sous le signe du capricorne ; une prase représente la Fortune trônant, tenant une corne d’abondance et le globe terrestre ; sur un grenat figure Apollon rayonnant, tenant une tête de cerf ; un jaspe vert enfin comporte la gravure de Mercure avec son caducée.
La hauteur totale du calice de saint Remy est de 17 cm et le diamètre de sa coupe de 15 cm. Sur le pied du calice a été gravée l’inscription latine suivante :
QUICUMQUE HUNC CALICEM INVADIAVERIT VEL AB ECCLESIA REMENSI ALIQUO MODO ALIENAVERIT ANATHEMA SIT. FIAT. AMEN.
Quiconque s’emparerait de ce calice ou l’aliénerait de l’Eglise de Reims de quelque manière que ce soit, qu’il soit anathème. Qu’il en soit ainsi. Amen.
Ce calice servait aux sacres des rois de France dans la cathédrale de Reims : c’est dans cette coupe que le roi nouvellement sacré communiait sous l’espèce du vin après l’archevêque. Lorsque le roi communiait au Précieux Sang avec le calice de saint Remy, une nappe de communion était tendue, tenue par le Grand Aumônier de France & le premier aumônier du Roi côté autel, et par deux princes de la famille royale côté nef (les comtes de Provence et d’Artois, frères du Roi, lors du sacre de Louis XVI). 25 rois de France y trempèrent leurs lèvres. Sur la patène qui lui était associée (qui est perdue depuis la révolution), l’archevêque de Reims mélangeait le saint chrême avec un peu de baume extrait de la Sainte Ampoule afin de procéder ensuite aux onctions du sacre.
Tous les anciens inventaires du Trésor de la cathédrale de Reims le désignent comme “calice de saint Remy”. Pourquoi cette désignation, alors que ce calice n’a probablement été exécuté que vers la fin du XIIème siècle ?
Tout d’abord, le Testament de saint Remy, évêque de Reims qui baptisa le roi Clovis, fait mention d’un calice donné par ce pontife à la cathédrale de Reims :
Le roi Clovis, d’illustre mémoire, dont j’ai parlé souvent, et que j’ai tenu sur les fonts de baptême, comme je l’ai dit plus haut, a daigné me donner un vase d’or de dix litres pour en faire ce que je jugerai à propos. J’ordonne qu’on en fasse pour toi, ô mon héritière, un ciborium en forme de tour et un calice orné de figures, et je veux qu’on y place l’inscription que j’ai fait mettre sur un calice d’argent de l’église de Laon. Ce que je ferai, si je vis assez longtemps ; et si je meurs, c’est vous, ô Loup, évêque, fils de mon frère, qui, par respect pour la dignité épiscopale, vous chargerez de ce soin”.
Notons que le ciborium dont fait état ce texte désigne dans la Gaule chrétienne un vase servant à la conservation de la réserve eucharistique. Toutefois, le calice du Vème siècle, réalisé sur l’ordre de saint Remy, fut hélas cédé (avec sa patène, une croix d’or couvertes de pierreries, plusieurs croix d’or et d’argent) par l’archevêque Hincmar de Reims (806 † 882) pour payer le rachat des captifs de Reims rançonnés par les Normands.
La thèse de M. l’Abbé Cerf au Congrès archéologique de France tenu à Reims en 1861, fut que le ciborium de saint Remy était devenu inutile en 1194, puisqu’à cette date, Alexandre, archidiacre de Reims fait don d’un vase en vermeil pour conserver le Saint Sacrement dans une nouvelle suspension eucharistique au dessus du maître autel ; ce ciborium fut fondu et converti en calice, les pierres actuelles pourraient du reste provenir de ce vase antique du Vème siècle réemployées pour l’occasion. Il n’est pas impossible non plus que l’inscription d’anathème qui orne le calice actuel garde le souvenir de l’inscription du calice originel exécuté sur l’ordre de saint Remy, son testament indiquant bien la présence d’une inscription à réaliser sur le calice.
Voici comment un inventaire de la cathédrale de Reims décrit en 1669 ce calice de saint Remy :
Un calice de sainct Remy, de fin or, garni de plusieurs pierres précieuses, tout à l’entour d’iceluy, avec une platine aussi d’or, faicte en l’année 1367, l’ancienne ayant été perdue. Les dicts calice et platine pèsent ensemble six marcs et six onces et demie. Sur le pied est l’inscription suivante : Quicumque hunc calicem invadiaverit vel ab hac ecclesia Remensi aliquo modo alienaverit anathema sit. Fiat. Amen.
Ce calice fut aliéné en 1792 par les Révolutionnaires et porté au district de Reims. Il aurait dû être fondu comme le fut probablement la patène de 1367 qui l’accompagnait, mais il aurait été oublié et fut finalement déposé au Muséum central des arts de la République au titre des œuvres dont la conservation paraissait importante pour les Sciences et les Arts, puis le précieux calice fut déposé au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. L’empereur Napoléon III, à son passage à Reims, ayant appris que ce joyau du trésor de la cathédrale était conservé à Paris, le fit restituer à la cathédrale de Reims. Le 19 mars 1861, Mgr d’Arras, aumônier de l’empereur, le remit lui-même à l’archevêque de Reims, en présence du chapitre de la métropole, du conseil de fabrique et des autorités de la ville. Vous pouvez l’admirer aujourd’hui en visitant le Palais du Tau.