A partir du XVIIIème siècle, la société des Missions Etrangères de Paris développa une émouvante cérémonie du Départ des missionnaires : l’adieu à ceux qui partaient pour l’Extrême-Orient comportait diverses prières (le Magnificat pour rendre grâce pour la vocation sacerdotale et l’appel pour la mission, l’Ave maris stella pour placer leur périple sous la protection de la Vierge), mais son aspect le plus frappant fut le baiser des pieds des missionnaires : ceux-ci, placés sur le marchepied de l’autel, voyaient l’évêque qui leur avait donné sa bénédiction leur donner l’accolade et embrasser leurs pieds, suivi des directeurs de séminaire, des professeurs, séminaristes, aspirants, amis & famille.
Quel était la raison de ce baiser des pieds de ceux qui partaient annoncer le Christ aux extrémités de la Terre ? Il s’agissait de rendre compte concrètement de la citation du prophète Isaïe (LII, 7) faite par saint Paul lui-même dans son Epître aux Romains (X, 15) :
Quomodo vero praedicabunt nisi mittantur ? sicut scriptum est : Quam speciosi pedes evangelizantium pacem, evangelizantium bona !
Et comment leur prêcheront-ils, s’ils ne sont envoyés ? selon ce qui est écrit : “Combien sont beaux les pieds de ceux qui annoncent l’Évangile de paix, de ceux qui annoncent les biens !”
Le côté poignant de ces adieux – souvent définitifs, la société comportant un grand nombre de martyrs – fut accentué à partir de 1852 par le chant d’un cantique composé spécialement par Charles Gounod (1818 † 1893), maître de chapelle des Missions Etrangères de Paris. Le texte fut rédigé par Mgr Charles Dallet (1829 † 1878), missionnaire apostolique des Missions Etrangères de Paris, qui fut vicaire apostolique à Bangalore aux Indes à partir de 1857. Le cantique du Départ des missionnaires connut un très grand succès et devint un élément incontournable de la cérémonie, il marqua des générations de missionnaires jusqu’aux réformes des années 1960.
Voici les texte de Mgr Dallet :
1. Partez, hérauts de la bonne nouvelle,
Voici le jour appelé par vos vœux ;
Rien désormais n’enchaîne votre zèle,
Partez, amis, que vous êtes heureux !
Oh ! qu’ils sont beaux vos pieds, missionnaires !
Nous les baisons avec un saint transport,
Oh ! qu’ils sont beaux sur ces lointaines terres
Où règnent l’erreur et la mort !
℟. Partez, amis, adieu pour cette vie,
Portez au loin le nom de notre Dieu ;
Nous nous retrouverons un jour dans la patrie,
Adieu, frères, adieu !
2. Hâtez vos pas vers ces peuples immenses ;
Ils sont plongés dans une froide nuit, sans vérité, sans Dieu, sans espérances ;
Infortunés ! l’enfer les engloutit.
Soldats du Christ ! soumettez-lui la terre,
Que tous les lieux entendent votre voix,
Portez partout la divine lumière,
Partout l’étendard de la croix !
3. Bientôt, bientôt nous courrons sur vos traces,
Cherchant partout une âme à convertir ;
Nous franchirons ces immenses espaces,
Et nous irons tous prêcher et mourir.
Oh ! le beau jour, quand le Roi des Apôtres
Viendra combler le désir de nos cœurs,
Récompenser vos travaux et les nôtres
Et nous proclamer tous vainqueurs.
4. En nous quittant vous demeurez nos frères,
Pensez à nous, devant Dieu, chaque jour ;
Restons unis par de saintes prières,
Restons unis dans son divin amour,
O Dieu Jésus ! notre roi, notre maître,
Protégez-nous, veillez sur notre sort,
A vous nos cœurs, notre sang, tout notre être,
A vous, à la vie, à la mort.