A Hauteville-Gondon, nous sommes en présence d’une église dotée d’une nef à trois travées et deux bas-côtés. Les contraintes du terrain ont empêché l’agrandissement de l’église existante, le bâtiment est donc démoli en 1691 afin de reconstruire un édifice et de le réorienter avec un chevet adossé à la pente et la façade s’ouvrant sur la vallée. Cette église-halle abrite trois retables dont deux sont particulièrement remarquables. Le retable de l’autel majeur est attribué selon toute vraisemblance à Joseph-Marie Martel de Compertogno en Valsesia : habitant du village, il est actif en Tarentaise entre 1726 et 1765.
Comme celui de Notre-Dame-des-Vernettes, la polychromie l’emporte sur la dorure. La lumière, changeante selon les heures de la journée, joue sur les ombres et sur les contrastes, donnant ainsi vie aux différents reliefs qui s’animent sous les incidences des rayons de soleil. Les couleurs patinées par le temps sont elles aussi accentuées selon les heures de la journée. Ce retable est conçu selon un schéma traditionnel en trois parties reposant sur un imposant soubassement. La structure n’est pas soulignée par des colonnes. Ces dernières sont symboliquement remplacées par des statues des docteurs de l’Eglise et des anges. On s’attend presque à voir une statue poursuivre le mouvement entamé, ou les anges passer au dessus de nos têtes en volant. Ce parti pris accentué par le mouvement des personnages amplifie l’impression de foisonnement.
L’église d’Hauteville-Gondon est consacrée à saint Martin, le saint patron occupe naturellement la place centrale du tableau au dessus de l’autel : soldat de l’armée romaine, saint Martin partage son manteau rouge, au dessus de lui le Christ Rédempteur porteur de la Croix apparaît dans une nuée, vêtu lui aussi d’un manteau rouge.
Tous les grands mystères de la foi sont associés dans ce retable. Les deux panneaux sculptés de la prédelle – Annonciation et Nativité – évoquent le mystère de l’Incarnation.
Les anges porteurs des instruments de la Passion, le Christ flagellé et couronné d’épines, la Pieta sur la porte du tabernacle et la croix au dessus, figurent eux la Rédemption.
L’Eucharistie est représentée sur un axe vertical allant du tabernacle à la cène de l’attique, le tout surmonté par Dieu le père avec le triangle figurant la Trinité. Le contenu de la foi repose sur la Tradition ainsi que l’a rappelé le Concile de Trente.
L’Ancien testament est représenté par Moïse et Aaron assis sur le fronton central tenant entre leurs mains les tables de la loi : “c’est moi Yahvé ton Dieu” et “tu n’auras d’autre Dieu que moi”.
Le Nouveau Testament est lui représenté dans la personne des évangélistes saint Marc et saint Luc dans des médaillons peints sur l’attique, saint Mathieu et saint Jean sont eux à gauche et à droite du tableau central.
Les quatre Pères de l’Eglise latine, saint Jérôme en habit de cardinal, tenant la Vulgate, saint Grégoire, pape, saint Ambroise, évêque de Milan, tenant le fouet avec lequel il fustigeait les Ariens, et saint Augustin d’Hippone, à eux quatre, représentent la Tradition. On remarquera que les statues ayant été déplacées pour être protégées des désastres des révolutionnaires français, on peut émettre l’hypothèse qu’elles ont été replacées dans un ordre différent. En effet la disposition dans un ordre différent : saint Jérôme, saint Augustin, saint Ambroise et saint Grégoire permettrait un dialogue et une convergence des regards.
Ce retable nécessite une contemplation attentive pour capter chaque détail qui a une valeur symbolique dans la compréhension du dogme catholique. Tout comme celui de l’église de la Sainte Trinité de Peisey-Nancroix, ce retable est un extraordinaire résumé de la foi catholique.
Le retable du rosaire, glorification de la Vierge Marie, respire la joie manifestée par les nombreux anges qui occupent presque toute la surface. Au dessous de la niche centrale, deux couples d’anges esquissent des pas de danse tandis qu’au dessus deux autres tiennent avec joie le monogramme de la Vierge. Ceux des cariatides des deux niveaux ont une attitude plus hiératique mais leur visage est rempli de grâce. Deux autres anges gambadent de part et d’autre du petit tableau du couronnement de la Vierge au ciel. Aux extrémités de l’entablement deux autres anges se reposent sur les médaillons aux cadres contournés avec satisfaction. Même dans les spires des colonnes torses, un angelot s’entremêle dans les rameaux. Toute cette cour du ciel ornée de courbes, contrecourbes, volutes ou encore guirlandes et draperies contemple avec joie les quinze épisodes de la vie de la Vierge-Marie évoqués dans les médaillons.
Le Baroque savoyard
- 1ère partie : Le Baroque, un art issu de la Réforme catholique : sa diffusion dans les vallées de Savoie
- 2nde partie : Le rôle de la hiérarchie catholique dans la diffusion du baroque : saint François de Sales
- 3ème partie : Le retable
- 4ème partie : Un art au service de la dévotion
- 5ème partie : Sculpteurs et peintres, les artistes de Maurienne, Tarentaise et Beaufortain
- 6ème partie : Portraits de chapelles avant le concile de Trente
- 7ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : Saint-Martin d’Hauteville-Gondon
- 8ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : la Sainte-Trinité de Peisey-Nancroix
- 9ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : Saint-Sigismond de Champagny-en-Vanoise
- 10ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : Notre-Dame de l’Assomption à Valloire
- 11ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : Notre-Dame de l’Assomption de Bramans
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