Le missel promulgué par Paul VI le 3 avril 1969 a pratiquement éliminé l’antique usage des vigiles et des octaves pour les grandes fêtes.
Les octaves sont désormais limitées à Pâques et à Noël. Quant aux vigiles, il n’en subsiste, pour certaines fêtes, qu’une “messe de la veille au soir” qui, souvent, passe inaperçue dans les paroisses. Il s’agit d’une anticipation de la fête et non plus d’une journée de jeûne et de préparation à celle-ci.
La messe de la veille de Pentecôte est un cas particulier. Elle est dotée d’un choix de quatre textes pour la première lecture. Il s’agit de textes de l’Ancien Testament qui préparent au don de l’Esprit Saint. C’est tout ce qui subsiste de l’antique et riche liturgie de la vigile de la Pentecôte. Son dépouillement s’est fait en deux temps. La vigile tomba lors de la réforme des années 50, et l’octave fut abolie lors de la promulgation du nouveau missel.
L’antique vigile de Pentecôte et son caractère baptismal
Dans une conférence devenue célèbre dans les milieux traditionnels, sur la liturgie dite “restaurée” de la Semaine sous Pie XII 1955[1], Mgr Léon Gromier déclare ceci :
La vigile de la Pentecôte n’a plus rien de baptismal, devenue un jour comme un autre, et faisant mentir le missel dans le canon. Cette vigile était un voisin gênant, un rival redoutable ! La postérité instruite sera probablement plus sévère que ne l’est l’opinion actuelle à l’égard des pastoraux.[2]
Il fait ici allusion à la quasi reprise de la vigile baptismale de Pâques pratiquée par les chrétiens depuis la plus haute antiquité à la veille de la Pentecôte.
Les premiers chrétiens ont d’abord célébré la totalité du Mystère pascal, mort, résurrection et don de l’Esprit Saint lors de la grande nuit pascale. Cependant, très vite, la pédagogie de l’Eglise a mis en lumière les différents aspects de celui-ci en morcelant les célébrations selon la chronologie des évangiles.
D’autre part, nous savons que les sacrements de l’initiation chrétienne, baptême, confirmation et eucharistie, étaient conférés autrefois aux candidats lors de la même célébration, une pratique qu’ont conservé les églises d’Orient. Je cite ici le Cardinal Schuster sur le lien intrinsèque et le caractère pourtant distinct entre le baptême et la confirmation :
Bien que le sacrement de Baptême soit tout à fait distinct de celui de la Confirmation, celui-ci reçoit toutefois ce nom en tant que la descente du Saint-Esprit dans l’âme du fidèle complète l’œuvre de sa régénération surnaturelle. Moyennant le caractère sacramentel, il est conféré au néophyte une plus parfaite ressemblance avec Jésus Christ qui imprime le dernier sceau ou ratification à son union avec le divin Rédempteur. Le mot confirmatio était aussi employé en Espagne pour indiquer la prière invocatoire de l’Esprit saint durant la messe : Confirmatio sacramenti ; aussi l’analogie existant entre l’épiclèse – qui, à la messe, demande au Paraclet la plénitude de ses dons sur ceux qui s’approchent de la sainte Communion – et la Confirmation) que les anciens administraient immédiatement après le baptême – éclaire fort bien le sens théologique très profond qui est caché sous ce vocable de Confirmation donné au second sacrement.[3]
Tertullien parle déjà de la célébration des baptêmes non seulement lors de la de grande vigile de Pâques, mais aussi de Pentecôte :
“Un autre jour solennel du baptême est la Pentecôte, lorsqu’il s’est passé un assez long intervalle de temps pour disposer et instruire ceux qui doivent être baptisés” (id.).
Le choix n’est pas innocent car lors du baptême, l’évêque pose sa main droite sur la tête du néophyte “en appelant l’Esprit saint au moyen d’une bénédiction”[4].
Nous possédons aussi une lettre du pape Sirice (384-399)[5] à l’évêque Himère de Tarragone qui atteste cette pratique. Par ailleurs, dans une lettre aux évêques de Sicile, le pape saint Léon le Grand (440-461) exhorte ceux-ci à imiter saint Pierre, qui a baptisé trois mille personne le jour de la première Pentecôte.[6]
Les livres liturgiques postérieurs nous donnent le schéma d’une célébration du même type que celle de la Vigile pascale, que nous trouvons dans tous les missels qui ont précédé la réforme de Trente, ainsi que dans le missel de saint Pie V, jusqu’à la réforme des années 1950.
Laissons à Dom Guéranger le soin de décrire cette pratique :
Dans l’antiquité, cette journée ressemblait à celle de la veille de Pâques. Sur le soir les fidèles se rendaient à l’église pour prendre part aux solennités de l’administration du baptême. Dans la nuit qui suivait, le sacrement de la régénération était conféré aux catéchumènes que l’absence ou quelque maladie avait empêchés de se joindre aux autres dans la nuit de Pâques. Ceux qu’on n’avait pas jugés suffisamment éprouvés encore, ou dont l’instruction n’avait pas semblé assez complète, ayant satisfait aux justes exigences de l’Église, contribuaient aussi à former le groupe des aspirants à la nouvelle naissance qui se puise dans la fontaine sacrée. Au lieu des douze prophéties qui se lisaient dans la nuit de Pâques pendant que les prêtres accomplissaient sur les catéchumènes les rites préparatoires au baptême, on n’en lisait ordinairement que six ; ce qui amène à conclure que le nombre des baptisés dans la nuit de la Pentecôte était moins considérable.[7]
Le cierge pascal reparaissait durant cette nuit de grâce, afin d’inculquer à la nouvelle recrue que faisait l’Église, le respect et l’amour envers le Fils de Dieu, qui s’est fait homme pour être “la lumière du monde”. Tous les rites que nous avons détaillés et expliqués au Samedi saint s’accomplissaient dans cette nouvelle occasion où paraissait la fécondité de l’Église, et le divin Sacrifice auquel prenaient part les heureux néophytes commençait dès avant le point du jour.[8]
Dans l’Antiquité, comme le rapporte Schuster, la célébration, au même titre que la Vigile de Pâques, se faisait au Latran durant la nuit du samedi au dimanche. Au XIIe s., elle fut anticipée dans l’après-midi. Vers la fin du jour, le pape se rendait alors à Saint-Pierre pour le chant des vêpres et des matines solennelles.
L’extension de la célébration du baptême à d’autres jours, la pratique du baptême des enfants “quam primum” a enlevé l’exclusivité de ces célébrations à la veille de Pentecôte, réduisant cette journée au rang de préparation à la fête, au même titre que les autres vigiles, tout en lui gardant une célébration propre au caractère clairement baptismal.
Voici comment l’introduit Pius Parsch :
Aujourd’hui est une vigile solennelle et, par suite, un jour de pénitence complet, avec jeûne et abstinence (dans certains diocèses, cependant, cette obligation ne s’impose plus sous peine de péché ; ce n’est plus qu’un simple conseil). La vigile est toujours un jour de préparation. La maison de l’âme doit être nettoyée et parée pour la grande fête. Deux pensées occupent le chrétien qui vit avec l’Église : a) il se rappelle son baptême ; b) il se prépare à la Pentecôte.[9]
Temps et Structure de la Vigile
Après none, on lit les prophéties sans titre, avec les cierges éteints, comme le Samedi Saint.
Telle est la rubrique qui précède la célébration de la Vigile de Pentecôte dans les missels. Son heure est la même que celle de la veillée pascale. Autrefois célébrée la nuit du samedi au dimanche, anticipée ensuite dans l’après-midi, elle est tombée sous le coup du décret de saint Pie V qui imposait d’anticiper les offices à l’aube. La vigile de Pentecôte se célèbre donc le samedi matin.
Sa structure est semblable à celle du Samedi Saint, à l’exception de la bénédiction du feu et du cierge pascal. Pius Parsch la qualifie d’imitation abrégée de l’Office du Samedi saint. Elle commence par la lecture des prophéties, suivie chacune d’un répons et d’une oraison par le célébrant. Celle-ci est précédée de l’invitation du diacre : Oremus. Flectamus genua.
On se rend alors en procession au baptistère pour la bénédiction de l’eau en chantant des versets du psaume 41 (Sicut cervus ad fontes aquarum). Après une oraison, le célébrant dit la prière de bénédiction de l’eau, comme à la Vigile pascale. On retourne alors vers l’autel en procession en chantant les litanies des saints, tandis que les célébrants vont à la sacristie afin de se revêtir les ornements de la messe.[10]
La couleur de la vigile est le violet. On précise que le prêtre revêt la chape pour la procession vers les fonds baptismaux. Le diacre et le sous-diacre portent la “chasuble pliée”. La messe est en rouge, couleur de la Pentecôte.
A la fin des litanies, on allume les cierges les ministres vont à l’autel, tandis que le chœur chante le Kyrie, ils récitent les prières au bas de l’autel puis le prêtre fait l’encensement et entonne le gloria, pendant lequel on sonne les cloches.[11]
PLAN DE LA VIGILE DE PENTECOTE
Proclamation des six prophéties :
Lecture + répons + Flectamus genua + Oraison
Procession aux fonts baptismaux
Psaume 41
Bénédiction de l’eau
Procession vers l’autel
Litanies des saints
Messe
Les prophéties
Dans le rite primitif, on comptait douze lectures, comme à Pâques. Ce nombre fut ramené à six par saint Grégoire le Grand et fut maintenu lorsqu’au VIIIe s, sous l’influence du Sacramentaire gélasien, on rendit à la veillée pascale ses lectures originales.
Les lectures de Pentecôte sont tirées de celles de Pâques, mais dans un ordre différent.
Lecture |
Pentecôte |
Pâques |
1 |
Gn. 22 Sacrifice d’Abraham |
3 |
2 |
Ex 14 et 15 Le passage de la Mer rouge |
4 |
3 |
Dt 31 Le Testament de Moïse, le respect de la Loi |
11 |
4 |
Is 4 La libération de Jérusalem |
8 |
5 |
Bar 3 Le retour dans la Terre promise |
6 |
6 |
Ez 37 Les ossements desséchés |
7 |
Elles sont suivies pour trois d’entre elles du même trait qu’à la Vigile pascale.
Les oraisons qui suivent, cependant, sont différentes. Elles sont tirées du Sacramentaire grégorien[12].
Elles insistent, chacune à sa manière, sur la continuité entre les deux Testaments, et entre le passage de l’Israël de l’Ancien Testament libéré de l’esclavage, au nouvel Israël, peuple de baptisés, libéré du péché. Nous citons ici seulement celles qui suivent la deuxième et la quatrième lecture, qui sont admirables :
Dieu, vous avez dévoilé par la lumière de la nouvelle Alliance le sens des miracles accomplis aux premiers temps : la Mer Rouge devenant la figure de la source sacrée du baptême et le peuple libéré de l’esclavage d’Égypte manifestant les mystères du peuple chrétien : faites que toutes les nations ayant reçu par le mérite de la foi le privilège d’Israël, elles soient régénérées par la participation à votre Esprit.
et
Dieu éternel et Tout-Puissant, vous avez montré par votre Fils unique que vous étiez le vigneron de votre Église, soignant avec clémence tout sarment portant du fruit en votre Christ, qui est la vraie vigne, afin qu’il porte encore plus de fruits : faites que les épines du péchés ne l’emportent pas sur vos fidèles que vous avez transférés d’Égypte comme une vigne par la fontaine du baptême ; ainsi, fortifiés par la sanctification de votre Esprit, ils soient enrichis d’une récolte sans fin.
La descente aux fonts baptismaux et la bénédiction de l’eau, qui suivent l’oraison de la sixième prophétie, reprend tous les textes de la Vigile pascale, à l’exception de la collecte qui précède la bénédiction de l’eau, qui parle de la fête du jour :
Accordez, nous vous en prions, Dieu Tout-Puissant : à nous qui célébrons la solennité des dons du Saint-Esprit, qu’enflammés de célestes désirs, nous ayons soif de la source de la vie.
On voit clairement, à travers ces textes, le lien intime entre baptême, don de l’Esprit Saint et vie chrétienne.
La messe
Comme nous l’avons vu, la messe suit directement les litanies. Comme à Pâques, il n’y a pas d’introït. Ce n’est que tardivement, lorsque s’est répandu l’usage des messes privées, que l’on a ajouté l’introït “Cum sanctificatus”, emprunté au mercredi de la 4ème semaine de Carême.
Elle est le sommet de la Vigile et exprime à nouveau, d’une manière très concise, le lien entre baptême et don de l’Esprit Saint dans sa collecte :
Faites, nous vous en supplions, Dieu tout-puissant : que la splendeur de votre clarté brille sur nous ; et que l’éclat de votre lumière confirme, par l’illumination de l’Esprit-Saint, les cœurs de ceux que votre grâce a fait renaître. Par Notre-Seigneur…
Ce lien est encore souligné dans l’épître, tirée des Actes des Apôtres[13]. Il s’agit de la rencontre de Paul avec des disciples de Jean Baptiste. Ceux-ci n’ont “même pas entendu dire qu’il y avait un Saint Esprit”, après quoi Paul les baptise “au nom de Jésus Christ”.
Le reste de la messe est tout entier centré sur la Pentecôte, avec l’Evangile[14], où Jésus promet à ses disciples de ne pas les laisser orphelins, mais de prier le Père pour qu’Il leur envoie le Consolateur.
La secrète et la postcommunion demandent toutes deux la purification des cœurs par l’effusion de l’Esprit Saint.
La prière du Canon contient deux parties propres. Dans le Communicantes, ont mentionne la fête du jour :
Unis dans une même communion et célébrant le jour très saint de la Pentecôte où l’Esprit-Saint est apparu aux Apôtres sous la forme de multiples langues de feu, et vénérant la mémoire en premier de la glorieuse Vierge Marie, Mère de Jésus-Christ notre Dieu et notre Seigneur (…)
Tandis que l’Hanc igitur, comme à Pâques, prie pour les baptisés de la nuit :
Ainsi donc, Seigneur, ce sacrifice que nous vous offrons et, avec tous vos enfants, aujourd’hui spécialement pour ceux que vous avez daigné régénérer par l’eau et l’Esprit-Saint en leur accordant la rémission de tous leurs péchés, …
La réforme de 1955
Dans les missels d’après 1955, la Vigile de Pentecôte est désormais réduite à la messe telle qu’elle est décrite ci-dessus, avec son introït “Cum sanctificatus”. Prophéties, procession et bénédiction de l’eau ont tout simplement été abolies.
Le caractère baptismal de la vigile a été gommé et la liturgie est tout entière tournée vers la venue de l’Esprit Saint.
On a conservé l’épître, qui fait le lien entre les deux sacrements. Mais on peut se demander pour quelle raison on a gardé l’Hanc igitur qui intercède pour les baptisés de la nuit. Et ce, pour la vigile, le jour et l’octave de Pentecôte, comme on l’a fait à Pâques.
Cette prière était déjà toute symbolique avant la réforme, puisqu’il n’y avait pratiquement jamais de baptêmes pendant la célébration. Cependant, elle prolongeait le caractère baptismal de la Vigile et gardait toute sa place. Sa conservation, ici, l’isole du reste de la célébration et la réduit, bien plus qu’avant, à un simple vestige.
Le missel de 1969
Le missel de 1969 comprend, comme nous l’avons dit plus haut, une “messe de la veille au soir”. C’est une messe d’anticipation de la Pentecôte qui, malgré l’une ou l’autre prière conservée, est bien loin de l’ancienne vigile.
L’antienne d’ouverture n’est plus l’ancien introït “Cum sanctificatus”, mais une citation de Rm 5,5 : L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par son Esprit qui habite en nous, alléluia.
L’aspect baptismal n’est plus mentionné explicitement et l’accent est mis sur la venue de l’Esprit Saint et la clôture du Temps pascal.
L’ancienne collecte a été conservée, mais elle sert d’alternative à une autre, que l’on cite en premier. Il s’agit, apparemment, d’une composition nouvelle :
Dieu éternel et tout-puissant, tu as voulu que la célébration du mystère pascal se développe durant ces cinquante jours d’allégresse ; fais que les nations et les peuples dispersés se réunissent, malgré la division des langues, pour confesser ensemble ton nom. Par Jésus…
Il s’agit ici d’une allusion à Babel, la division des langues, et à la lecture du lendemain, dans les Actes, où chacun comprend dans sa propre langue la prédication des Apôtres.
La particularité de cette messe, unique dans le missel, est le choix entre quatre textes comme première lecture. A savoir :
– Genèse 11, 1-9 : La tour de Babel
– Exode 19, 3-20 : Dieu se manifeste dans le feu au milieu de son peuple
– Ezéchiel 37, 1-14 : Les ossements desséchés
– Joël 3, 1-5 : L’Esprit vient habiter en tous les hommes
Mis à part le texte d’Ezéchiel, les autres sont différents des prophéties de l’antique vigile.
La suite de la liturgie de la Parole est fixe :
– Psaume 104, 1 : Seigneur envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !
– Romains 8, 22-27 : L’Esprit vient au secours de notre faiblesse
Quant à l’évangile, on a gardé Jean 7, 37-39 : Jésus promet l’Esprit aux croyants
Le Communicantes propre de la prière eucharistique I est celui de l’ancien missel :
Dans la communion de toute l’Église, nous célébrons le jour très saint de la Pentecôte, où l’Esprit Saint s’est manifesté aux Apôtres par d’innombrables langues de feu; et nous voulons nommer en premier lieu la bienheureuse Marie toujours Vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur, Jésus Christ ;…
La même formule, adaptée, est aussi reprises dans les autres prières eucharistiques, ainsi la prière III :
C’est pourquoi nous voici rassemblés devant toi et, dans la communion de toute l’Église, nous célébrons le jour très saint de la Pentecôte, où l’Esprit Saint s’est manifesté aux Apôtres par d’innombrables langues de feu. Dieu tout-puissant, nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons :…
Il n’y a, logiquement, plus de mention des baptisez dans le Hanc igitur ou son correspondant dans les nouvelles prières.
La prière sur les offrandes et la postcommunion font abondamment référence à l’Esprit :
Nous t’en prions, Seigneur, répands la bénédiction de ton Esprit sur nos offrandes ; que ton Eglise en reçoive cette charité qui fera briller dans le monde la vérité de ton salut.
Et
Seigneur, que cette communion nous soit profitable en nous faisant vivre de la ferveur de l’Esprit Sain dont tu as merveilleusement comblé tes apôtres.
Quant à l’antienne de communion, elle est reprise de l’évangile :
Le dernier jour de la fête, Jésus, debout, criait : “Qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui a soif”, alléluia.
On peut se demander pourquoi la suite de la phrase “celui qui croit en moi” n’a pas été ajoutée.
Continuité ou rupture ?
“L’exigence de revoir et d’enrichir les formules du Missel Romain s’est fait sentir. Le premier pas d’une telle réforme a été l’œuvre de Notre Prédécesseur Pie XII, avec la réforme de la Vigile Pascale et du rite de la Semaine Sainte. C’est cette réforme qui a constitué le premier pas de l’adaptation du Missel romain à la mentalité contemporaine” ainsi s’exprime Paul VI dans la Constitution apostolique Missale romanum[15].
Nous revenons sans cesse à la même question : Les changements survenus depuis les année 50, puis lors la réforme liturgique, sont-ils en continuité logique et historique avec l’antique rite romano-franc ou marquent-ils une rupture ?
Ici, nous voyons une pratique séculaire supprimée purement et simplement. Cette suppression, comme le dit bien Mgr Gromier, enlève tout le caractère baptismal de ce jour et ne met l’accent que sur la venue de l’Esprit Saint. C’était sans doute le but des membres de la Commission, insister sur le baptême à Pâques, et sur la confirmation à la Pentecôte, à travers le don de l’Esprit Saint.
Cependant, on conserve la messe sans l’aménager, alors qu’elle contient des élément qui rappellent la veillée. C’est à tout le moins une incohérence. La “restauration” des années 50, ici, n’a rien restauré du tout. Elle s’est contentée de tailler à la hache sans peaufiner le travail, en fonction de critères flous. Point n’est besoin d’une grand érudition pour se rendre compte que cette réforme fut accomplie dans la hâte et pour découvrir en elles de nombreuses incohérences.
Quant au formulaire de 1969, il s’agit, malgré les deux reprises mentionnées, d’une création nouvelle. Actuellement, la plupart des diocèses organisent une “veillée de Pentecôte”, parfois avec la messe de la veille, souvent avec le sacrement de Confirmation, mais où l’on doit faire une large place à la “création” et à la “créativité” faute de lignes directrices suffisantes fournies par le Missel.
Loin du “développement organique”[16] cher au Père Reid, nous devons, une fois de plus, constater l’absence de logique et de continuité dans le travail des commissions. Dans ce cas, on a surtout supprimé, laissant ainsi le vide et créant une large place pour l’improvisation. Plus, peut-être que pour tous les autres jours de l’année liturgique, les pratiques de la veille de Pentecôte de lieu en lieu nous montrent une diversité qui n’est pas sans rappeler l’une des lectures offertes au choix des célébrants : celle de Babel.
Bibliographie
- SCHUSTER, I., Liber Sacramentorum. Notes historiques et liturgiques sur le Missel romain. Tome IV : Le baptême dans l’Esprit et dans le feu (la Sainte liturgie durant le cycle pascal). Bruxelles, 1939.
- GUERANGER P., L’année liturgique, Tome ii: Le Temps pascal, Mame & Fils, Paris, 1920,
- PARSCH, P., The Church’s Year of Grace, Liturgical Press, Collegeville, 1953.
- REID A., The Organic Development of the Liturgy, St Michael’s Abbey Press, Farnborough 2004
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