Remaniée à plusieurs reprises et finalement reconstruite car trop petite, l’église de la Sainte-Trinité de Peisey-Nancroix est achevée par la construction du clocher en 1699. Conçue selon le plan classique de l’église-halle, elle abrite sept retables réalisés entre 1690 et 1710. Le retable majeur a longtemps été attribué à Jacques Clérant mais il est en fait l’œuvre de Jacques-Antoine Todesco et Jean-Baptiste Gualaz comme il est indiqué dans le prix-fait que l’on a retrouvé.
Ce retable est un extraordinaire résumé de la foi catholique et une représentation de ses grands mystères.
Au niveau inférieur, celui de la prédelle, les deux représentations de l’Annonciation et de la Visitation évoquent l’Incarnation.
Au centre, Dieu le Père et le Fils à sa droite tiennent le globe terrestre sous la colombe du Saint-Esprit. Le mystère de la Sainte Trinité est ainsi donné à contempler à tous les fidèles.
Le tabernacle à double structure est couronné d’un temple à coupole soutenu par deux anges agenouillés. La partie de la réserve est ornée d’une Pietà et plus haut dans une niche l’Ecce Homo. Au sommet du dôme, le Christ victorieux de la mort sort du tombeau. Saint Pierre et saint Paul, inséparables colonnes de l’Eglise, occupent les niches latérales.
La partie centrale du retable composée d’un baldaquin couvre la tabernacle et la Sainte Trinité. Elle est soutenue par quatre anges posés sur des tiers de colonnes lisses avec des ornements en relief. L’art baroque est un art en mouvement et les sculpteurs ont non seulement froissé et fait flotter les vêtements mais encore les décrochements de tout l’ensemble, en particulier les brisures des lignes de l’entablement et des bases du fronton curviligne donnent des facilités aux jeux d’ombre et de lumière pour animer la façade brillant de tout son or.
Le prix-fait donne une description du retable et des conditions de sa réalisation :
… à tache et prix-fait à hon[ora]ble Jacques-Antoine, fils de feu Jean-Pierre Todesco et à hon[ora]ble Jean-Baptiste, fils de feu Pierre Gualaz, tous deux maistre sculpteurs. Le dit Todesco de le paroisse d’Alpes le dit Gualoz de la paroisse de Campertogie, tous deux du diocèse de Novarre ici présents et acceptants pour eux et les leurs et sous la clause solidaire de l’un pour l’autre chascun d’eux ses principal et le tout sans division ni discution au bénéfice de laquelle ils renoncent par serment, à savoir en premier lieu de faire le retable du maistre autel de l’esglise parrocialle du dit Peysey de l’hauteur et longueur du vide du cœur de ladite église et à la forme du dessein signé par le sieur Marion, curé dudit lieu, et par lesdites parties et moy notaire, saufs et bien entendu qu’en place de certains ornements qu’estiment portés par le dit dessein de faire aux deux costés de l’autel, les dits magisters prix-lactaires y feront une porte de chaque côté panaux et une rose dorée sur chaque panau et feront une croix doré avec son crucifix dessus l’autel et un cadre autour du devant d’autel en sculpture et doré.
Item les dits magisters lèveront le pied d’extal qui est sur le ciboire pour que les anges supportant le tabernacle soient immédiatement au dessus et au-dessus du dit tabernacle les dits prix-lactaires feront une Saincte Trinité en sculpture en sculpture au milieu d’une gloire en nuage, teste de chérubins et anges, lesdits nuages argent et grasti, le reste en or sauf les nudités et chevellure…au dessus du dôme, en place du crucifix, y feront enfant Jésus embrasssant sa croix en or et sa croix dorée….”
Le luxe de décoration de toute l’église n’a pas son pareil dans toute la vallée. Six autres retables ornent l’église : le retable de Saint Antoine l’Ermite, le retable de Saint Jean-Baptiste, le retable de la porte du Ciel, le retable des âmes du purgatoire, le retable de Notre-Dame du Rosaire, Le retable de Notre-Dame des 7 douleurs.
Le Baroque savoyard
- 1ère partie : Le Baroque, un art issu de la Réforme catholique : sa diffusion dans les vallées de Savoie
- 2nde partie : Le rôle de la hiérarchie catholique dans la diffusion du baroque : saint François de Sales
- 3ème partie : Le retable
- 4ème partie : Un art au service de la dévotion
- 5ème partie : Sculpteurs et peintres, les artistes de Maurienne, Tarentaise et Beaufortain
- 6ème partie : Portraits de chapelles avant le concile de Trente
- 7ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : Saint-Martin d’Hauteville-Gondon
- 8ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : la Sainte-Trinité de Peisey-Nancroix
- 9ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : Saint-Sigismond de Champagny-en-Vanoise
- 10ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : Notre-Dame de l’Assomption à Valloire
- 11ème partie : Portrait d’église, histoire de retable : Notre-Dame de l’Assomption de Bramans