“Secúndum legem Móysi, tulérunt Jesum in Jerusalem, ut sísterent eum Dómino.”
Luc II, 22
La bénédiction des relevailles est aujourd’hui très négligée en France (je ne l’ai vue qu’une seule fois pratiquée à Saint-Eugène par Mgr Batut). Pourtant, il s’agit d’un rite d’une simple mais grande beauté, qui célèbre le don de la vie, le don de l’enfant et la beauté de la maternité. Face aux développements de la culture de mort dans notre pays, ce rite très ancien dans l’Eglise, pratiqué également depuis les origines chrétiennes dans les Eglises orientales, gagnerait à être de nouveau célébré et promu dans nos familles. C’est en effet une “bénédiction” que de donner la vie, et la mère mérite d’être bénie et célébrée après l’épreuve de la grossesse et de l’accouchement, et pour la fortifier dans l’exercice de sa maternité qui devra accompagner l’éducation de son enfant.
Traditionnellement, la bénédiction des relevailles a lieu 40 jours après la naissance de l’enfant, à l’imitation de la Sainte Vierge venue au Temple de Jérusalem pour la cérémonie de la purification selon la loi de Moïse et la présentation de l’Enfant Jésus (cf. Lévitique XII et Luc II, 22-24) :
Et le temps de la purification de Marie étant accompli, selon la loi de Moïse, ils le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon qu’il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout enfant mâle premier-né sera consacré au Seigneur ; et pour donner ce qui devait être offert en sacrifice, selon qu’il est écrit dans la loi du Seigneur, deux tourterelles, ou deux petits de colombe.
La mère tient un cierge allumé pendant toute la cérémonie, cierge qui rappelle ceux de la fête de la chandeleur. Le prêtre va la chercher à la porte de l’église et l’y introduit après avoir chanté le psaume XXIII, psaume de majesté et de gloire. L’usage de ce psaume rappelle l’entrée solennelle du Christ à Jérusalem et est utilisé traditionnellement pour l’entrée dans l’église à l’issue de la procession des Rameaux.
Voici la bénédiction des relevailles du Rituale Romanum, titre VII, chapitre 3.
De benedictione mulieris post partum. |
Bénédiction des femmes après qu’elles aient enfanté. |
Si qua puerpera post partum, juxta piam ac laudabilem consuetudinem, ad Ecclesiam venire voluerit, pro incolumitate sua Deo gratias actura, petieritque a Sacerdote benedicti-onem, ipse superpelleceo et stola alba indutus, cum ministro aspersorium deferente, ad fores ecclesiæ accedat, ubi illam foris ad limina genuflectentem et candelam accensam in manu tenentem, aqua benedicta aspergat, deinde dicat : | Si quelque mère ayant enfanté souhaite, selon la pieuse et louable coutume, venir à l’Eglise rendre grâce à Dieu de son heureuse délivrance, et demande la bénédiction du prêtre, celui-ci, revêtu d’un surplis et d’une étole blanche, accompagné d’un ministre qui porte l’aspersoir, va aux portes de l’église où elle l’attend à genoux, ayant en main un cierge allumé, il l’asperge d’eau bénite et dit ensuite : |
℣. Adjutórium nostrum in nómine Dómini. | ℣. Notre secours est dans le Nom du Seigneur. |
℟. Qui fecit cælum et terram. | ℟. Lui qui fit ciel et terre. |
Antiphona. Hæc accípiet benedicti-ónem a Dómino. | Antienne. C’est celle-là qui recevra du Seigneur la bénédiction. |
Psalmus XXIII. | Psaume XXIII. |
Dómini est terra, et plenitúdo ejus ; * orbis terrárum, et univérsi, qui hábitant in eo. | Au Seigneur appartient la terre, et tout ce qu’elle contient, toute la terre et tous ceux qui l’habitent. |
Quia ipse super mária fundávit eum : * et super flúmina præparávit eum. | Car c’est lui qui l’a fondée au-dessus des mers, et établie au-dessus des fleuves. |
Quis ascéndet in montem Dómini, * aut quis stabit in loco sancto ejus ? | Qui est-ce qui montera sur la montagne du Seigneur ? ou qui s’arrêtera dans son lieu saint ? |
Innocens mánibus, et mundo corde, * qui non accépit in vano ánimam suam, nec jurávit in dolo próximo suo. | Celui dont les mains sont innocentes et le cœur pur ; qui n’a point pris son âme en vain, ni fait un serment faux à son prochain. |
Hic accípiet benedictiónem a Dómino : * et misericórdiam a Deo salutári suo. | C’est celui-là qui recevra du Seigneur la bénédiction, et miséricorde de Dieu, son Sauveur. |
Hæc est generátio quæréntium eum, * quæréntium fáciem Dei Jacob. | Telle est la race de ceux qui le cherchent, de ceux qui cherchent à voir la face du Dieu de Jacob. |
Attóllite portas, príncipes, vestras, et elevámini portæ æternáles : * et introíbit Rex glóriæ. | Levez vos portes, ô princes ! et vous, portes éternelles, levez-vous, afin de laisser entrer le Roi de gloire. |
Quis est iste Rex glóriæ ? * Dóminus fortis, et potens ; Dóminus potens in prœlio. | Qui est ce Roi de gloire ? Le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant dans les combats. |
Attóllite portas, príncipes, vestras, et elevámini portæ æternáles : * et introíbit Rex glóriæ. | Levez vos portes, ô princes ! et vous, portes éternelles, levez-vous, afin de laisser entrer le Roi de gloire. |
Quis est iste Rex gloriæ ? * Dóminus virtútum, ipse est Rex gloriæ. | Qui est ce Roi de gloire ? Le Seigneur des armées est lui-même ce Roi de gloire. |
Glória Patri, et Fílio, * et Spirítui Sancto. | Gloire au Père, et au Fils, et au Saint Esprit. |
Sicut erat in princípio, et nunc, et semper, * et in sæcula sæculórum. Amen. | Comme il était au commentcement, et maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen. |
Antiphona. Hæc accípiet benedictiónem a Dómino, et miseri-córdiam a Deo salútari suo : quia hæc est generátio quæréntium Dóminum. | Antienne. C’est celle-là qui recevra du Seigneur la bénédiction, et miséri-corde de Dieu, son Sauveur, car telle est la race de ceux qui le cherchent. |
Deinde, porrigens ad manum mulieris extremam partem stolæ, ex humero sinistro pendentem, eam introducit in ecclesiam, dicens : | Ensuite, plaçant l’extrémité de son étole, laquelle pend de son épaule gauche, sur la main de la femme, il l’introduit dans l’église en disant : |
Ingrédere in templum Dei, adóra Fílium beátæ Maríæ Vírginis, qui tibi fecunditátem tríbuit prolis. | Entre dans le temple de Dieu, adore le Fils de la bienheureuse Vierge Marie, qui t’a donné la fécondité d’être mère. |
Et ipsa, ingressa, genuflectit coram Altari et orat, gratias agens Deo de beneficiis sibi collatis ; tunc Sacerdos dicit : | Et elle, étant entrée, va s’agenouiller devant l’autel et prie, rendant grâces à Dieu des bienfaits qu’il lui a accordés ; alors le prêtre dit : |
Kýrie, éleison. Christe, éleison. Kýrie, éleison. | Seigneur, ayez pitié. Christ, ayez pitié. Seigneur, ayez pitié. |
Pater noster. | Notre Père. |
secreto usque ad | En secret jusqu’à |
℣. Et ne nos indúcas in tentatiónem. | ℣. Et ne nous laissez pas succomber à la tentation. |
℟. Sed líbera nos a malo. | ℟. Mais délivrez-nous du mal. |
℣. Salvam fac ancíllam tuam, Dómine. | ℣. Sauvez votre servante, Seigneur. |
℟. Deus meus, sperántem in te. | ℟. Mon Dieu, elle espère en vous. |
℣. Mitte ei, Dómine, auxílium de sancto. | ℣. Envoyez-lui, Seigneur, votre aide depuis votre sanctuaire. |
℟. Et de Sion tuére eam. | ℟. Et de Sion, protègez-la. |
℣. Nihil profíciat inimícus in ea. | ℣. Que l’ennemi n’ait aucune prise sur elle. |
℟. Et fílius iniquitátis non appónat nocére ei. | ℟. Et que le fils d’iniquité n’ose point lui nuir. |
℣. Dómine exáudi oratiónem meam. | ℣. Seigneur, exaucez ma prière. |
℟. Et clamor meus ad te véniat. | ℟. Et que mon cri parvienne jusqu’à vous. |
℣. Dóminus vobíscum. | ℣. Le Seigneur soit avec vous. |
℟. Et cum spíritu tuo. | ℟. Et avec ton esprit. |
Orémus. | Prions. |
Omnípotens sempitérne Deus, qui per beátæ Maríæ Vírginis partum fidélium pariéntium dolóres in gáudium vertísti: réspice propítius super hanc fámulam tuam, ad templum sanctum tuum pro gratiárum actióne lætam accedéntem, et præsta; ut post hanc vitam, ejúsdem beátæ Maríæ méritis et intercessióne, ad ætérnæ beatitúdinis gáudia cum prole sua perveníre mereátur. Per Christum Dóminum nostrum. | Dieu éternel & tout-puissant, qui par la maternité de la bienheureuse Vierge Marie avez changé en joie les douleurs des fidèles qui deviennent mères : jetez un regard de bonté sur votre servante, qui, pleine de joie, vient dans votre saint temple pour rendre grâces ; faites qu’après cette vie, par les mérites et l’intercession de la bienheureuse Marie, elle obtienne, ainsi que son enfant, la joie de la béatitude éternelle. Par le Christ notre Seigneur. |
℟. Amen. | ℟. Amen. |
Deinde illam aspergit iterum aqua benedicta, dicens : | Ensuite il l’asperge à nouveau d’eau bénite, en disant : |
Pax et benedíctio Dei omnipoténtis, Patris, et Fílii, † et Spíritus Sancti, descéndat super te, et máneat semper. | Que la paix & la bénédiction de Dieu tout-puissant, Père, & Fils, † & Saint-Esprit, descende sur toi et toujours y demeure. |
℟. Amen. | ℟. Amen. |
Même si le Rituale Romanum ne le précise pas, il est d’usage que le prêtre célèbre ensuite la sainte messe pour la mère, qui y assiste.
Certains rituels médiévaux prévoyaient que la bénédiction des relevailles puisse être pontificale. Voici la rubrique de l’ancien pontifical d’Evreux :
Primo induat se episcopus more duplicis festi in loco sibi praeparato, et impositis capa cum mitra acceptoque baculo pastorali procedat ad ostium ecclesiae, praecedentibus ipsum aqua benedicta et duobus ceroferariis. | L’évêque s’habille d’abord comme au fêtes doubles à un lieu approprié, et ayant reçu la chape avec la mitre, et la crosse, il va à la porte de l’église, précédé d’un ministre portant l’eau bénite et de deux céroféraires. |
On a discuté du fait que la bénédiction de la mère puisse être faite même si l’enfant était mort en couche, sans avoir reçu le baptême (ce qui de fait s’est pratiqué : les rituels diocésains indiquaient qu’il fallait alors omettre les paroles cum prole sua dans l’oraison). Dans certaines provinces françaises, on pu a également pratiquer autrefois de curieuses relevailles par procuration, lorsque la mère était morte en couches.
Quelques coutumes françaises
Dans les anciens rituels diocésains français, le prêtre posait le bout de son étole sur la tête de la mère et lisait alors l’évangile de Luc de la messe de la Purification (Luc II, 22-32), comme on peut le voir sur le tableau des relevailles de la duchesse de Berry en haut de cet article, ou encore sur cette gravure des relevailles en Bretagne (O. Perrin, Galerie des mœurs, usages et costumes des Bretons de l’Armorique, Paris, 1808) :
La mère tient son cierge devant le prêtre assisté du bedeau, la sage femme, agenouillée derrière elle, tient son enfant. Un pauvre espère l’aumône que la mère ne manquera pas de lui donner.
Assez souvent, les hommes de la famille étaient exclus de la cérémonie des relevailles, à laquelle ne participait que la mère, la sage-femme et la marraine de l’enfant. Dans certaines régions, l’assistance était élargie, mais restait en général féminine : parentes et amies de l’accouchée, toutes étaient là pour participer à cet heureux événement. La sage-femme et la marraine se rendaient au matin chez l’accouchée pour l’accompagner à l’église. En Provence, le petit cortège qu’elles formaient avait son rituel : l’accoucheuse portait l’enfant en faisant reposer la tête de celui-ci sur son bras droit. La mère marchait du côté de la tête de son enfant. La marraine, elle, se plaçait du côté des pieds du nouveau-né. Suivaient ensuite les autres femmes, par ordre de parenté.
Dans beaucoup de région, la mère portait un pain (confectionné la veille), qui était béni après la messe, pour être consommé au cours du grand festin que donnait ensuite la famille (le terme de relevailles en français du XVIIème siècle désigne aussi bien le banquet familial que la cérémonie elle-même.
Souhaitons que cette belle cérémonie qui célèbre la mère ayant donné la vie soit de nouveau largement pratiquée dans notre pays.