1. Plebs pística, prome laudes, Redemptóri cujus gaudes Hábitu digníssimi. |
A ton Sauveur, peuple fidèle, Chante une louange éternelle Pour son vêtement précieux. |
2. Fide firma per quem audes Hostíles víncere fraudes Agréssu tutíssimo |
Tous les démons tu pourrais vaincre Si la foi te pouvait convaincre Que c’est l’habit du Roi des Cieux. |
3. Vestis hæc est manuále Matris opus virginále, Actum sine súttura. |
C’est la Tunique sans couture Que la Vierge, Mère très pure, A faite de ses propres mains. |
4. Corpus tegit filiále, Donec débitum mortále Ferre pro creátura. |
Son Fils en couvrit sa chair tendre Jusqu’au jour qu’on lui fit répandre Le sang qui sauva les humains. |
5. O mirándum vestiméntum, Cujus actas dat augméntum Ab ejus infántia. |
O vêtement inestimable Qui d’une manière ineffable Croissait autant que le Sauveur. |
6. Simul sumunt increméntum, Nullum vestis nocuméntum Gerens, labis néscia. |
Il s’en est servi sans le rompre, Et les temps ne l’ont pu corrompre Depuis cette insigne faveur. |
7. Hanc Judæi rapuérunt Et sortem super misérunt Noléntes pártiri. |
Les soldats prirent ce saint gage, Et n’en firent aucun partage, Mais ils le jetèrent au sort. |
8. Nam, quod vates prædixérunt, Hæc ignári perduxérunt Efféctum sórtiri. |
Sans le savoir ils accomplirent Ce que les Prophètes prédirent De ce Dieu qu’ils mettraient à mort. |
9. Quam ab oris gentílium Imperátor fidélium Karólus extráxit, |
Charlemagne enfin le retire Des lieux où sous un dur empire Gémit à présent le chrétien. |
10. Regno gestánte lílium Per virtútis auxílium Hæc famam protráxit. |
Pour lors, cet habit dans la France Fit connaître par sa puissance Qu’il en est le plus fort soutien. |
11. Ab argénto sumpsit nomen Oppidum, quo dedit numen Sacram collocári, |
Argenteuil est l’heureuse ville Où Dieu, comme dans un asile, Veut que l’on garde ce trésor. |
12. Ubi gratis dat juvámen Christicólis hoc velámen, Dignum decorári. |
Là les chrétiens dans leur misères Reçoivent des biens salutaires, Beaucoup plus précieux que l’or. |
13. Guérrarum per interválla Vestis muro latens illa Stat nullo sciénte. |
Mais pendant une longue guerre Dans le sein d’un mur on le serre Et le temps le met en oubli. |
14. Unde fulgent mirácula, Monachórum orácula Angelo ducénte. |
Ensuite on y voit des miracles, Un saint moine entend des oracles, Et l’y retrouve enseveli. |
15. O quam certa probátio, Indiscréta devótio Milíti frangénti, |
La preuve de cette merveille Est l’imprudence sans pareille D’un soldat tout prêt d’en couper. |
16. Cui vitæ sedátio Fuit & restaurátio Reátum lugénti. |
Pour sa faute un grand mal l’afflige ; Il s’en repent à ce prodige, Et Dieu cesse de le frapper. |
17. Vt fore Christi túnicam, Quam mater egit únicam, Fidélis confídat, |
Ainsi sans douter de l’histoire, Croyons que la Reine de gloire A fait cette Robe à son Fils. |
18. Gratiárum mirifícam Et nostræ precis amícam Hanc nullus diffídat. |
Que nul chrétien ne s’en défende, Mais que plutôt il en attende Des faveurs qui n’ont point de prix. |
19. Quam coléntes post mortálem Stolam Christus immortálem Det ferre núptiis. |
Afin que sa robe mortelle Lui soit changée en immortelle Aux noces du céleste Epoux, |
20. Perdúcens ad triumphálem Collætántes Hierusalém Summis delíciis. Amen. |
Où le conduisant qu’il lui donne Une triomphante couronne Et part aux plaisirs les plus doux. Amen. |
Cette prose fait partie de la messe votive de la Sainte Tunique, qui fit son entrée dans le Missale Parisiensis Ecclesiæ de l’an 1505 sous l’épiscopat d’Etienne Poncher, et y resta environ un siècle avant de disparaître dans l’édition de 1602 d’Henry de Gondy. Cette messe de la Sainte Tunique – avec sa séquence – continua toutefois de rester en usage dans le monastère d’Argenteuil qui conservait la précieuse relique de Notre Seigneur. La traduction française versifiée ci-dessus est l’œuvre d’un mauriste de cette abbaye au XVIIIème siècle.
Si le texte de cette séquence est connue par différents missels, sa musique en est probablement hélas perdue (nous n’avons pas repéré de graduel parisien suffisamment complet du XVIème siècle qui contienne la musique de cette messe votive ; la destruction du monastère d’Argenteuil sous la révolution a dispersé ses archives ; les archives musicales de la paroisse d’Argenteuil ne la conservent pas). Pour pouvoir la rechanter à l’occasion de l’ostension extraordinaire qui eut lieu cette année 2016 à Argenteuil, nous avons simplement adapté et centonisé les mélodies de proses parisiennes similaires composées par Adam de Saint-Victor (à noter que la construction prosodique de la séquence de la Sainte Tunique est originale, aussi sa musique originelle devait-elle être propre et non modulée sur un modèle préexistant, comme le Lauda Sion est modulé sur le Laudes Crucis attollamus d’Adam de Saint-Victor). Comme plusieurs personnes l’ayant entendue à Argenteuil nous ont demandé cette musique, nous mettons cette prose Plebs pistica prome laudes en ligne ce jour.
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