César Franck, entre succès et audaces musicales : Psaume CL, Dextera Domini & Panis Angelicus

À l’heure du bicentenaire de la naissance de César Franck – le 10 décembre 2022 – nous ne pouvions omettre les trois œuvres suivantes : le Psaume CL, le Dextera Domini et le Panis Angelicus. Pour autant que ces trois œuvres soient relativement connues dans le répertoire vocal, celles-ci sont trop souvent utilisées dans le cadre de concerts, dépouillées de leur sens profond, ne serait-ce que la compréhension du texte mis en musique.

Il est à rappeler à ce sujet que César Franck a eu le soin de traduire musicalement en s’appuyant sur le texte, avec un attachement marqué pour l’Ancien Testament, comme en témoignent ses oratorios Ruth ou Rebecca, et bien entendu son traitement sur les Psaumes dont le Cantique de Moïse voire le Psaume CXLVI, écrit en hébreu Yimloch Adonaï en 1875.

Psaume CL

Dans la production de Franck, celui-ci se trouve être tardif, et une œuvre qui est en dehors d’un cycle ou d’une œuvre religieuse complète. Son originalité réside dans le fait également qu’il soit écrit en français, ce qui indique une œuvre composée pour être donnée en dehors de la messe : l’œuvre fut écrite pour l’Institut des Jeunes Aveugles.

Devenu en 1875 inspecteur des études musicales pour l’Institut des Jeunes Aveugles à Paris, César Franck estimait le travail et la personne de Louis-Bon Lebel, aveugle mais professeur de musique dans cette institution de 1851 à 1888, dont il est également compositeur et organiste. Ce dernier dirigera l’œuvre représentée le 17 mars 1883 à l’occasion de l’inauguration de l’orgue Cavaillé-Coll de l’Institut des Jeunes Aveugles, actuellement dans la salle André Marchal.

Salle André Marchal de l'Institut des Jeunes Aveugles de Paris, où fut créé le Psaume CL de César Franck
Salle André Marchal de l’Institut des Jeunes Aveugles de Paris, avec l’orgue Cavaillé-Coll, où fut créé le Psaume CL de César Franck

Tous les interprètes du chœur et de l’orchestre étaient des jeunes aveugles, élèves de l’Institut. À titre d’anecdote, le percussionniste de l’œuvre n’était autre que l’organiste Louis Vierne (1870-1937).

Cette production vocale dans la maturité de César Franck se traduit par un langage plus audacieux harmoniquement par son introduction à l’orgue sur une pédale de ré puis mi comme augmentant la tension avant l’arrivée des voix.

Les basses entrent sur l’alléluia, assez étrange bien qu’il s’avère à être des plus solennels dans son développement.
L’œuvre est structurée par un crescendo et traduit le sentiment joyeux et tonique du psaume 150.
En effet, les instruments cités, s’accouplent avec un orchestre très français dans la grande présence des harpes et dont les coups de cymbales et les trompettes résonnent par imitation, comme figurant le texte.
Si cette production met à l’honneur l’orchestre, il permet, par compensation, de doter l’œuvre d’une efficacité d’écriture pour le chœur, presque exclusivement traité en homorythmie, donnant à entendre une puissance massive, que l’on pourra retrouver dans le dernier mouvement de sa Symphonie.

Dextera Domini

César Franck, Dextera Domini, offertoire pour le jour de Pâques dans le rit parisien
César Franck, Dextera Domini, offertoire pour le jour de Pâques dans le rit parisien
Si l’on connaît ce texte notamment pour être l’offertoire du Jeudi Saint au rit romain, c’est sans compter également qu’il fut celui pour le jour de Pâques dans le rit parisien, la version de Franck correspond parfaitement à ce déploiement solennel. Ce succès est obtenu par la relative facilité de l’écriture, permettant une interprétation de nombreuses chorales paroissiales. Cette mélopée diatonique simple en sib Majeur – bien qu’elle soit redoutablement efficace – interroge compte tenu de la capacité d’écriture complexe de Franck.

Toutefois les versions actuelles l’ont rendu bien plus imposant, plus conventionnel à quatre voix, à la suite de son orchestration en 1877 qui diffère nettement de la version primitive.

Dans cette jeune église sainte Clotilde (1857), pas encore élevée au rang de basilique mineure (1898), César Franck fait chanter en 1861 ce Dextera Domini à trois voix : basses, ténor et dessus.

Ce dernier terme pourrait sembler suranné au XIXème siècle, mais correspond à la réalité selon laquelle la voix actuelle de soprano était tenue à sainte Clotilde par une maîtrise de douze enfants complétant les autres pupitres, six ténors et six basses, sous la direction de Théodore Dubois.

C’est de là que nous pouvons comprendre l’aspect pédagogique du professeur, dans les deux composantes du thème aux inflexions grégorianisantes, d’un côté syllabique pour le Dextera Domini, de l’autre dans les vocalises sur les Alléluias.

Cela comprend également une orchestration typique d’un organiste faisant écho aux jeux flûtés et diaphanes, des enfants contrastés avec des jeux de huit voire seize pieds des adultes.

L’accompagnement de l’orgue discret au départ dans un enchaînement harmonique sage se déploiera et variera rythmiquement jusqu’aux triolet de double, symptomatique de l’habitude d’improvisateur d’un organiste.

Panis angelicus

Bien qu’on préférât chanter aux siècles précédents en France les O salutaris hostias à l’élévation, ce motet chanté après la consécration connut, lors de la seconde moitié du XIXème siècle, un grand regain d’intérêt, au point que César Franck modifia le O salutaris hostias initial pour un Panis angelicus.

Première version après la consécration de la Messe en La Majeur opus 12 Ad Majorem Dei Gloriam.
Première version après la consécration de la Messe en La Majeur opus 12 Ad Majorem Dei Gloriam.

La version de César Franck connut un nombre considérable de versions, d’interprétations, d’orchestrations, au point que ce texte de saint Thomas d’Aquin est souvent indissociable de l’œuvre du compositeur, et amène généralement une confusion de l’auditeur en la considérant comme une pièce isolée chantée comme un noël, tant elle a marqué les esprits.

César Franck, Panis angelicus ajouté à la version 1878 de sa Messe Solennelle, à la place du précédent O Salutaris Hostia
César Franck, Panis angelicus ajouté à la version 1878 de sa Messe Solennelle, à la place du précédent O Salutaris Hostia
Celle-ci fait en réalité partie de sa Messe en La Majeur, opus 12, créée au départ pour la Messe de la Nativité de 1861, et remanié pour le 24 avril 1878 laquelle devint solennelle par l’ajout d’un Credo, mais également par l’apparition du Panis angelicus.

La spécificité dans cette seconde version de sa Messe solennelle, est l’orchestration très française par l’usage de la harpe, du contrepoint du violoncelle, et de la contrebasse accompagnant le trio vocal.

D’autre part, le langage de Franck se complexifie, dans ce Panis angelicus, grâce à un usage moins modéré des chromatismes, dans une plus grande amplitude mélodique comme les 12 mesures lyriques du violoncelle préludant au chant puis en lui répondant en canon, ou encore la présence d’audaces harmoniques, propres à la mutation de son langage musical s’inscrivant dans les pas de Franz Liszt.

Le fait de reprendre cette œuvre correspond également à une évolution dans l’ampleur de son rayonnement à Sainte Clotilde. C’est encore symptomatique du principe d’un langage musical français, fondé sur un sujet, un thème, lequel correspondra à une proposition, qui pourra en amener d’autres à l’avenir. L’organiste connaisseur du chant, reprend en somme l’esprit des différentes clausules amassées sur l’organum primitif, comme des strates successives qui peuvent être interchangeables.

En somme, l’esprit des œuvres de César Franck n’est pas dans le fait de fixer une œuvre, en raison de sa remise en question permanente voire de ses doutes personnels ; l’œuvre s’adapte ainsi au gré de la situation liturgique, de son espace, du temps dans lequel elle se meut.

Année Franck à Saint-Eugène

Les Ave Maria de César Franck

Ave Maria de César Franck en mi mineur - première page de l'édition de 1889
Première page de l’édition de 1889 de l’Ave Maria en mi mineur de César Franck.
César Franck a pu composer trois Ave Maria, le premier en fa Majeur daté du 24 mai 1845, dédié au curé mélomane de Notre-Dame de Lorette, l’abbé Étienne-Théodore de Rolleau, lequel ayant réussi non seulement à constituer un chœur liturgique mais plus encore à réunir les fonds pour l’édification de l’orgue auprès du jeune facteur d’orgue âgé seulement de 21 ans : Aristide Cavaillé-Coll. C’est à ce moment que Franck s’orientera vers le répertoire religieux en prenant ses distances avec l’autorité dominatrice paternelle.

Le deuxième, référencé FWV57, fait partie du corpus de son Salut contenant Trois Motets avec accompagnement d’orgue, avec un O Salutaris et un Tantum ergo, publié en 1865.
Il s’agit d’un duo soprano et basse accompagné de l’orgue, en sol mineur, datant de 1858 soit peu après son entrée en fonction à Sainte Clotilde. Le grand orgue n’était certes pas achevé, cependant si l’accompagnement à l’orgue demeurait sobre, c’était surtout pour laisser la part belle à la voix de soprano, la basse rentrant en contrechant à la reprise, se rapprochant davantage d’une mélodie accompagnée par l’égrènement des arpèges, qu’une recherche d’audaces orchestrales. Ainsi Franck a pu s’installer progressivement au sein de sa nouvelle paroisse.

L’objet de notre étude concerne particulièrement son troisième Ave Maria, en mi mineur, FWV 62, pour trio vocal (soprano, ténor et basse) et accompagnement d’orgue. Ce dernier a pu poser problème dans sa datation, probablement par erreur d’éditeur qui l’a regroupé avec les autres pièces d’offertoires, en supposant que la sobriété de l’orgue et de développement structurel de cette pièce correspondrait à la carence de jeux d’orgues, en référence à l’absence temporaire du grand orgue de Sainte Clotilde.

Or, les recherches récentes indiquent clairement que l’œuvre était isolée, sa première édition fut réalisée en 1889 par Le Bailly-Bornemann, et c’eût été méconnaître non seulement le soin vétilleux qu’apporte Franck à jouer dans le cadre de la liturgie, mais plus encore si l’on se penche raisonnablement dans l’analyse harmonique de la partition.

Dédié à son élève Léon Husson, cette version de l’Ave Maria fait montre de grande hardiesse dans l’écriture harmonique, qui permet de dater l’œuvre aux alentours de 1880. Le langage musical de César Franck évolue en effet sous plusieurs aspects que l’on peut faire correspondre avec les contacts réguliers qu’il a entretenus avec son ami Franz Liszt (1811-1886).

Comme pour le Domine non secundum, l’œuvre se scinde en deux parties distinctes en mi mineur, puis son homonyme Majeur, au moment de la césure traditionnelle de l’invocation “Sancta Maria”. C’est pourquoi, l’on trouve parmi les différentes versions de cet opus, une alternance entre le pupitre de soprano avant que ne lui succède le chœur comme reprise polyphonique et ce, pour chacune de ses sections. Cela devait se justifier sur le principe que la pièce tînt sur l’intégralité du temps de l’offertoire aux messes solennelles.

Ave Maria de César Franck en mi mineur - mise en avant des ambiguïtés tonalesDans cette première partie, Franck va communément de la tonique vers sa dominante (mesure 10), puis instaure une marche modulante pour retourner à sa tonique (mesure 18). Mais les enchaînements sont troublés par ce que l’on désigne comme des degrés faibles du mode (IIIème et VIIème degré), tout comme des enchaînement de type plagal (IVème allant vers le Ier degré), lesquels altèrent la compréhension tonale, et la rend plus ambiguë.

On peut alors concevoir l’harmonie suspensive, par cette déficience d’enchaînements conventionnels, dans une nuance piano, comme la fragilité et l’expression de la douceur de l’Ange Gabriel se présentant à la Très Sainte Vierge Marie.

La période plus modulante, plus intense, (mesures 11 à 18) s’engage certes sur une marche harmonique, mais également sur des entrées en imitations, très expressives grâce aux retards mélodiques ainsi créés. Il achève cette première section par une accélération harmonique très riche, que l’on retrouve spécifiquement dans la période de maturité de César Franck.

Au “Sancta Maria” commence donc la seconde partie, plus diaphane et traduit une proximité étonnante avec langage de Gabriel Fauré (1845-1924) – entre autres son opus 21 (ca. 1880) Poème d’un jour : Adieu – par l’emploi de gammes pentatoniques par ses enchaînements plagaux, à la manière d’un léger balancement, et enfin la basse de l’orgue qui se dérobe au loin, pianissimo.

On notera, en revanche, un grand crescendo amenant vers l’imploration des pécheurs qui bascule sur le riche accord de 9ème de dominante de la, incipit de la Sonate FWV 8, pour violon en la Majeur (1886), de César Franck.

Télécharger la partition de l’Ave Maria en mi mineur FWV 62 de César Franck.

A suivre.

Année Franck à Saint-Eugène

César Franck, un bicentenaire (1822 † 1890)

César Franck à l'orgue

Si l’année 2018 a été une opportunité pour la paroisse Saint Eugène-Sainte Cécile de célébrer le bicentenaire de la naissance de Charles Gounod, l’année 2022 nous oriente vers un autre géant de la musique religieuse du XIXèmeCésar Franck.

Né le 10 décembre 1822, le compositeur, surnommé le Pater Seraphicus, prolonge notre exploration du répertoire religieux romantique français, non seulement pour son usage au sein de la liturgie traditionnelle, mais plus encore dans les liens que César Franck tisse avec Paris, et même avec notre secteur paroissial, ayant vécu entre autres, au 6 rue de Trévise. A cela s’ajoute la comparaison avec ses contemporains, et Franck aura l’occasion de s’en démarquer à plusieurs reprises.

Sans rentrer dans des éléments biographiques exhaustifs (nous vous recommandons, en revanche, l’excellent César Franck par Joël-Marie Fauquet, Fayard, 1999), quelques éléments caractéristiques traduisent le style musical de Franck : son écriture d’organiste, son talent d’improvisateur, et son apport pédagogique, fondateur d’une école stylistique singulière.

Au nombre de 97, le corpus des œuvres de Franck est limité, et plus encore dans sa production de musique religieuse. Son répertoire pour l’orgue est important sans être démesuré. On pourrait s’étonner de cette faiblesse ayant été organiste pendant plusieurs décennies.
Le compositeur écrivait peu mais jouait surtout en tant qu’improvisateur reconnu, dans le cadre liturgique, et suscitait l’admiration entre autres de ses élèves comme Vincent d’Indy. Marqué par les travaux du R.P. Lambillotte (1797 † 1856), jésuite et compatriote belge, Franck s’est appuyé sur les recherches de celui-ci afin de développer son accompagnement du plain-chant, dès les années 1854 au point de vouloir créer une école de musique ecclésiastique avec son frère Joseph, en 1867. En prenant le grand orgue de Sainte Clotilde, il se déchargera de sa fonction de maître de chapelle au profit d’un jeune compositeur de vingt ans : Théodore Dubois.

Le répertoire pour chœur

Sainte-Clotilde vers 1860, du temps de César Franck

Longtemps délaissé dû au fait qu’il n’était destiné qu’au culte, le répertoire vocal religieux de César Franck s’est constitué pour l’essentiel dans la décennie de 1860, publié ou retrouvé de manière posthume, et difficile à compiler. Ces œuvres correspondent à son arrivée à la basilique sainte Clotilde de Paris, et donc de la conception du grand orgue et de ses 46 jeux initiaux du Cavaillé-Coll, en 1859.

Comme dans plusieurs églises parisiennes, un trio vocal (soprano, ténor et basse) chantait pour les offices solennels. Une seule messe nous est parvenue, son opus 12 (1865), des psaumes, des motets et Les Sept Paroles du Christ sur la Croix écrite en 1859, redécouverte en 1955 !

César Franck – Domine non secundum FWV66

César Franck - début du Domine, non secundum, "motet pour un temps de pénitence"
César Franck – début du Domine, non secundum, “motet pour un temps de pénitence”. L’encadré bleu présente le thème principal avec son mineur mélodique ascendant.

Cet offertoire est clairement présenté “pour un temps de pénitence”. Datant de 1871, le texte est tiré de l’office du Mercredi des Cendres. Il est symptomatique que Franck mentionne “avec un accompagnement d’orgue”, car celui-ci se présente en effet plus comme un véritable soutien qu’un instrument en dialogue avec le trio vocal.

La structure de l’œuvre est relativement simple et typique des œuvres de César Franck, c’est-à-dire en deux modes distincts si mineur et son homonyme Majeur à partir de la 45ème mesure séparé par l’entrée complète du chœur à la mesure 24.

Pour être plus précis, César Franck se remarque dans le fait d’exposer le thème pour ensuite l’enrichir d’un contrepoint, soit dans l’éclairage Majeur, inspiré de la technique schubertienne. C’est en effet une superposition mélodique s’agrégeant progressivement qui épaissit l’écriture musicale, comparable à un jeu d’orgue supplémentaire que l’on ajoute : c’est une écriture d’organiste.
À cela s’ajoute l’emploi régulier du mineur mélodique ascendant, très utilisé dans la musique française dont Gabriel Fauré fera une marque de fabrique.

La partie centrale, repérable par l’entrée du chœur modifie l’écriture, elle devient homorythmique au profit d’une harmonie plus complexe, modulant sur son IVème degré en Majeur, après un grand crescendo vers le “Domine” fortissimo. Cette modulation de si vers Mi se déclinera encore par ce rapport au IVème degré, de Mi vers la, puis s’inverse en miroir vers mi puis vers si. Cet emploi du IVème degré plutôt que du Vème degré est typique chez Franck, et particulièrement dans cette relation harmonique du IVème degré vers le Ier, qu’on appelle “plagale” : cela évoque les sonorités de musique religieuse, généralement utilisé pour harmoniser le “Amen” final.

Télécharger la partition PDF du Domine, non secundum de César Franck.

A suivre.

Année Franck à Saint-Eugène

Programme de la solennité de sainte Cécile, Vierge & Martyre, patronne de la paroisse, de notre schola & des musiciens

Saint-Eugène, le dimanche 23 novembre 2014, grand’messe de 11h.

Sainte Cécile est l’une des plus illustres parmi les vierges-martyres de Rome. C’est à la fin du IIIème siècle qu’elle joignit à la couronne des vierges celle des martyrs. Mariée de force au païen Valérien, elle le convertit à la foi véritable ainsi que son beau-frère Tiburce. Les Actes de sainte Cécile nous rapportent que le jour de son mariage forcé, tandis que résonnait la musique païenne des noces, Cécile chantait en son cœur une hymne au Christ, le priant de la garder immaculée. Pour cette raison Cécile est devenue patronne des musiciens. Valérien, Tiburce et Cécile recevront tous les trois la palme du martyre, proclamant jusque dans leur mort leur fidélité au Christ Rédempteur. Cécile fut ébouillantée, puis reçut les trois coups de glaives légaux, auxquels elle survivra néanmoins trois jours encore, agonisant péniblement dans sa maison qu’elle laissa en héritage au Pape Urbain ; plus tard cette maison fut dédicacée comme église un 22 novembre, et placée sous son patronage. En octobre 1599, lorsque, sous les ordres du cardinal Sfondate, on y ouvrit le sarcophage de la sainte, son corps était encore intact. Le nom de sainte Cécile figure au Canon de la Messe romaine.

Pour fêter notre patronne, la Schola Sainte Cécile interprète cette année, avec orchestre, la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod (1818 † 1893). Cette messe fut créée en l’église Saint-Eustache le 22 novembre 1855 à la mémoire du beau-père du compositeur, le célèbre pianiste et professeur au Conservatoire Pierre-Joseph Zimmerman († le 18 octobre 1853). Gounod édifie dans cette œuvre une monumentale « cathédrale » de musique, tour à tour triomphale, distinguée ou recueillie, toute à la gloire de Dieu et de la patronne des musiciens.

Outre la Messe solennelle Sainte Cécile, nous chanterons des extraits de Mors & Vita. Voici comment Gounod présente son oratorio publié en 1885 :

“Cet ouvrage fait suite à ma trilogie sacrée “La Rédemption”. On sera peut-être surpris que, dans le titre, j’aie mentionné la Mort avant la Vie. C’est qu’en effet la Mort n’est que la fin de l’Existence qui est un mourir continuel ; mais elle est le premier instant et, en quelque sorte la naissance de ce qui ne meurt plus.
La première partie est consacrée à l’expression des tristesses causées par la perte des êtres aimés et aux solennelles terreurs de la Justice infaillible. La seconde contient le Réveil des morts par la trompette des Anges, & le Jugement des Elus et des Réprouvés. La troisième, tirée de l’Apocalypse, est la description de la Nouvelle Jérusalem et de la vie bienheureuse.”

Nous donnons des extraits de la seconde partie de cet oratorio, deux tableaux (Judex et Judicium Electorum) qui dépeignent l’adoration du Christ siégeant en majesté au Jugement dernier, adoré par les saints & les martyrs. Les textes utilisés par Gounod sont les hymnes de l’Apocalypse de saint Jean.

Celui qui fut “maître de chapelle honoraire à vie de Saint-Louis des-Français”, grand admirateur de Palestrina, auditeur assidu de Lacordaire, un temps séminariste à Saint-Sulpice et maître de chapelle des Missions étrangères avait un sens, un amour et une connaissance véritablement profonds de la liturgie catholique (qualités qui firent parfois défaut à d’autres compositeurs de ses contemporains), ce qui transparaît dans toute sa musique religieuse. Lors de ses funérailles nationales à La Madeleine le 17 octobre 1893, ce fut une messe en grégorien seul qui fut chantée, selon son vœu, Saint-Saëns étant au grand orgue et Fauré dirigeant la maîtrise.

  • Propre du jour en vieux plain-chant parisien – Messe polyphonique : Charles Gounod (1818 † 1893), Messe solennelle Sainte Cécile
  • Procession d’entrée : Judex – extrait de l’oratorio Mors & Vita de Charles Gounod
  • Introït – Loquebar (ton v.)
  • Epître : Ecclésiastique LI, 13-17 : C’est pourquoi je veux te rendre grâces et te chanter tes louanges, Seigneur, notre Dieu.
  • Graduel – Audi filia (ton vii.)
  • Alleluia – Quinque prudentes virgines (ton v.)
  • Evangile : Matthieu XXV, 1-13 : L’époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces, et la porte fut fermée.
  • Offertoire – Afferentur (ton iv.)
  • Pendant les encensements de l’offertoire : Offertoire de la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod
  • Préface des Saints au propre de l’archidiocèse de Paris
  • A l’élévation : Benedictus de la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod
  • Pendant la communion : Mors & Vita (extraits) de Charles Gounod
  • Communion – Confundantur (ton i.)
  • Prière pour la France de la messe la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod
  • Ite missa est VIII
  • Au dernier Evangile : Salve Regina
  • Procession de sortie : Psaume CL de César Franck (1822 † 1890), organiste de la Basilique Sainte Clotilde à Paris – Cette œuvre fut créée pour l’Institut des Jeunes Aveugles, interprété par ceux-ci lors de la fête de fin d’année – Le Psaume 150 est le dernier du psautier biblique, qu’il conclut par une acclamation générale de tous les chœurs, auxquels se joignent tous les instruments de musique en usage au Temple de Jérusalem

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Programme du dimanche de Pâques

Saint-Eugène, le dimanche 20 avril 2014, grand’messe de 11h.

Schola Sainte Cécile & ensemble de cuivres cuivres anciens.

  • Procession d’entrée : Salve festa dies – chant processionnel pascal des Églises des Gaules – Texte et mélodie de Saint Venance Fortunat, évêque de Poitiers (VIème siècle) – adaptation & harmonisation : Henri de Villiers & Touve Ratovondrahety
  • A l’aspersion : reprise de l’antienne Vidi aquam sur un faux-bourdon de Mgr Louis Lazare Perruchot (1852 † 1931), maître de chapelle de Saint-François-Xavier à Paris et de la cathédrale de Monaco
  • Kyriale : Missa Exsultate Deo (1659) de François Cosset (c. 1600 † c. 1664), maître de chapelle de Notre-Dame de Paris puis de la cathédrale de Reims
  • Hæc dies – polyphonie de Ludovico Grossi da Viadana (1564 † 1627), maître de chapelle de la cathédrale de Mantoue
  • Prose Victimæ paschali laudes : harmonisation du rythme traditionnel par Mgr Jehan Revert, maître de chapelle émérite de Notre-Dame de Paris
  • Pendant les encensements de l’offertoire : Agnus redemit oves – motet de Charles de Courbes (1622) sur l’ancien texte de la prose de Pâques – traduction versifiée sur le même mètre que le texte latin par l’auteur
  • A l’élévation : Benedictus de la Missa Exsultate Deo de François Cosset
  • Pendant la communion : Dextera Domini – offertoire pour le jour de Pâques sur le texte de l’offertoire de l’ancien rit parisien – César Franck (1822 † 1890), organiste & maître de chapelle de la basilique Sainte-Clotilde – Psaume 117, 16-17
  • Ite missa est pascal
  • Au dernier Evangile : Regina cœli – mise en polyphonie d’après Charles de Courbes (1622)
  • Procession de sortie : Cantilène pascale O fílii et filiæ – mélodie du XIIIème siècle, paroles de Jehan Tisserant (XVème siècle), harmonisation : Henri de Villiers
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