Article précédent : Présentation générale de la Semaine Sainte de 1955.
Première partie – La bénédictions des rameaux
Le dimanche des Rameaux – Synopsis de la cérémonie dans le missel de saint Pie V
Dans l’édition d’avant 1955 du Missel Romain, la bénédiction des rameaux se déroule dans un rite très particulier, parallèle au rite même de la messe, dans lequel la bénédiction des rameaux tient la place du canon et de la consécration. Les palmes sont posées sur l’autel majeur, les ornements sont violets, le prêtre est en chape, le diacres et le sous-diacres usent non pas de dalmatique & tunique, mais – comme pendant tout le Carême – de chasubles pliées & de l’étole large.
Après l’aspersion dominicale ordinaire, qui n’est pas omise, la cérémonie s’ouvre par une antienne qui tient lieu d’introït (Hosanna filio David), le célébrant chante une oraison qui tient lieu de collecte.
Voici cette oraison :
Deus, quem dilígere et amáre justítia est, ineffábilis grátiæ tuæ in nobis dona multíplica : et qui fecísti nos in morte Fílii tui speráre quæ crédimus ; fac nos eódem resurgénte perveníre quo téndimus.
Dieu, qu’il est juste de désirer & d’aimer, multiplie en nous les dons de ta grâce ineffable, et, comme par la mort de ton Fils tu nous as donné droit d’espérer ce qui est l’objet de notre foi, fais-nous arriver, par sa résurrection, au terme vers lequel nous aspirons.
Cette oraison est très ancienne puisqu’elle figure déjà dans le Sacramentaire du pape Gélase (VIème), le plus ancien document liturgique de l’Eglise romaine qui nous donne les textes employés aux Rameaux (le manuscrit appelé Sacramentaire Léonien qui lui est antérieur est hélas incomplet, le manuscrit est amputé de la partie qui devait contenir toute la Semaine Sainte).
Après cette collecte initiale vient une lecture du livre de l’Exode qui tient lieu d’épître, suivi du chant d’un répons qui tient lieu de graduel (le chœur peut chanter au choix soit le répons Collegerunt Pontifices & Pharisæi, soit le répons In monte Oliveti. Puis vient l’évangile des rameaux (Matthieu au chapitre 21). Une oraison qui tient lieu d’offertoire ou de secrète, la conclusion de cette oraison s’enchaîne avec une préface à la fin de laquelle est chanté le Sanctus. Suit alors une sorte de “canon” composé de 5 prières. A leur suite, le célébrant asperge 3 fois les palmes sur l’autel et les encense 3 fois (suivant l’ordre habituel qu’on retrouve dans d’autres cérémonies : imposition de l’encens – aspersion – encensement, en récitant l’Asperges me jusqu’au psaume exclusivement). Le célébrant chante ensuite une 6ème oraison puis distribue les rameaux au clergé présent puis au peuple, tandis que le chœur chante les 2 antiennes Pueri Hebræorum (qui correspondent à une antienne de communion), les répétant tant que la distribution des rameaux n’est pas terminée. Une fois la distribution achevée, le célébrant chante une 7ème oraison, qui correspond à une postcommunion. Le diacre donne l’ordre de démarrer la procession par le Procedamus in pace. Tout ce rite de bénédiction, on la vu, établi une analogie porteuse de sens entre la bénédiction des rameaux et la consécration des saintes espèces : plus qu’une simple bénédiction d’un objet, les palmes reçoivent une véritable consécration par cette cérémonie effectuée sur le maître-autel, au cours d’un “canon consécratoire” de 7 oraisons avec préface. Notons qu’on retrouve aussi dans le rit romain traditionnel des préfaces consécratoires pour les principales bénédictions réellement importantes : saint chrême, cierge pascal, eau baptismale, ordination sacerdotale, eau bénie à la vigile de l’Epiphanie, et bien sûr consécration des saintes espèces à la messe. Le chant de la préface est la manière qu’utilise le rit romain depuis la plus haute antiquité pour rendre grâce au Père par le Fils d’une façon particulièrement solennelle.
Les liturgistes du XXème siècle ont souvent assimilé un peu rapidement cette bénédiction des rameaux au concept médiéval de Missa sicca, de “messe sèche”, catégorie mentale pratique et utile peut-être pour comprendre la cérémonie, mais quelque peu abusive à mon avis : la messe sèche désignait précisément le texte complet d’une messe du missel dite à but votif de façon privée dans laquelle il n’y avait pas de consécration ni d’offertoire.
Le dimanche des Rameaux à la cathédrale de Westminster (Londres) circa 1914-1919 avec S.E. le cardinal Bourne. Notez la croix de procession voilée, les chasubles pliées du sous-diacre crucifère, ainsi que du diacre & du sous-diacre.
La même cérémonie à Westminster en 1942.
Idéalement les palmes sont bénites dans une première église et la procession va ensuite d’une église à une autre. Comme à toutes les processions, le sous-diacre ouvre la procession en portant la croix, qui est recouverte d’un voile violet comme toutes les croix depuis les premières vêpres du dimanche de la Passion. On accroche un rameau bénit à cette croix voilée. Suit le clergé, puis le célébrant accompagné du diacre & du cérémoniaire. Le chant de 6 antiennes accompagne la procession. Arrivée devant les portes fermées de l’église, un dialogue s’engage entre deux chantres (entrés au préalable dans l’église et se tenant derrière les portes fermées) et la procession restée à l’extérieur : les chantres chantent le refrain du Gloria, laus & honor (l’hymne célèbre de saint Théodulfe d’Orléans (†821)), qui est répété par tous à l’extérieur. Les chantres chantent les 5 versets de l’hymne, le refrain étant repris par la procession dehors. Une fois l’hymne achevée, le sous-diacre frappe avec la hampe de la croix la porte de l’église, qui s’ouvre laissant passer la procession, pendant que l’on chante un répons, Ingrediente Domino in sanctam civitatem (ordonnance ancienne qu’on retrouve également à la procession de la Chandeleur). Le célébrant retire sa chape violette pour prendre la chasuble de la même couleur & la messe commence. Toute la cérémonie étant en violet, le changement de vêtement ne présente pas de difficultés (ainsi, les ornements de l’autel n’ont pas à être changés).
La réforme de 1955 abolit la structure très ancienne de la consécration des palmes au cours de cette cérémonie imitant l’ordo missæ, tout en introduisant des changements qui n’ont pas forcément simplifié la cérémonie, certains étant en contradiction avec la pratique liturgique habituelle du rit romain.
La couleur des ornements de la cérémonie de la bénédiction & de la procession des Rameaux est changée : les ornements cessent d’être violets pour devenir rouges. Pourquoi ce changement ? Dans l’esprit de la Commission pour la Réforme liturgique, la procession des Rameaux devient une procession en l’honneur du Christ-Roi : ainsi, l’hymne Gloria, laus & honor reçoit-il le titre Hymnus ad Christum Regem. Une rubrique a été ajoutée à la procession pour indiquer qu’on peut y chanter le cantique (moderne) Christus vincit (qui n’avait jamais été utilisé pour ce rite) ou tout autre hymne en l’honneur du Christ-Roi. On lit dans les archives de la commission qu’on voulait employer le rouge parce que cette couleur aurait été employée au Moyen-Age pour cette cérémonie, qu’elle permettra de distinguer la procession du reste de la liturgie de ce dimanche comme de quelque chose sui generis, et que le rouge marque mieux le caractère royal qu’on veut lui conférer car il rappelle la pourpre royale.
Les motifs évoqués pour ce changement de couleur appellent plusieurs remarques. Tout d’abord, la justification par l’histoire pour appuyer le changement de couleur s’est faite sur une idée avancée par un professeur de Théologie pastorale d’un séminaire suisse, sans qu’aucune étude n’ait été en réalité menée sur le sujet. Et pour cause, le rit romain n’a jamais employé le rouge à cette procession. Les couleurs qu’on trouve en usage au Moyen-Age et qu’on peut observer ensuite dans la variété des usages diocésains sont le violet, ou sa variante le bleu (dans beaucoup de diocèses français, le bleu était une couleur de substitution au violet), ou encore, comme à Paris, le noir. Mais jamais on ne trouve une couleur différente pour la procession & la messe qui suit. Le rit ambrosien emploie bien le rouge, mais uniquement pour la messe – pas pour la procession qui se fait en violet. Le rouge du reste est employé pour toute la Semaine Sainte ambrosienne (qui démarre la veille du dimanche des Rameaux par le Samedi in Traditione Symboli) et ce rit lui attribue la symbolique évidente du sang versé dans la Passion, et non un quelconque statut royal.
La Commission choisit le rouge pour la procession afin de symboliser le pouvoir royal. Pourtant, le rouge dans le rit romain est le signe de tout autre chose : c’est la couleur du sang versé des martyrs et celle du feu de l’Esprit-Saint, mais jamais du celle du triomphe et de la gloire (qui est le blanc ou le doré).
Il est assez piquant de faire remarquer que la pourpre impériale – couleur royale par excellence – tirait davantage sur le violet que sur le rouge (ce qui est très clair en héraldique européenne) & que bon nombre d’ornements violets en paroisse présentaient justement une nuance purpurine.
La Commission parait avoir appuyé son innovation pour l’emploi de deux couleurs sur la procession de la Chandeleur, qui, dans le rit romain traditionnel, se déroulait en violet alors que la messe qui suivait était en blanc. Notons cependant que la même Commission supprimera plus tard la distinction des couleurs à la Chandeleur et imposera le blanc pour toute cette cérémonie dans le Code des rubriques de 1960. On a beaucoup écrit sur la distinction des couleurs à la Chandeleur, l’hypothèse la plus intéressante montre qu’en fait dans les liturgies médiévales, on ne sort jamais en plein air à l’extérieur de l’église avec des vêtements clairs mais avec des vêtements sombres, pour une simple question de bon sens pratique… Signalons au passage que dans le rit byzantin, la seule distinction dans les couleurs liturgiques se fait entre couleurs claires & couleurs sombres, les unes exprimant la joie, les autres la pénitence. Dans ce rit, le rouge est une couleur claire de fête, le bleu ou le violet sont des couleurs sombres des jours de pénitence, conception qui se retrouvait au Moyen-Age en Occident.
Notons que le chœur où se déroule la bénédiction des rameaux présente, du fait de l’innovation introduite, une curieuse bigarrure de couleurs liturgiques inconnue antérieurement : le célébrant et ses ministres sont en rouge ; si on emploie un pupitre pour la bénédiction des rameaux, il reçoit un voile rouge ; cependant, la croix de l’autel sera voilée de violet, mais l’antependium de l’autel est rouge pour la bénédiction et devra être changé en violet au début de la messe ; le conopée du tabernacle doit être rouge pour la bénédiction et violet pour la messe ; dès la bénédiction des rameaux, la crédence de la messe est déjà préparée et donc un voile huméral violet la recouvre…
Le diacre & le sous-diacre doivent désormais porter des dalmatique & tunique rouges là où jadis ils portaient les chasubles pliées violettes. Il est donc devenu nécessaire désormais aux trois ministres de se changer entre la fin de la procession & le début de la messe (changement qui ralentit forcément la cérémonie). De même que les croix voilées, les chasubles pliées étaient pourtant un signe d’une très haute antiquité qu’employait le rit romain pour signifier la tristesse & le deuil qui accompagnaient aussi cette procession qui commémore le Sauveur marchant vers sa Passion et vers sa mort.
Si l’antienne d’ouverture Hosanna filio David est maintenue à sa place, la première oraison, qui est pourtant attesté dans le Sacramentaire gélasien, est supprimée (curieux pour une réforme qui se posait comme un retour à l’Antiquité liturgique). La lecture du livre de l’Exode est aussi supprimée. Pourtant, cette première lecture était importante pour une compréhension de l’ensemble de la Semaine Sainte en laquelle se rejoue le mystère de notre Rédemption, Rédemption qui avait été autrefois figuré par la délivrance du peuple Hébreu d’Egypte : Vespere scietis quod Dominus eduxerit vos de terra Ægypti : & mane videbitis gloriam Domini. Cette lecture tirée des chapitres 15 et 16 de l’Exode, montre le peuple Hébreu au désert se rebellant contre Moïse & Aaron car ils avaient faim, et l’intervention de Dieu disant qu’il allait faire tomber la manne du ciel pour les nourrir : Ecce ego pluam vobis panes de cœlo, qui a été toujours interprété par la tradition patristique comme une allusion prophétique à l’institution de l’eucharistie le Jeudi Saint. Enfin un autre parallélisme pouvait se lire dans ce texte entre d’une part le peuple qui se rebelle après sa sortie triomphale d’Egypte, et, d’autre part la foule qui réclame la crucifixion du Christ alors qu’elle avait acclamé triomphalement son entrée en Jérusalem quelques jours plus tôt.
Le répons qui tenait lieu de graduel est supprimé. Les deux textes proposés antérieurement au choix du chœur – Collegerunt Pontifices & Pharisæi ou In monte Oliveti, de vraies merveilles par ailleurs sur le plan musical – annonçaient clairement la passion du Christ. Or la volonté manifeste de la Commission pour la Réforme liturgique ici – comme dans la suppression de la prophétie de l’Exode – semble d’avoir été de bannir tout élément non triomphaliste de la cérémonie des rameaux et déconnecter la procession de la messe qui suit.
La réforme de 1955 exige explicitement que les palmes soient bénites non plus à l’autel majeur mais sur une petite table apportée au milieu du chœur & que la bénédiction soit faite face au peuple afin que celui-ci puisse la voir. Le célébrant et ses ministres doivent donc entrer au chœur, faire la génuflexion habituelle à l’autel & à la croix, se retourner et leur faire dos. C’est la première fois dans l’histoire du rit romain qu’est effectué ce changement de focalisation : ce n’est plus l’autel et la croix qui concentrent l’attention, l’impératif se déplace vers le peuple qui doit voir. Outre que dans beaucoup d’églises où le Très-Saint Sacrement est conservé à l’autel majeur, les ministres sacrés doivent lui tourner le dos pour la durée de toute une cérémonie, le fait de placer cette table au milieu du chœur impose de plus quelques contraintes logistiques : une fois les rameaux distribués, il faudra bien la retirer au cours de la cérémonie (mais les rubriques ne le précisent pas). Retenons qu’au nom de la participation des fidèles a été alors introduit un concept totalement nouveau dans l’utilisation de l’espace liturgique, puisque la prière cessait d’être orientée vers Dieu, mais s’orientait vers les fidèles.
Sur le total des 9 oraisons & la préface de l’ancienne liturgie, la liturgie réformée n’en conserve qu’une seule, la cinquième du “canon consécratoire”, Benedic, quæsumus, Domine. La préface très ancienne, qui justement parlait magnifiquement de la royauté universelle du Christ, est étrangement supprimée. Pourtant elle proclamait l’autorité du Christ sur toute créature & tout royaume en des termes admirables, en voici du reste la partie centrale : Qui gloriaris in concilio Sanctorum tuorum. Tibi enim serviunt creaturæ tuæ : quia te solum auctorem et Deum cognoscunt ; et omnis factura tua te collaudat, et benedicunt te Sancti tui. Quia illud magnum Unigeniti tui nomen coram regibus et potestatibus hujus sæculi, libera voce confitentur.
La suppression de 8 oraisons sur 9 a été justifié par la Commission parce qu’elles “étaient un témoignage d’une érudition typique de l’époque Carolingienne”, qui relevait de la vie chrétienne ordinaire mais pas d’une cérémonie en l’honneur du Christ-Roi. Dialectique bien curieuse et bien datée, comme le relève don Stefano Carusi : on comprend mal en effet comment la sanctification de la vie chrétienne ordinaire serait incompatible avec la royauté du Christ ! En effet, les bénédictions supprimées parlaient de l’usage que les fidèles pourront faire au quotidien des rameaux qu’ils reçoivent, indiquaient les bienfaits que générait ce sacramental et son pouvoir contre le démon. Tout cela est désormais oublié.
Pour la bénédiction des rameaux, les nouvelles rubriques prescrivent que le célébrant doit d’abord les asperger d’eau bénite puis imposer l’encens dans l’encensoir et les encenser, il ne doit plus réciter l’antienne Asperges me. Ce changement n’a pas d’importance particulière (encore qu’il y avait quelque avantage pratique à laisser quelque temps à l’encens pour qu’il se mettre à bien brûler), mais est symptomatique de ce que l’on rencontre à maints endroits dans la nouvelle Semaine Sainte, à savoir l’introduction de modifications mineures sans raisons apparentes, ni pratiques, ni théologiques, mais en contradiction avec ce qui se pratique le restant de l’année, ce qui ne peut qu’apporter trouble, confusion, hésitation. En effet, dans le rit romain, l’ordre naturel, le reste de l’année, est toujours : imposition de l’encens – aspersion – encensement, avec récitation de l’antienne Asperges me sans psaume (cf. bénédiction des cierges à la Chandeleurs, bénédiction des cendres, etc…).
Le moment de la bénédiction et de la distribution des rameaux est déplacé. Au lieu de suivre l’évangile, il le précède désormais. Les deux antiennes Pueri Hebræorum sont chantées avec une partie du psaume 23 et le psaume 24, avec reprise de l’antienne tous les deux versets (pratique inconnue par ailleurs dans le rit romain). Notons que les deux psaumes sont étrangement conclus par la petite doxologie Gloria Patri alors que celle-ci est supprimée à toutes les messes & à toutes les processions précédant les messes depuis le dimanche précédent, dimanche de la Passion, suppression ancienne qui – corolaire au voilement des croix et images saintes – marque d’un caractère particulier ce temps de l’année liturgique.
Dans le rit de saint Pie V, le célébrant est encensé après cet évangile, comme après n’importe quel évangile de toute messe solennelle. Dans le rit réformé de 1955, cet encensement est supprimé, contrairement à ce qui se pratique alors le restant de l’année.
La croix de procession ne doit plus être voilée. Ce point introduit une bizarrerie dans la pratique historique du rit romain, puisque le dévoilement des croix se fait le Vendredi Saint dans ce rit, puisque la croix de l’autel reste voilée de violet, puisque la croix de procession est voilée déjà le dimanche précédant, dimanche de la Passion. Le second sous-diacre, crucifère, est désormais revêtu de la tunique (et non plus de la chasuble pliée).
La procession des Rameaux est qualifiée de “solennelle”, quand bien même elle serait célébrée sans diacre & sous-diacre, abus de langage symptomatique que pointe du doigt Mgr Gromier dans sa conférence.
Lors de la procession, les 3 premières antiennes de l’ancien ordo romain (Cum appropinquaret Dominus, Cum audisset populus, Ante sex dies) sont supprimées. Le nouvel ordo propose de commencer par l’ancienne 4ème antienne Occurrunt turbæ, puis la 5ème (Cum angelis & pueris), la 6ème (Turba multa), en ajoute une nouvelle (Cœperunt omnes turbæ).
Le rite très parlant aux yeux du peuple de chanter le Gloria, laus & honor devant les portes fermées de l’église & l’ouverture rituelle de celles-ci est supprimé. Du coup le Gloria, laus & honor se retrouve au beau milieu des nombreux chants de la procession, ce qui diminue radicalement sa saveur toute exceptionnelle (disons ici que l’ouverture de la prison dans laquelle était reclus saint Théodulfe d’Orléans avait été l’occasion de la composition de cette hymne, ce qui n’était pas sans rapport avec l’ouverture des portes de la ville ou des églises pour laisser entrer la procession des Rameaux). Le nouvel ordo ajoute ensuite encore trois antiennes : Omnes collaudant nomen tuum chantée avec le psaume 147 (pourquoi celle-ci reçois un psaume, mystère !), Fulgentibus palmis et la très prolixe Ave, Rex noster. Une rubrique précise enfin qu’on peut faire chanter aussi aux fidèles le Christus vincit ou tout autre chant en l’honneur du Christ-Roi. Cette rubrique n’a pas peu contribué à faire tomber en décadence un peu partout le chant des très belles antiennes processionnelles des Rameaux, qui appartiennent au trésor musical du haut Moyen-Age, remplacées souvent par des compositions vulgaires sans réelle valeur.
Le rite de l’ouverture des portes avec la croix avait une signification profonde et magnifique, qu’on retrouve dans la Semaine Sainte du rit Chaldéen dans un sublime poème de Narsaï datant du Vème siècle, dans lequel le bon larron se présente aux portes du jardin d’Eden gardées fermées par un redoutable chérubin. Le larron lui présente le bois de la vivifiante croix et le chérubin ne peut alors que lui ouvrir les portes du paradis, jadis perdu par le bois de l’arbre de vie. La même idée présidait à l’ouverture par la croix des portes de l’église le jour des rameaux au rit romain : elle symbolisait non seulement l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem, mais encore le mystère même de notre Rédemption : par le bois de la croix, le peuple racheté pouvait enfin rentrer au ciel que symbolisait l’église fermée.
Le rit romain de saint Pie V issu des pratiques de la curie romaine avait un peu simplifié ce rite magnifique de l’ouverture des portes de l’église en la confiant au sous-diacre sans l’accompagner de paroles particulières, juste à la fin du chant du Gloria, laus. A Paris, comme dans de très nombreux diocèses, un véritable dialogue s’instaurait entre les chantres et le célébrant, à qui on demandait par 3 fois qui était ce roi de gloire qui se présentait aux portes, avec les paroles même du psaume 23. La question des chantres se faisait à chaque fois de plus en plus pressante et impérieuse, le chant montait à chaque reprise pour finir haut dans l’aigu. Voici du reste le détail de ce dialogue, au cours duquel le célébrant cognait à trois reprises avec la hampe de la croix aux portes de l’église :
Le célébrant :
Attóllite portas príncipes vestras, & elevámini, portæ æternáles ; & introíbit Rex glóriæ. |
Elevez vos portes, ô princes, et vous, élevez-vous, portes éternelles, et il entrera, le Roi de gloire. |
Les chantres, de l’intérieur de l’église, demandent :
℟. Quis est iste Rex glóriæ ? | Qui est ce Roi de gloire ? |
Le célébrant :
Dóminus fortis & potens, Dóminus potens in prælio : Attóllite portas príncipes vestras, & elevámini, portæ æternáles ; & introíbit Rex glóriæ. |
C’est le Seigneur, fort et puissant, le Seigneur, puissant au combat. Elevez vos portes, ô princes, et vous, élevez-vous, portes éternelles, et il entrera, le Roi de gloire. |
Les chantres :
℟. Quis est iste Rex glóriæ ? | Qui est ce Roi de gloire ? |
Le célébrant :
Dóminus fortis & potens, Dóminus potens in prælio : Attóllite portas príncipes vestras, & elevámini, portæ æternáles ; & introíbit Rex glóriæ. |
C’est le Seigneur, fort et puissant, le Seigneur, puissant au combat. Elevez vos portes, ô princes, et vous, élevez-vous, portes éternelles, et il entrera, le Roi de gloire. |
Les chantres :
℟. Quis est iste Rex glóriæ ? | Qui est ce Roi de gloire ? |
Le célébrant
Dóminus virtútum, ipse est Rex glóriæ. |
C’est le Seigneur des armées, c’est lui, le Roi de gloire. |
Si la Commission pour la Réforme liturgique avait fait un véritable travail historique, ce beau dialogue, qu’on retrouve un peu partout dans des diocèses dans l’ancienne Europe carolingienne, et qui historiquement appartenait aussi au rit romain avant sa simplification pour l’usage de la Curie, dialogue dans lequel la royauté du Christ est aussi clairement affirmée, n’aurait pu que l’intéresser dans la perspective qu’elle entendait réserver à cette procession. Notons par ailleurs, qu’en de très nombreux endroits et en dépit de sa suppression, ce rite solennel de l’ouverture des portes continue d’être employé dans des procession célébrées aussi bien selon le missel de 1962 que celui de 1970. Il n’est pas toujours facile, surtout en ville ou dans des pays déchristianisés, d’organiser de nos jours de vastes processions des Rameaux dans les rues, or cet élément antique du rit demeure le plus aisé à mettre en place dans bien des cas.
Le rite de l’ouverture des portes étant supprimé, la procession entre simplement dans l’église au chant du répons Ingrediente Domino in sanctam civitatem qui la clôt dans l’ancien rit (répons qu’on doit maintenant entamer au moment précis où le célébrant franchit la porte !!!). Désormais, la fin de la procession est marquée par une nouvelle oraison, qui, absolue nouveauté historique dans le rit romain, doit être chantée face au peuple. Le célébrant doit donc génuflecter devant l’autel comme d’ordinaire, puis monter à l’autel avec les ministres sacrés, se retourner aussitôt et se tenir au milieu sur la plus haute marche de l’autel face au peuple. Les rubriques n’ont pas prévu comment devait se faire dans le détail cette oraison (qui tient le missel pour le célébrant ? normalement ici cela devrait être le diacre et non un acolyte comme semblent le prévoir les rubriques). L’oraison terminée, le célébrant & ses ministres doivent redescendre encore in plano pour faire la génuflexion à l’autel, déposer les vêtements rouges et prendre les vêtements violet pour la messe. 15 ans après, l’un des artisans de la réforme (C. Braga, Maxima Redemptionis Nostrae Mysteria : 50 anni dopo (1955-2005) in Ecclesia Orans, n. 23 (2006)) reconnaissait que cette nouvelle oraison n’avait pas de véritable raison d’être à cet endroit, et rompait l’unité de la célébration. Je pense au contraire que la rupture de la célébration bien marquée en deux parties distinctes a été l’un des buts recherché activement par la Commission. Pour finir sur ce point, c’est outre d’un bien curieux effet de voir se déployer autant de cérémonies pour monter à un autel, lui tourner aussitôt le dos puis redescendre.
Seconde partie – La messe des Rameaux
Synopsis de la cérémonie dans le missel de saint Pie V
Dans le rit de saint Pie V, la messe des Rameaux ne comporte qu’une seule particularité, mais elle est d’importance, il s’agit de la façon dont la Passion selon saint Matthieu est chantée. Le rituel du chant de la Passion est en réalité effectué en deux étapes : une première partie – la Passion proprement dite – s’arrête après la mort du Christ et sa sépulture. La fin de la Passion est ensuite chantée et constitue l’évangile même de la messe.
Détaillons ce rite pour mieux le comprendre, puisqu’il va être substantiellement modifié en 1955.
La Passion est chantée par trois diacres, vêtus de l’amict, de l’aube, du cordon, du manipule et de l’étole diaconale. Ils ne sont pas les ministres de la messe et ne se vêtent de leurs insignes diaconaux que le temps de chanter la Passion. L’un des trois diacres, le chroniste, cantile le récitatif de la Passion sur un ton médian. Le second diacre, le Christ, chante les réponses de Notre Seigneur sur un ton grave. Le troisième diacre, la Synagogue, chante dans une voix élevée les réponses de tous les autres personnages (saint Pierre et les apôtres, Caïphe, Ponce Pilate, la foule, etc…). Notons au passage, que depuis au moins le XVème siècle, il est de tradition de parfois confier certaines des réponses de la Synagogue (celles qui impliquent un groupe d’intervenants) à un chœur polyphonique répondant à plusieurs voix (les réponses composées par Victoria sont les plus connues, mais il en existe de plus anciennes ; du reste, c’est à partir de cette distribution qu’est née et s’est progressivement développée l’idée musicale qui aboutira aux passions-oratorios luthériens de J. S. Bach). Cette distribution de la Passion en trois rôles est une particularité du rit romain et ne se retrouve dans aucun autre rit d’Orient ou d’Occident.
Les trois diacres entrent dans le sanctuaire vers la fin du trait, génuflectent devant l’autel et vont directement se tenir dans le lieu où l’évangile est d’ordinaire chanté (donc face au Nord liturgique). Ils ne disent ni le Munda cor meum ni ne reçoivent la bénédiction du célébrant.
Les trois diacres chantent la Passion selon saint Matthieu presque jusqu’à la fin. Ils s’arrêtent après l’enterrement du Christ (27, 61). Ils quittent alors le sanctuaire.
La dernière partie de la Passion est alors chantée comme l’évangile de toute messe par le diacre de la messe. Après le départ des trois diacres passionnaires, le diacre, le sous-diacre & les acolytes accomplissent tous les rites qui précèdent habituellement la procession de l’évangile : le missel est placé à l’autel côté évangile, l’évangéliaire est placé sur l’autel, l’encens est imposé dans l’encensoir, le diacre dit le Munda cor meum, demande & reçoit la bénédiction du célébrant, puis la procession de l’évangile va à l’endroit où l’on chante celui-ci d’ordinaire, face au Nord liturgique. La seule différence avec la pratique ordinaire tient dans le fait que le diacre ne salue pas ici le peuple par le Dominus vobiscum habituel ni par le chant du titre, mais commence, après l’encensement ordinaire de l’évangéliaire, à chanter le récit là où les trois diacres passionnaires s’étaient interrompus. A la fin de l’évangile, comme à l’ordinaire, le célébrant reçoit et baise l’évangéliaire que lui apporte le sous-diacre puis est encensé par le diacre.
La pause entre la fin de la Passion et le début de cet évangile représente de façon dramatique l’étonnement de la création à la mort du Christ. L’évangile ensuite chanté par le diacre de la messe peut être cantilé sur les tons ordinaires de l’évangile mais le diacre peut employer aussi un ton spécial qui est un chef d’œuvre de la cantilène sacrée, caractérisé par une longue & triste vocalise de plainte au début de chaque verset. Ce ton spécial illustre magnifiquement les pleurs de l’Eglise sur la mort de son divin Maître.
Enfin, petit détail qui aura néanmoins son importance, les fidèles écoutent la Passion debout en tenant en leurs mains leurs rameaux.
Synopsis de la cérémonie dans la réforme de 1955
L’Asperges me, qui normalement précède toute messe solennelle dominicale durant l’année est désormais supprimé. De même, les prières au bas de l’autel sont supprimées, sous le prétexte qu’un autre rite a précédé la messe. Ce changement – qu’on retrouvera le Samedi Saint – sera entériné par le Code des rubriques de 1960 (préparé par la même Commission pour la Réforme liturgique comme on l’a vu en introduction) et appliqué à la Chandeleur & au Mercredi des Cendres.
Dans la réforme de 1955, le texte des Passions a été considérablement raccourci. Pour celle de saint Matthieu, chantée aux Rameaux, les 35 premiers versets ainsi que les 6 derniers versets ont été supprimés. Cette suppression a un effet extraordinaire : désormais, à aucun moment de l’année liturgique les fidèles ne peuvent entendre le récit de la dernière Cène et de l’institution de l’Eucharistie (et cela est resté tel dans le missel de 1962 !!!), ni non plus d’autres épisodes comme la préparation de la Cène, l’agonie au Jardin des Oliviers ou encore la trahison de Judas. Les 6 versets supprimés à la fin – la garde installée par Pilate devant la tombe de Jésus – n’a pas non plus de passages équivalents dans les autres évangiles.
La suppression du récit de l’institution de l’Eucharistie n’est guère compréhensible, d’autant que les archives de la Commission précisent qu’on ne touchera pas à la Passion en raison de son antiquité. Il semble bien que le seul motif n’ait finalement été que de gagner du temps en raccourcissant en ce jour la parole de Dieu de 41 versets, nonobstant les évènements fondamentaux qui y sont rapportés. Sur le plan théologique, il s’agit d’une vraie catastrophe symbolique :
Le rite particulier au chant de la Passion puis à celui de l’évangile de la messe a été presque entièrement éliminé. Les trois diacres sont conservés, mais les cérémonies profondément remaniées sans qu’une logique claire ne se dégage. Les trois diacres arrivent ensemble devant l’autel accompagnés de deux acolytes sans chandeliers où ils disent à voix basse, à genoux & inclinés le Munda cor meum, puis vont demander – à haute voix et non à voix basse – au célébrant sa bénédiction, lequel les bénit – nouveauté dans le rit romain – en disant à voix haute, en utilisant le Dominus sit in corde mis pour la première fois au pluriel. Les diacres vont ensuite faire la génuflexion devant l’autel, puis vont à leurs pupitres et commencent sans encenser. La dernière partie de la passion – qui revenait autrefois au diacre de la messe et servait d’évangile à celle-ci, recevant les cérémonies ordinaire de l’évangile – est purement supprimée, le magnifique ton spécial en guise de lamentation funèbre n’est donc plus entendu.
A chaque fois que les rubriques de 1955 mentionnent la Passion, elles précisent que celle-ci est chantée ou lue. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire du rit romain, on introduit la faculté de dire quelque chose au lieu de le chanter, même dans le contexte d’une messe pontificale ou d’une messe solennelle, ce qui autorise un mixage qui était jusqu’alors impossible dans le rit romain : dans une messe chantée, tout ce qui devait être chanté devait l’être, sinon le célébrant disait une messe basse.
De tous temps, dans les petites églises ne disposant pas du personnel nécessaire, la coutume existait, qu’à défaut d’un clergé suffisant, les ministres de la messe pouvaient assurer les fonctions des 3 diacres passionnaires, mais l’usage ne devait pas être considéré comme une pratique idéale ou normative. Désormais, la pratique est codifiée par les rubriques de la Semaine Sainte de 1955, qui précisent que lorsqu’il n’y a que deux diacres, la partie du Christ est remplie par le célébrant (quand bien même celui-ci aurait une voix de ténor & non de basse !) qui lui demeure à l’autel, au côté de l’évangile, sans quitter la chasuble, alors que les deux autres diacres chantent sur des pupitres in plano.
Les nouvelles rubriques oublient de préciser comment doivent être habillés les diacres pour chanter la Passion. Dans l’ancienne liturgie, ils étaient tous trois en aubes, amicts, cordons, manipules & étoles diaconales. Du fait que les dalmatiques sont désormais en usage dans la nouvelle Semaine Sainte, certains auteurs ont pensé qu’ils pouvaient être tous trois parés pour cette fonction.
Par ailleurs, les nouvelles rubriques interdisent aux fidèles de tenir leurs palmes à la main, contrairement à la pratique ancienne. On voit là une fois de plus la volonté claire & rationalisante de différencier d’un côté une procession triomphaliste au Christ-Roi et de l’autre une messe pénitentielle de la Passion, là où, à l’instar des Pères de l’Eglise et des autres rits d’Orient & d’Occident, la liturgie romaine ancienne mélangeait habilement les deux aspects du mystère célébré en ce jour. Du reste, on observe dans l’office divin du jour la même imbrication des deux thèmes. Dans l’ancien usage de Paris, remontant au haut Moyen-Age, on constatait une semblable imbrication, y compris même au cours de la procession des Rameaux : on y entremêlait des antiennes et des répons parlant tantôt de l’entrée du Christ à Jérusalem, tantôt de sa passion.
Dans le même ordre d’idée, afin sans doute de montrer qu’on juxtaposait désormais deux cérémonies qui se retrouvaient déconnectées, le nom de ce jour liturgique change dans les nouveaux livres de 1955 : de dimanche des Rameaux, il devient dimanche des Rameaux & second dimanche de la Passion.
Notons enfin quelques modifications mineures apportées à la messe.
Nous l’avons dit pour la bénédiction des palmes, le diacre et le sous-diacre usent pour la messe des Rameaux des dalmatique & tunique – vêtements de joie pour le rit romain – et non plus des vêtements propres aux temps de pénitence : chasubles pliées et, pour le diacre, étole large. La vénérable antiquité de cet usage complètement aboli ultérieurement nécessitera à lui seul l’écriture d’un article spécial sur ce blog qui paraîtra après cette série sur la Semaine Sainte. Notons qu’en 1955, l’usage des chasubles pliées restait obligatoire pour tous les autres jours du Carême, mais se voyait étrangement supprimé au cours de la Semaine Sainte réformée.
Autre modification d’apparence mineure pourtant appelée à des développements subséquents : les nouvelles rubriques suppriment partiellement le système des doublures pour la Semaine Sainte (nouvelle incohérence puisque celles-ci ne sont pas supprimées le restant de l’année, et ce encore en 1962) : le célébrant ne doit désormais plus lire à voix basse les lectures qui sont chantées par un diacre, un sous-diacre ou un lecteur ; en revanche, la rubrique ne supprime pas la doublure des parties chantées par le chœur (introït, Kyrie, Gloria, graduel, trait, Credo, offertoire & communion).
De même, pendant toute la Semaine Sainte, la rubrique précise que tout l’Orate fratres doit être dit à voix haute par le célébrant, alors que le restant de l’année, il continue à ne dire, comme antérieurement, que les deux seuls mots Orate fratres à haute voix, le reste étant poursuivi à voix basse.
Enfin, la rubrique supprime le dernier évangile de la messe, sans que cette suppression soit motivée. Là encore, nous voyons l’introduction d’une dérogation inhabituelle par rapport au restant de l’année, appelée, elle aussi a des développements ultérieurs…
Quelques premières conclusions
La solennité qui entourait la bénédiction des rameaux est sérieusement diminuée : une seule oraison remplace toute une bénédiction consécratoire qui se déroulait au maître-autel même, avec préface, Sanctus et bénédictions sous forme de “canon consécratoire”. Le plan de cette cérémonie qui se calquait sur celui de la messe (introït, épître, graduel, évangile, offertoire, préface, Sanctus, canon, distribution (non des saintes espèces mais des rameaux bénits) avec antienne de communion et envoi final) est remplacé par une structure dans laquelle les éléments sont juxtaposés sans qu’une logique d’ensemble puisse être découverte (chant d’entrée, une seule simple oraison de bénédiction, distribution, évangile).
La distinction des couleurs et la suppression de tout ce qui n’était pas triomphaliste dans la cérémonie des rameaux a généré l’impression de deux offices juxtaposés sans véritable lien ni rapports entre eux, alors qu’une harmonieuse fluidité d’ensemble parait d’avantage régir la cérémonie dans le rit de saint Pie V.
La rédaction des rubriques donne déjà une impression brouillonne, apportant de menues modifications qui étaient sans nécessité véritable, et surtout sans harmonie avec la logique habituelle du rit romain et la pratique ordinaire le restant de l’année. On verra cette impression corroborée par ce qui suivra dans les autres jours de la Semaine Sainte réformée.
“Sa terminologie mérite attention ; car un apologiste, patenté pour le reste, nous maintient ici dans l’obscurité. Jusqu’à présent on connaissait le dimanche de la Passion, le dimanche des Rameaux, les lundi, mardi et mercredi de la Semaine Sainte, le Jeudi Saint, in Coena Domini en latin, le Vendredi Saint, in Parasceve en latin et le Samedi Saint. Puisqu’on veut amplifier la solennité de la procession des Rameaux, pourquoi mettre ce dimanche en dépendance de la Passion ; et ne pas lui laisser son vieux nom de dimanche des Rameaux, que tout le monde comprend et qui ne trompe personne ?”
“Pour qualifier la procession des Rameaux, la fonction du vendredi saint et la veillée pascale, les pastoraux emploient l’adjectif solennel, tandis qu’ils s’en privent pour tout le reste. Or la solennité des fonctions liturgiques n’est pas une décoration facultative ; elle tient à la nature de la fonction ; elle résulte de tous ses éléments constitutifs, non seulement de quelques uns. Tous les manuels expliquent quelles sont les fonctions solennelles et les non-solennelles. En dehors de là une soit disant solennité n’est qu’un appât amplificatif, pour faire impression et mieux frapper au but. Il faut savoir que, par habitude assez récente, on fait un usage prodigieux du mot solennel, même pour des actes nécessairement solennels, inséparables de solennité. On se paye de mots en croyant mettre plus de solennité dans la procession des Rameaux que dans celle de la Chandeleur, plus de solennité dans la procession du jeudi saint que dans celle du vendredi (abolie comme nous verrons). Toujours sur la même pente, nous apprenons que la Passion du vendredi saint est chantée solennellement comme si elle pouvait l’être d’autre façon.”
“Pendant toute la semaine sainte, tous les textes chantés par le diacre, le sous-diacre et les chantres sont omis par le célébrant, qui n’a pas à les lire. Peu importe comment chantent les officiants (souvent mal), s’ils se font entendre et comprendre, si les haut-parleurs sont intelligibles. On doit écouter. Voilà une victoire ! On s’en délecte comme d’un retour à l’antiquité, d’un gage pour le futur, d’un avant goût des réformes à venir. Si cela peut intéresser les fidèles habitués à se servir d’un livre, qui, le nez dans leur paroissien, s’isolent de la communauté, sic ! On distingue la lecture seulement oculaire et la lecture labiale. Lire des lèvres ce qu’un autre chante ne se soutient pas. Mais la lecture oculaire peut se soutenir ; elle a un âge respectable ; elle a commencé par nécessité, continuée par utilité, abouti en marque de dignité ; elle fait partie de l’assistance pontificale du Pape et de l’Evêque.”
“Défense de tenir les palmes pendant le chant de la Passion. Au total, elles prétendent créer deux obligations pour deux nouveautés ; elles abolissent une pratique ancienne, qui trouve son explication dans saint Augustin (homélie à Matines avant les Rameaux) : “les rameaux de palmier sont des louanges signifiant la victoire, car le Seigneur était sur le point de vaincre la mort en mourant, et de triompher du diable par le trophée de sa croix.”
“Les pastoraux appellent le Christ Roi en renfort de leur solennelle procession des Rameaux ; comme si on les attendait pour perfectionner une situation à laquelle l’auteur du Gloria laus et honor a pourvu suffisamment, mais pas à leur manière. Certaines retouches à la tradition, qu’on invoque tant par ailleurs sont aussi mesquines qu’audacieuses.”
“L’aspersion de l’eau bénite est un rite pascal devenu dominical. Le Dimanche des Rameaux n’est pas moins dominical que les autres. Quand la Chandeleur arrive un Dimanche elle n’empêche pas l’aspersion. Celle-ci n’a jamais consisté à jeter de l’eau sur une table placée quelque part et portant rameaux et autres objets. Elle consiste à asperger l’autel , le célébrant, le clergé, l’église et les fidèles. Exception faite pour l’évêque, et sauf impossibilité, le lieu propre des bénédictions, comme de la consécration, est l’autel, ou encore son voisinage, comme par exemple la crédence.”
“Pendant des siècles la consécration des huiles se faisait à l’autel, avant de se faire sur une table comme aujourd’hui, et non in conspectu populi. Qu’est-ce que les pastoraux ont ici à montrer au peuple, eux qui de pléthorique qu’elle était, ont rendu squelettique la bénédictions des rameaux ? Une oraison, un signe de croix, un jet d’eau bénite et un encensement ; spectacle peu attrayant. Eux qui suppriment l’aspersion dominicale, véritable méfait liturgique, admettent volontiers que le célébrant parcours l’église pour asperger les rameaux tenus par les fidèles, puis refasse le même chemin pour les encenser.”
“Un pastoral professeur de séminaire suisse, proclame un jour que le rouge est la couleur du triomphe. On devait lui répondre : vous vous trompez beaucoup, tant que le blanc sera la couleur de Pâques, de l’Ascension, de la Fête-Dieu. Mais non aussitôt dit aussitôt fait ; la couleur pour les rameaux sera le rouge, le violet restant pour la messe. Tout le monde ne pense pas comme le professeur. Le rit romain employait le violet depuis qu’il s’en sert. Le rit parisien et celui de maints diocèses, employait le noir jusqu’au milieu du XIX siècle. Quelques rits employaient le rouge pour les rameaux et la messe. Les uns insistaient sur le deuil les autres sur le sacrifice sanglant. Mais chacun gardait la même couleur : personne n’eût jamais l’idée d’en changer. Car tout l’office du dimanche des rameaux est un mélange de pièces triomphales et passionnelles. Depuis matines jusqu’à vêpres incluses, y compris la messe, on trouve que le nombres de pièces passionnelles surpasse de peu celui des pièces triomphales. Quand deux choses sont ainsi mélangées, aucune séparation ne s’impose. Le professeur suisse a cru s’illustrer en imitant le raisonnable changement de couleur qui se fait à la chandeleur ; mais son pastiche n’est qu’une chétive succursale de la moderne fête du Christ Roi.”
“La distribution des rameaux, lisons-nous, se fait suivant la coutume. N’en déplaise aux pastoraux, avant la coutume, il y des règles à observer. Comme le célébrant, s’il n’est pas l’unique prêtre, reçoit les cendres et son cierge des mains du plus digne du clergé, ainsi doit-il recevoir son rameau. S’il ne le reçoit pas, il sera sans rameau à la procession. Là-dessus de graves rubricistes se sont demandés si les pastoraux voulait que le célébrant ne portât pas de rameaux à la procession, parce qu’il aurait représenté le Christ qui n’en portait pas. L’hypothèse, en tout logique, conduisait à faire monter le célébrant sur une ânesse. Heureusement la pastorale s’est reprise en consentant au rameau oublié.”
“Elle, qui réduit à sa plus simple expression la bénédiction des rameaux, ne s’est pas privé d’en allonger la distribution, attendu la surabondance des chants destinés à cette action. Tandis que la longueur de la bénédiction paraissait énorme, cette pléthore ajoutée est censée pouvoir ne pas suffire au besoin.”
“Le porteur normal de la croix de procession est le sous diacre, toutes les fois que le célébrant n’a pas besoin de lui, en portant le Saint Sacrement, ou pour les fonts baptismaux. Un sous-diacre supplémentaire en qualité de porte croix n’a de raison que si le sous-diacre est empêché comme ci-dessus.”
“Pendant deux semaines, la croix de l’autel reste voilée ; bien que voilée on l’encense, on la révère par génuflexion ou inclination profonde. Il est défendu de la dévoiler sous aucun prétexte. Au contraire la croix de procession, succédanée de la croix d’autel, se porte dévoilée à la procession ; au départ et au retour de celle-ci on voit deux croix, l’une voilée, l’autre dévoilée. Que peut-on y comprendre ?”
“Le désordre augmente au retour de la procession. Aller au devant d’un grand personnage, l’accompagner aux portes de la ville qui sont fermées, s’y arrêter pour le complimenter et l’acclamer, enfin ouvrir pompeusement les portes en son honneur, voilà qui a toujours été un des plus grands hommages possibles ; mais il ne convient pas au génie créateur des pastoraux.”
“On ne peut qualifier que de vandalisme le fait d’arracher le Gloria laus et honor de sa place à la porte de l’église, pour le mêler à tout le bagage musical processionnel presque triplé de longueur, car lésinerie et gaspillage du temps vont de pair. Donc point d’arrêt devant la porte, fermée puis ouverte ; la croix de procession dévoilée pour la magnifier, on la galvaude en lui refusant la vertu de faire ouvrir la porte. Tout cela en dépit du cérémonial ancien et moderne et puis avec quel profit ? Les rubriques pastorales affectionnent l’expression : rien n’empêche que, nihil impedit quominus. Ici elles s’en servent pour lâcher la bride aux fidèles qui pourront chanter l’hymne Christus vincit, ou autre chant en l’honneur du Christ Roi. Tolérance qui aura naturellement ses suites ; les fidèles dament le pion du clergé, ils ont le choix des chants et de langue ; s’ils chantent au Christ Roi, ils aimeront à chanter à sa mère qui est reine. Autant de désirs, de souhaits éminemment pastoraux.”
“La rubrique romaine disait : quand la procession entre dans l’église, on chante Ingrediente Domino, la rubrique pastorale dit : quand la procession entre dans l’église, au moment où le célébrant franchit la porte, on chante Ingrediente Domino. On ne fait nul cas de la porte au retour de la procession ; maintenant on guette le passage de la porte par le célébrant qui semble identifié avec le Christ entrant à Jérusalem.”
“Entre la procession et la messe on nous enrichit d’une oraison finale et récapitulative, avec des modalités défectueuses ; le célébrant n’a pas besoin de monter à l’autel, surtout en lui tournant le dos, exprès pour chanter une oraison et redescendre aussitôt. A-t-on jamais vu cela après les processions des rogations ? Enfin dans le cas présent, tenir le livre devant le célébrant appartient au diacre et sous-diacre, non à un clerc.”
“Autrefois on appelait Passion le chant évangélique de la Passion, et évangile la fin de la Passion chantée à la manière de l’Evangile. Aujourd’hui les deux parties réunies s’appellent histoire de la Passion, ou encore Evangile de la Passion et de la mort. Un tel progrès pastoral en vaut la peine ! Les chasubles pliées sont une des caractéristiques les plus anciennes du rite romain ; elles remontent au temps où tout le clergé portait la chasuble, et furent conservées […] pour la plus austère pénitence. Leur abandon fait mentir les peintures des catacombes : c’est une perte immense, un outrage à l’histoire et, à […] tors, dit-on, on aurait donné cette explication proportionnée au méfait : on ne trouve pas facilement des chasubles pliées. Or c’est juste le contraire : on trouve partout des chasubles violettes, qui peuvent se plier, tandis que les dalmatiques violettes sont beaucoup moins répandues. En outre on a toujours la ressource de servir en aube.”
“Les pastoraux aiment retrancher quelque chose au début ou à la fin de la messe. Leurs coupures outre le peu d’instants qu’elles font gagner, sont plutôt insignifiantes, mais surtout elles leur servent de tremplin pour de nouveaux bonds sur leur voie réformatrice. Ainsi donc ni le psaume Judica me, ni confession avant la messe des Rameaux et du samedi saint, parce que précédée d’une autre cérémonie ; mais on voudra autant pour la messe de la Chandeleur, des Cendres, une messe de mariage, de funérailles, une messe précédée de communion. Du début passons à la fin. Aux Rameaux, aux Jeudi et Samedi saints, l’indésirable dernier Evangile est omis ; parfait, mais en vertu de quel principe ? Au Jeudi Saint la bénédiction est omise, parce que la cérémonie n’est pas achevée ; on voudra faire autant pour la Fête Dieu, et chaque messe suivie d’une procession du Saint Sacrement.”
“Lorsque s’introduit l’usage de faire chanter la Passion dialoguée par trois diacres supplémentaires, plutôt en forme de leçon qu’en forme d’Evangile, on réservera la fin de la Passion pour être chantée, sous forme d’Evangile, par le diacre du célébrant, afin de ne pas tomber dans l’absurdité du diacre qui ne chante pas l’Evangile. Les trois diacres commençaient et terminaient la Passion sans cérémonies, comme aux leçons ; le seul diacre au contraire faisait les cérémonies habituelles de l’Evangile. Cela tenait debout, venait de la chapelle papale. Ainsi le diacre est évincé par les trois de la Passion, laquelle ne fait plus qu’un avec l’Evangile ; le Munda cor meum et la bénédiction d’avant l’Evangile passent avant la Passion ; encensement du livre, baiser du livre, encensement du célébrant disparaissent. Ces trois gestes succombent à la mentalité pastorale ; car pour elle il n’y a pas d’Evangile, il y a seulement une histoire, histoire de la Passion ; or à défaut d’Evangile, il n’y a pas d’évangéliaire ; par conséquent on n’encense pas le livre d’histoire, on ne le fait pas baiser, on n’encense pas celui qui ne l’a pas baisé.”
“Continuons à glaner. Les livres de la passion-évangile viennent comme ils peuvent ; on n’en parlera que le vendredi saint. Les pastoraux ignorent comment se porte l’évangéliaire ; pourquoi il doit y avoir trois acolytes d’accompagnement, au lieu de deux ; que le diacre agenouillé pour dire le Munda cor meum n’a pas à s’incliner ; ils nous répètent à satiété que la passion-évangile est chantée ou lue. Du reste toutes leurs rubriques sont rédigées de manière à faire croire que, à volonté, on peut lire dans un office chanté ou chanter dans un office lu, on peut choisir ce qu’on veut chanter et laisser ce qu’on ne veut pas, on peut faire des offices à moitié chantés, à moitié lus, on peut amalgamer chant et lecture. Tel est un des fléaux redoutables en ce moment, avec celui de la langue vulgaire. Il n’est pas très nouveau et reçut même un appui par les décisions prise ces dernières années, que dans les ordinations chantées, l’évêque ordinant interrompe le chant des préfaces pour dire sans chanter les paroles essentielles ; car, paraît-il, le chant nuit à l’attention requise.”
“La Passion selon les quatre évangélistes englobait l’institution de l’Eucharistie, tant parce qu’elle y sert d’introduction, tant parce qu’elle ne peut trouver sa meilleure place que dans la messe. Les pastoraux pressés quand ils veulent, pensent autrement, ils expulsent l’institution de l’Eucharistie. Celle-ci par conséquent, est toute l’année exclue de la liturgie dans l’Eglise romaine, sans doute pour la meilleure instruction des fidèles.”
Présentation générale
1ère partie – Le dimanche des Rameaux
2nde partie – Les Lundi Saint, Mardi Saint & du Mercredi Saint
3ème partie – L’office des Ténèbres
4ème partie – Les autres heures de l’office divin durant le Triduum
5ème partie – La messe du Jeudi Saint & le Mandatum
6ème partie – La messe des Présanctifiés le Vendredi Saint
7ème partie – La vigile pascale
8ème partie – L’office divin du jour de Pâques
9ème partie – Les horaires des offices durant la Semaine Sainte
10ème partie – Les lectures bibliques de la Semaine Sainte
11ème partie – La Vigile de la Pentecôte
12ème partie – La réforme de 1955 & la réforme post-conciliaire – Conclusions générales
Merci de votre excellent travail. Vous ne parlez pas du respect des cultures pourtant exigé par “Gaudium et spes”. Or tout le travail des “pastoraux”, comme vous les appelez, tend à s’imposer sans égard pour les cultures, alors qu’il n’ont aucun titre à imposer leur travail.
Selon moi et sauf erreur, les prêtres et les fidèles sont bien libres de prier comme ils l’entendent (dans le respect des rubriques éditées par l’Église).
Le mystère de la croix et de la rédemption peut être approfondi grâce à la liturgie de la Semaine sainte et la vénérable liturgie irréformable d’avant 1955 continue de vivre et de nourrir les âmes, cela découle du droit des fidèles et aucun “pastoral” ne peut légitimement y toucher. L’Église ne peut condamner l’Église.
Un grand merci pour cette synthèse tout à fait passionnante, et en même temps un peu désolante au regard de la perte immense que représente cette réforme.
Chaque oraison et bénédiction est un petit joyau. C’est, par exemple, à la lecture d’une de ces oraisons (qui dit: “ita nos portantes palmas, et ramos olivarum, bonis actibus occuramus obviam Christo: et per ipsum in gaudium introeamus aeternum”) que j’ai eu l’idée de placer à la mort de ma grand mère un petit morceau de rameau dans ses mains au moment de la mise en bière; l’image était suggérée par l’oraison et je la trouve très belle.
Encore un grand merci pour ce travail bien documenté, et vivement la suite!
Merci Théophile !
En effet, c’est un très beau geste, que je reprendrai volontiers si l’occasion se présente.
Dans les usages de mon pays d’origine, le rameau béni est utilisé par la famille & les amis lors de la veillée funèbre pour asperger le défunt d’eau bénite le corps du défunt au cours des prières qui ont lieu pour lui.
Responsable d’aumonerie dans un collège à Bayonne, nous sommes entrain d’organiser un ‘temps fort’ pour des élèves légèrement étrangers à l’Eglise. L’organisation de ces hauts moments spirituels est toujours un challenge …en ce moment, on essaye de scénariser la semaine sainte avec l’espoir d’un succès toujours relatif….La richesse de votre présentation me permet de puiser dans le patrimoine de la liturgie de l’Eglise des idées extraoridnairement originales et porteuse de sens…. nous allons reprendre le gloria, las et honor, le poème de Narsay, le rite d’ouverture des portes, le …brefs des mots et des symboles qui ont fait leur preuve….
RT @henri75002: La réforme de la Semaine Sainte de 1955 – Le dimanche des Rameaux | Liturgia http://t.co/K9aMePI3
Je me souviens d’une longue discussion sur ce tableau de Corneille et de la couleur bleue des ornements. Magnifique !
je m’en souviens aussi!!
Aura t on la suite cette année? #roulementdetambours
Très bonne synthèse. Une remarque cependant : Paris ne connaissait pas le “marron avec orfrois rouges pour symboliser le sang versé sur le bois de la croix”. Au temps de la Passion, on utilisait le noir. Ou, pour ceux qui en possédaient, des ornements, soit de couleur brune (tout court…), soit noirs avec des orfrois rouges. “At qui fusca [ornamenta habent] sive qui nigra cum orifrygiis rubeis, haec apponant in Officiis italico pariter charactere in articulo de nigro signatis”, c’est à dire des vêpres du samedi avant le dimanche de la Passion jusqu’à la Vigile pascale après les Heures ; ainsi qu’a la récitation des Sept Psaumes le mercredi “in capite Jejunii (des Cendres).
Merci Monsieur l’Abbé,
C’est corrigé. Comme le Cæremoniale Parisiense de 1662 ne mentionne que le noir pour la Semaine Sainte (sauf la messe et les vêpres du Jeudi Saint en rouge), je simplifie le propos en ne retenant que cette couleur, qui parait primitive à Paris.
Je découvre juste cette discussion très intéressante ! Le cérémonial de Sonnet n’évoque en effet que le noir sans plus de précisions mais les ornements bruns ou noirs orfrayés de rouges me paraissent plus anciens. Il existe ainsi une version numérisée d’un missel parisien édité en 1497 (https://archive.org/details/OEXV162) qui porte la rubrique suivante introduisant l’arrivée de la Croix le chant des Impropères le Vendredi Saint : “Finitis orationibus, duo presbyteri, nudis plantis, induti cappis FUSCIS, post tergum Crucis, dicant hunc”. Quant aux ornements noirs à orfroi rouge, le fameux tableau anonyme dit de “la messe de saint Gilles” (https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f5/Messe_de_Saint-Gilles_Londres.jpg/260px-Messe_de_Saint-Gilles_Londres.jpg), peint vers 1500, n’en montrerait-il pas un superbe exemple ? A mon avis, le cérémonial du cardinal de Noailles ne fait sur ce point que préciser dans quelles circonstances on peut utiliser ces ornements que la pratique connait alors déjà.
Merci pour votre travail sur la Réforme de 1955 !
En ce qui concerne la table sur laquelle la bénédiction des Rameaux est faite versus populum, ne peut-on pas dire que l’usage d’une table pour consacrer les Saintes Huiles à la messe chrismale représente un précédent ?