La prose Profitentes Unitatem était utilisée par l’Eglise de Paris pour le dimanche de la Très-Sainte Trinité, jour octave de la Pentecôte. Sa composition est due au fameux hymnographe Adam de Saint-Victor, le prince des poètes médiévaux, qui fut pré-chantre de la cathédrale de Paris avant de se retirer en l’Abbaye de Saint-Victor, où il mourut vers 1148.
Voici ci-après le chant de la prose Profitentes Vnitatem restitué par nous d’après les anciens missels parisiens médiévaux. Ce chant est directement issu du plain-chant de l’Alleluia Verbo Domini cœli firmati sunt, du VIIIème ton, qui était employé par le rit parisien pour la fête de la Très-Sainte Trinité. Cette composition d’Adam de Saint-Victor a sans doute remplacé la vieille prose du IXème siècle Benedicta semper sancta sit Trinitas (que certains manuscrits parisiens gardent comme prose alternative pour la messe de la Trinité – cette dernière prose en revanche est modulée sur l’Alleluia Benedictus es, qui est dans les livres romains).
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Texte & traduction par dom Guéranger :
Profiténtes Vnitátem Venerémur Trinitátem Pari reveréntia. |
Confessons l’Unité divine, Vénérons la Trinité D’un culte pareil : |
Tres Persónas asseréntes Personáli differéntes A se differéntia. |
Reconnaissant trois personnes Que distingue Une personnelle différence. |
Hæc dicúntur relatíve, Cum sint unum substantíve, Non tria princípia. |
Elles reçoivent leur nom de leur relation, Etant un substantivement, Et non trois principes. |
Sive dicas tres, vel tria : Simplex tamen est usía, Non triplex esséntia. |
En employant pour elles le nombre de trois, Tu dois reconnaître que leur nature est simple, Que leur essence n’est pas triple. |
Simplex esse, simplex posse, Simplex velle, simplex nosse, Cuncta sunt simplícia. |
Etre simple, pouvoir simple, Vouloir simple, savoir simple, Tout y est simple ; |
Non uníus quam duárum Sive trium personárum Minor efficácia. |
La puissance d’une des personnes N’est pas moindre que ne l’est Celle de deux, ni celle de trois. |
Pater, Proles, Sacrum Flamen, Deus unus : sed hi tamen Habent quædam própria. |
Le Père, le Fils, l’Esprit Saint, Un seul Dieu ; mais chacun Possède ce qui lui est propre. |
Una virtus, unum numen : Unus splendor, unum lumen : Hoc una quod ália. |
Une seule vertu, une seule divinité, Une seule splendeur, une seule lumière ; Ce que l’un possède, l’autre le possède aussi. |
Patri Proles est æquális, Nec hoc tollit personális Ambórum distínctio. |
Le Fils est égal au Père, Et la distinction personnelle des deux N’enlève pas cette égalité. |
Patri compar Filióque, Spiritális ab utróque Procédit connéxio. |
Egal au Père et au Fils, L’Esprit est le lien Qui procède de l’un et de l’autre. |
Non humána ratióne Capi possunt hæ persónæ, Nec harum discrétio. |
L’humaine raison ne saurait Comprendre ces trois personnes, Ni la dissemblance qui les constitue. |
Non hic ordo temporális, Non hic situs aut locális Rerum circumscríptio. |
Là il n’y a ni succession de temps, Ni lieu Pour circonscrire la chose. |
Nil in Deo præter Deum, Nulla causa præter eum Qui creat causália. |
En Dieu, rien que Dieu ; En lui, nulle cause que Celle qui produit les êtres. |
Effectíva vel formális Causa Deus, et finális, Sed numquam matéria |
Dieu est cause effective et formelle, Cause finale, Mais jamais matière. |
Digne loqui de persónis Vim transcéndit ratiónis, Excédit ingénia. |
Parler dignement des divines personnes Est au-dessus des forces de la raison, Et dépasse le génie. |
Quid sit gigni, quid procéssus, Me nescíre sum proféssus: Sed fide non dúbia. |
Génération et procession dans la divine essence, Je confesse que ma raison ne le saisit pas, Mais ma foi le croit sans aucun doute. |
Qui sic credit, ne festínet, Et a via non declínet Insolénter régia. |
Que celui qui croit ne soit pas impatient, Qu’il n’ait pas l’imprudence De s’écarter de la voie royale. |
Servet fidem, formet mores ; Nec atténdat ad erróres Quos damnat Ecclésia. |
Qu’il garde la foi, qu’il règle sa vie, Et n’ait aucun penchant Vers les erreurs que l’Eglise condamne. |
Nos in fide gloriémur, Nos in una modulémur Fídei constántia. |
Glorifions-nous dans notre foi, Que notre constance dans cette foi unique Inspire nos chants mélodieux : |
Trinæ sit laus Vnitáti, Sit et simplæ Trinitáti Coætérna gloria. Amen. |
A l’unité en trois personnes soit l’éternel honneur ! A la Trinité dans l’essence simple, Gloire coéternelle ! Amen. |
Sources :
* Missel parisien du XIIIème siècle de l’ancienne bibliothèque de Notre-Dame de Paris – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1112, f° 273 r°.
* Missel parisien du XIIIème siècle à l’usage probable de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés ou de Saint-Germain-L’Auxerrois – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 830, f° 319 v°.
* Missel de Saint-Denis du XIIIème siècle – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1107, f° 358 v°.
* A titre de comparaison : Prosaire de la cathédrale de Nevers de la seconde moitié du XIIème – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Nouv. acq. lat. 3126, f° 95 r°.
* A titre de comparaison : Tropaire-prosaire de Saint-Martial de Limoges du XIIème-XIIIème siècle – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1139, f° 225 v°.
* A titre de comparaison : Processional-tropaire-prosaire à l’usage de Saint-Léonard, du diocèse de Limoges du dernier quard du XIIème – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1086, f° 68 r°.