LITURGIE. Le motu proprio Summorum pontificum
Nova et vetera
Benoît XVI a signé et publié le document qui libéralise l’usage du Missel Romain édité par le pape Jean XXIII en 1962. Interview du cardinal Darío Castrillón Hoyos, président de la commission Pontificale « Ecclesia Dei » : « La première erreur d’interprétation est de dire qu’il s’agit d’un retour au passé. Il n’en est pas ainsi. »
S. E. le cardinal Hoyos célèbre la sainte messe
dans le rit romain traditionnel
à l’autel papal de Sainte-Marie-Majeure le 24 mai 2003.
La Schola Sainte Cécile chanta cette messe historique.
Photo prise depuis la tribune du chœur par un choriste.
Interview du cardinal Darío Castrillón Hoyos par Gianni Cardinale (30 jours)
Eminence, quel est le sens de ce motu proprio qui libéralise l’usage du Missel dit de saint Pie V ?
DARIO CASTRILLON HOYOS : Quand ont eu lieu, après le Concile Vatican II, les changements dans la liturgie, des groupes importants de fidèles et aussi d’ecclésiastiques se sont sentis mal à l’aise parce qu’ils étaient fortement liés à la liturgie en vigueur depuis des siècles. Je pense aux prêtres qui avaient célébré pendant cinquante ans cette messe suivant le rite de saint Pie V et qui, à l’improviste, se sont trouvés dans l’obligation d’en célébrer une autre, je pense aux fidèles habitués depuis des générations à l’ancien rite, je pense aussi aux petits, comme les enfants de chœur, qui se sont trouvés tout d’un coup dépaysés car ils devaient servir la messe selon le Novus ordo. Il y a donc eu un malaise à différents niveaux. Pour certains, celui-ci était même de nature théologique, car ils estimaient que l’ancien rite exprimait mieux que celui qui avait été introduit le sens du sacrifice. D’autres, pour des raisons culturelles aussi, avaient la nostalgie du chant grégorien et des grandes polyphonies qui étaient une richesse de l’à‰glise latine. Et ce qui aggravait le tout, c’est que ceux qui éprouvaient ce malaise attribuaient ces changements au Concile, alors qu’en réalité le Concile en soi n’avait ni demandé ni prévu les détails de ces changements. La messe que célébraient les pères conciliaires était la messe de saint Pie V. Le Concile n’avait pas demandé la création d’un nouveau rite, mais un usage plus large de la langue vernaculaire et une plus grande participation des fidèles.
D’accord, c’était le climat qu’on respirait il y a quarante ans. Mais aujourd’hui, la génération qui avait manifesté ce malaise n’existe plus. Et il y a plus: le clergé et le peuple se sont habitués au Novus ordo, et dans leur immense majorité, ils s’en trouvent très bien.
CASTRILLON HOYOS : C’est exactement cela : dans leur immense majorité, même si un grand nombre ignore ce qui a été laissé de côté avec l’abandon de l’ancien rite. Mais tout le monde ne s’est pas habitué au nouveau rite. Curieusement, il semble même que fleurisse, dans les nouvelles générations, parmi les laà¯cs comme parmi les clercs, un intérêt et une estime envers l’ancien rite. Et il s’agit de prêtres et de simples fidèles qui n’ont parfois rien à voir avec les disciples de Mgr Lefebvre. Il y a là des faits, des faits de l’à‰glise, auxquels les pasteurs ne peuvent faire la sourde oreille. C’est pour cela que Benoît XVI, qui est un grand théologien à la profonde sensibilité liturgique, a décidé de promulguer le motu proprio.
Mais n’y avait-il pas déjà un indult ?
CASTRILLON HOYOS : Si, il y avait déjà un indult, mais Jean Paul II avait déjà compris que l’indult n’avait pas été suffisant, ne serait-ce que parce que certains prêtres et certains évêques rechignaient à l’appliquer, mais surtout parce que les fidèles qui désirent célébrer avec l’ancien rite ne doivent pas être considérés comme des fidèles de deuxième catégorie. Il s’agit de fidèles auxquels doit être reconnu le droit d’assister à une messe qui a nourri le peuple chrétien pendant des siècles, qui a nourri la sensibilité de saints tels que saint Philippe Neri, don Bosco, sainte Thérèse de Lisieux, le bienheureux Jean XXIII et le serviteur de Dieu, Jean Paul II lui-même. Ce dernier, comme je viens de le dire, avait compris le problème de l’indult et il avait donc déjà l’intention d’étendre l’usage du Missel de 1962. Je dois dire que dans les rencontres avec les cardinaux et avec les chefs de dicastères au cours desquelles on avait parlé de ces mesures, les résistances étaient vraiment très limitées. Benoît XVI, qui a suivi ce processus depuis le début, a franchi ce pas important déjà imaginé par son grand prédécesseur. Il s’agit d’une mesure pétrinienne émise par amour du grand trésor liturgique qu’est la messe de saint Pie V, et aussi par amour de pasteur envers un groupe considérable de fidèles.
Et pourtant, les résistances n’ont manqué de la part d’une partie des représentants de l’épiscopat eux-mêmes…
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