Depuis le Moyen-Age, Paris chantait comme prose à la messe du jour de Noël le Lætabundus, une séquence médiévale très connue & très répandue dans les différents rits diocésains de l’ancien espace carolingien. Cette séquence Lætabundus figure toujours du reste dans le rit dominicain actuel, lequel dépend largement de l’ancien rit de Paris.
Les conciles de Reims de 1564 & de 1583 – chargés d’appliquer en pratique le concile de Trente en France – avaient demandé la révision des très nombreuses proses médiévales qui ornaient les missels français (certaines possédaient en effet des textes qui n’étaient pas toujours très heureux !). On trouve encore le Lætabundus dans le Missale Parisiense de Mgr de Gondy de 1602. Dans le Missale Parisiense du cardinal de Noailles de 1706, alors qu’un nouveau corpus de proses commence à remplacer les anciennes afin d’obéir aux vœux des conciles de Reims, cette édition maintient pourtant le fameux Lætabundus. Notre prose Votis Pater annuit remplaça définitivement le Lætabundus dans le Missale Parisiense de Mgr de Vintimille de 1755.
La séquence Votis Pater annuit – dont nous ignorons l’auteur – développe en fait le texte et la mélodie d’un noël latin de même incipit plus ancien. Sa gracieuse mélodie du Vème ton – vraisemblablement due au travail de l’Abbé Lebœuf – lui a assuré un grand succès et une large diffusion en France en dehors des limites de l’archidiocèse de Paris. A Paris, la prose était chantée également pendant l’octave de Noël.
En voici le texte & une traduction du XVIIIème siècle :
Votis Pater annuit: Justum pluunt sidera: Salvatorem genuit Intacta puerpera: Homo Deus nascitur. |
Le Père a exaucé nos vœux ; le Juste, comme une pluie salutaire, descend du haut des cieux ; une Vierge, devenue mère, a mis au monde le Sauveur ; l’Homme-Dieu naît parmi nous. | |
Superum concentibus Panditur mysterium: Nos mixti pastoribus Cingamus præsepium In quo Christus ponitur. |
Les concerts des Anges découvrent ce mystère ineffable : Allons avec les bergers environner la crèche où le Christ est couché. | |
Tu lumen de lumine Ante solem funderis: Tu numen de Numine Ab æterno gigneris, Patri par progenies. |
Divin Jésus, lumière de la lumière, vous êtes produit avant le soleil ; Dieu de Dieu, vous êtes engendré de toute éternité, Fils égal en tout à votre Père. | |
Tantus es ! et superis, Quæ te premit caritas, Sedibus delaberis: Ut surgat infirmitas Infirmus humi jaces. |
Grand par essence, votre immense charité vous presse à descendre du ciel : afin de relever notre faiblesse, vous devenez faible, & vous vous couchez par terre. | |
Quæ nocens debueram Innocens exequeris: Tu legi quam spreveram, Legifer subjiceris: Sic doces justitiam ! |
Innocent, vous payez la peine de mes crimes ; législateur, vous vous assujétissez à la loi que j’ai méprisée : c’est ainsi que vous enseignez la justice. | |
Cœlum cui regia, Stabulum non respuis; Qui donas imperia, Servi formam induis: Sic teris superbiam. |
Le ciel est votre palais, & vous ne refusez pas une étable ; vous donnez les empires, & vous prenez la forme d’esclave : c’est ainsi que vous confondez l’orgueil. | |
Nobis ultro similem Te præbes in omnibus: Debilibus debilem, Mortalem mortalibus: His trahis nos vinculis ! |
Vous vous rendez en tout semblable à nous ; faible avec les faibles, mortel avec les mortels : c’est par ces liens que vous nous attirez à vous. | |
Cum ægris confunderis, Morbi labem nesciens; Pro peccato pateris Peccatum non faciens: Hoc uno dissimilis. |
Exempt de la contagion commune, vous ne laissez pas de vous confondre avec ceux qui en sont infectés : incapable de péché, vous souffrez pour le péché ; c’est la seule différence qu’il y a entre vous et nous. | |
Summe Pater, Filium Qui mittis ad hominem, Gratiæ principium, Salutis originem, Da Jesum cognoscere. |
Père souverain, qui envoyez votre Fils aux hommes, faites-nous connaître Jésus, comme l’auteur de la grâce, comme le principe & la source du salut. | |
Cujus igne cœlitus Caritas accenditur, Ades, alme Spiritus: Qui pro nobis nascitur, Da Jesum diligere. Amen. Alleluia. |
Esprit Saint, qui allumez la charité par le feu céleste dont vous brûlez, venez, & faites-nous aimer Jésus qui naît pour nous. Ainsi soit-il. |