Vous êtes chanteurs ou instrumentistes et vous souhaitez vous engager au service de la liturgie traditionnelle, n’hésitez pas à nous rejoindre !

La Schola Sainte Cécile chante dans la basilique Saint-Pierre de Rome au Vatican

Nous offrons des cours de chant gratuits chaque samedi de 16h30 à 17h30 : travail du souffle, pose de voix, vocalises, découverte du chant grégorien et du chant polyphonique.

Les Petits Chantres de Sainte Cécile - maîtrise d'enfants

Votre enfant a entre 8 et 15 ans et souhaite chanter ? Inscrivez-le aux Petits Chantres de Sainte Cécile (filles et garçons). Répétitions le mercredi à 18h30 et le dimanche à 10h30.

Retrouvez les partitions que nous éditons, classées par temps liturgique ou par compositeur. Elles sont téléchargeables gracieusement.

Programme de la solennité de sainte Cécile, Vierge & Martyre, patronne de la paroisse, de notre schola & des musiciens

Sainte Cécile, patronne des musiciens - vitrail de l'église du Saint-Sépulchre de la Citée de Londres.Saint-Eugène, le dimanche 25 novembre 2018, messe solennelle de 11h. Secondes vêpres & salut du Très-Saint Sacrement à 17h45.

Sainte Cécile est l’une des plus illustres parmi les vierges-martyres de Rome. C’est à la fin du IIIème siècle qu’elle joignit à la couronne des vierges celle des martyrs. Mariée de force au païen Valérien, elle le convertit à la foi véritable ainsi que son beau-frère Tiburce. Les Actes de sainte Cécile nous rapportent que le jour de son mariage forcé, tandis que résonnait la musique païenne des noces, Cécile chantait en son cœur une hymne au Christ, le priant de la garder immaculée. Pour cette raison Cécile est devenue patronne des musiciens. Valérien, Tiburce et Cécile recevront tous les trois la palme du martyre, proclamant jusque dans leur mort leur fidélité au Christ Rédempteur. Cécile fut ébouillantée, puis reçut les trois coups de glaives légaux, auxquels elle survivra néanmoins trois jours encore, agonisant péniblement dans sa maison qu’elle laissa en héritage au Pape Urbain ; plus tard cette maison fut dédicacée comme église un 22 novembre, et placée sous son patronage. En octobre 1599, lorsque, sous les ordres du cardinal Sfondate, on y ouvrit le sarcophage de la sainte, son corps était encore intact. Le nom de sainte Cécile figure au Canon de la Messe romaine.

Pour fêter notre patronne, la Schola Sainte Cécile interprète cette année la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod (1818 † 1893), chef d’œuvre qu’elle avait déjà interprété en 2001, 2002, 2012 & 2014 en semblable occasion. Cette messe fut créée en l’église Saint-Eustache le 22 novembre 1855 à la mémoire du beau-père du compositeur, le célèbre pianiste et professeur au Conservatoire Pierre-Joseph Zimmerman († le 18 octobre 1853). Gounod édifie dans cette œuvre une monumentale “cathédrale” de musique, tour à tour triomphale, distinguée ou recueillie, toute à la gloire de Dieu et de la patronne des musiciens.

Outre la Messe solennelle Sainte Cécile, nous chanterons des extraits de Mors & Vita. Voici comment Gounod présente son oratorio publié en 1885 :

“Cet ouvrage fait suite à ma trilogie sacrée “La Rédemption”. On sera peut-être surpris que, dans le titre, j’aie mentionné la Mort avant la Vie. C’est qu’en effet la Mort n’est que la fin de l’Existence qui est un mourir continuel ; mais elle est le premier instant et, en quelque sorte la naissance de ce qui ne meurt plus.
La première partie est consacrée à l’expression des tristesses causées par la perte des êtres aimés et aux solennelles terreurs de la Justice infaillible. La seconde contient le Réveil des morts par la trompette des Anges, & le Jugement des Elus et des Réprouvés. La troisième, tirée de l’Apocalypse, est la description de la Nouvelle Jérusalem et de la vie bienheureuse.”

Nous donnons un extraits de la seconde partie de cet oratorio (Judex) qui dépeint l’adoration du Christ siégeant en majesté au Jugement dernier, adoré par les saints & les martyrs et deux extraits de la troisième partie (Chorus cœlestis et chœur final Hosanna), description de la Nouvelle Jérusalem et de la vie bienheureuse. Les textes utilisés par Gounod sont les hymnes de l’Apocalypse de saint Jean.

Celui qui fut « maître de chapelle honoraire à vie de Saint-Louis des-Français », grand admirateur de Palestrina, auditeur assidu de Lacordaire, un temps séminariste à Saint-Sulpice et maître de chapelle des Missions étrangères avait un sens, un amour et une connaissance véritablement profonds de la liturgie catholique.

Nous vous convions à venir nombreux & à faire venir vos amis à Saint-Eugène fêter avec nous cette fête de la musique sacrée chrétienne !

A la messe :

  • Mémoire du XXVIIème & dernier dimanche après la Pentecôte – Propre du jour chanté avec serpent en vieux plain-chant parisien – Messe polyphonique : Charles Gounod (1818 † 1893), Messe solennelle Sainte Cécile
  • Réponses polyphoniques aux récitatifs liturgiques de la sainte messe – Henri de Villiers
  • Procession d’entrée : Sedenti in throno – Charles Gounod, extrait de l’oratorio Mors & Vita – Seconde partie : Judicium – n° 4 : Judex – texte tiré de l’Apocalypse V, 13
  • Introït – Loquebar (ton v.)
  • Kyrie & Gloria : de la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod
  • Epître : Ecclésiastique LI, 13-17 : C’est pourquoi je veux te rendre grâces et te chanter tes louanges, Seigneur, notre Dieu.
  • Graduel – Audi filia (ton vii.)
  • Alleluia – Quinque prudentes virgines (ton v.)
  • Evangile : Matthieu XXV, 1-13 : L’époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces, et la porte fut fermée.
  • Credo : de la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod
  • Offertoire – Afferentur (ton iv.)
  • Pendant les encensements de l’offertoire : Offertoire de la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod
  • Préface des Saints au propre de l’archidiocèse de Paris
  • Sanctus : de la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod
  • Après la consécration : Benedictus de la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod
  • Agnus Dei : de la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod
  • Pendant la communion : Ego sum Alpha et Omega – Charles Gounod, extrait de l’oratorio Mors & Vita – Troisième partie : Vita – n°7. Chorus cœlestis – Apocalypse XXI, 6-7 & 3
  • Communion – Confundantur (ton i.)
  • Prière pour la France de la Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod (Prière de l’Eglise / Prière de l’Armée / Prière de la Nation)
  • Ite missa est VIII
  • Pendant le dernier Evangile : Salve Regina
  • Procession de sortie : Hosanna in excelsis Deo ! – Charles Gounod, chœur final de l’oratorio Mors & Vita – Troisième partie : Vita – n°8. Coro allegro mæstoso – cf. Matthieu XXI, 9, Marc XI, 10, Luc II, 14 & Jean XII, 13

IIndes vêpres de la solennité de sainte Cécile suivies du salut du Très-Saint Sacrement. Au salut du Très-Saint Sacrement :

  • Motet d’exposition : ave verum, VIème ton – Prose du Très-Saint Sacrement du XIVème siècle, attribuée au pape Innocent VI († 1362)
  • A la Bienheureuse Vierge Marie : Ave Maria, du Ier ton
  • En l’honneur de sainte Cécile : Tuba cum citharis, du Ier ton – prose du XVème siècle
  • Prière pour Notre Saint Père le Pape : Tu es pastor ovium du Ier ton
  • A la bénédiction du Très-Saint Sacrement : Tantum ergo du Vème ton “Moderne”
  • Chant d’action de grâces : Christus vincit – plain-chant d’Aloys Kunc (1832 † 1895), maître de chapelle de la cathédrale de Toulouse.

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Télécharger le livret des IIndes vêpres de la solennité de sainte Cécile et du salut du Très-Saint Sacrement.
L’évènement sur Facebook.

Précédentes Céciliades :

  • Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod (2001 & 2002),
  • Messe de sainte Cécile de Touve Ratovondrahety (2003),
  • Vêpres en musique de sainte Cécile avec psaumes & antiennes de Marc-Antoine Charpentier et Henry du Mont (2004, dans le cadre de l’année Charpentier),
  • Missa secunda de Hans Leo Hassler (2005),
  • Missa Salve Regina de Jean Langlais (2006),
  • Messe à 4 voix et deux dessus (H.1) de Marc-Antoine Charpentier (2007),
  • Messe Gaudete in Domino semper, du Sacre de Louis XVI, de François Giroust (2008),
  • Missa Octava de Hans Leo Hassler (2009),
  • Missa secunda de Hans Leo Hassler (2010),
  • Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod (2012),
  • Messe Gaudete in Domino semper, du Sacre de Louis XVI, de François Giroust (2013)
  • Messe solennelle Sainte Cécile de Charles Gounod (2014),
  • Messe à 4 chœurs de Marc-Antoine Charpentier (2015),
  • Missa secunda de Hans Leo Hassler (2016),
  • Missa Decantabat populus à deux chœurs de Giovanni Croce (2017),

Musique sacrée & évangélisation

“La musique sacrée peut favoriser la foi et contribuer à la nouvelle évangélisation”, a déclaré le Pape le 10 novembre dernier aux membres de l’association musicale italienne Santa Cecilia, réunis pour un congrès à Rome. “A propos de la foi, on pense spontanément à la vie de saint Augustin… dont la conversion est certainement due en grande partie à l’écoute du chant des psaumes et des hymnes dans les liturgies présidées par saint Ambroise. Si, en effet, la foi naît toujours de l’écoute de la parole de Dieu, d’une écoute des sens qui passe aussi par l’esprit et le cœur, il ne fait aucun doute que la musique et surtout le chant donnent à la lecture des psaumes et des cantiques bibliques une plus grande force communicative. Parmi les charismes de saint Ambroise, on trouvait justement une sensibilité et une capacité musicale prononcées, don que celui-ci, une fois ordonné évêque de Milan, mit au service de la foi et de l’évangélisation”.

Benoît XVI a ensuite souligné que le chant sacré lié aux paroles fait partie nécessaire ou intégrante de la liturgie solennelle. “Pourquoi nécessaire et intégrante ? Certainement pas pour des raisons esthétiques mais parce qu’il contribue à nourrir et exprimer la foi, et donc à la gloire de Dieu et à la sanctification des fidèles qui sont l’objectif de la musique sacrée. C’est justement pour cela que je voudrais vous remercier pour le précieux service que vous rendez : la musique que vous exécutez n’est pas un accessoire ou un embellissement de la liturgie mais elle est la liturgie même”. Evoquant la relation entre le chant sacré et la nouvelle évangélisation, le Pape a ajouté que la constitution conciliaire sur la liturgie rappelle “l’importance de la musique sacrée dans la mission ad gentes et encourage à valoriser les traditions musicales des peuples. Mais dans les pays d’ancienne évangélisation comme l’Italie, la musique sacrée peut aussi avoir et a, de fait, un rôle important pour favoriser la redécouverte de Dieu, une nouvelle approche du message chrétien et des mystères de la foi”.

Puis le Saint-Père a rappelé à ce sujet le cas du poète Paul Claudel qui se convertit en écoutant le Magnificat au cours des vêpres de Noël à Notre Dame de Paris. “Mais sans recourir à des personnes célèbres, pensons à toutes ces personnes qui ont été touchées au plus profond de leur âme en écoutant de la musique sacrée, et encore plus à ceux qui se sont sentis attirés de nouveau vers Dieu par la beauté de la musique liturgique… Efforcez-vous d’améliorer la qualité du chant liturgique sans avoir peur de reprendre et valoriser la grande tradition musicale de l’Eglise qui trouve dans le grégorien et la polyphonie ses deux expressions les plus hautes… La participation active de tout le peuple de Dieu à la liturgie ne consiste pas seulement à parler, mais aussi à écouter, à accueillir par les sens et avec l’esprit la Parole et cela vaut aussi pour la musique liturgique”.

La vidéo suivante montre le Saint Père arrivant à la salle d’audience et surpris d’entendre le Tu es Petrus polyphonique entonné par les embres de l’association musicale italienne Santa Cecilia.

Homélie pour la fête de sainte Cécile 2011

Notre triduum paroissial – saint Eugène avant-hier, la Présentation hier à Notre-Dame des Victoires et sainte Cécile ce soir – a été marqué cette fois encore par plusieurs rendez-vous musicaux. C’est que liturgie et musique entretiennent un lien étroit et je suis heureux d’avoir pu réunir tous les écrits que Benoît XVI a publié sur ce thème dans un petit ouvrage qui vient de paraître, intitulé L’esprit de la musique, préfacé par notre cher Maître de chœur et que plusieurs d’entre vous ont déjà pu se procurer. Ouvrage qui pourra être utile, je l’espère, à tous ceux qui voudront œuvrer à la restauration d’une véritable liturgie, qui ne soit pas fabriquée mais reçue. C’est donc Benoît XVI que je prendrai pour guide ce soir. Dans son discours des Bernardins, à Paris, il y a trois ans, il disait ceci : « De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de le chanter avec les mots qu’il a lui-même donnés, est née la grande musique occidentale. Ce n’était pas là l’œuvre d’une créativité personnelle, où l’individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, s’érige un monument à lui-même. Il s’agissait plutôt de reconnaître attentivement, avec les oreilles du cœur les lois constitutives de l’harmonie musicale de la création, les formes essentielles de la musique émise par le Créateur dans le monde et en l’homme, et d’inventer une musique digne de Dieu qui soit en même temps authentiquement digne de l’homme et qui proclame hautement cette dignité ».

C’est clair : pour Ratzinger, la musique est civilisatrice et cette musique dérive de la liturgie. Pourquoi dérive-t-elle de la liturgie et pourquoi la liturgie a-t-elle eu recours, dès l’Ancien Testament, à la musique ? Saint Augustin répond en un mot que notre sainte Cécile, amante du Christ, ne peut que confirmer : Cantare amantis est, « chanter est le fait de celui qui aime ». La liturgie étant une participation au dialogue trinitaire du Père et du Fils, elle ne peut donc qu’aspirer au chant. Les Pères de l’Église le justifieraient par le fait que le chant sacré a une origine christologique. « Quand l’Église primitive a fait siens les psaumes dans sa prière, elle les chante comme hymnes du Christ. Le Christ lui-même devient ainsi le chef de chœur qui nous apprend le chant nouveau, qui donne à l’Eglise le ton et la manière dont elle pourra louer adéquatement Dieu et s’unir à la liturgie céleste »[1]. Le chant liturgique nous rappelle ainsi que nos rites s’enracinent dans la parole de Dieu, dans la Révélation divine, dont ils véhiculent quelque chose de l’inspiration. Il nous rappelle aussi que nous sommes ici-bas des étrangers et des voyageurs, à la recherche d’une patrie meilleure, celle du ciel, la Jérusalem céleste, où des myriades d’anges chantent les noces éternelles de l’Epoux et de l’Epouse, du Christ et de l’Église. Cet enracinement de la liturgie dans l’Ecriture impose à la musique sacrée, au chant et aux instruments, d’évidentes contraintes : « Chanter avec sagesse, psallite sapienter, renvoie à un art où compte la parole, mais cette parole ne doit pas être comprise en un sens rationaliste superficiel et étroit où chaque mot serait à tout instant compréhensible. Il s’agit bien plutôt de ce que nous pouvons appeler, en nous référant à l’Église ancienne, une musique ‘conforme au Logos’ : le Dieu qui est Parole créatrice et porteuse de sens, dès les origines et jusque dans chaque vie, appelle un art qui se tienne sous le primat du Logos, qui intègre donc toute la diversité de l’être humain, à partir de ses forces vives morales et psychologiques les plus hautes, mais qui, de la sorte, arrache aussi l’esprit à son rationalisme et à son volontarisme étroit pour qu’il prenne place dans la symphonie de la Création »[2]. Autrement dit, en chantant dans la liturgie, l’homme découvre sa vocation première, celle qu’il tient de son être de créature, ou plus exactement, pour parler comme S. Thomas d’Aquin, de cette créature qui se situe à l’horizon du monde des sens et du monde de l’esprit. Cette créature rationnelle qui est appelée à ressaisir la louange muette de la Création dans un geste et une parole émerveillés, qui de soi appellent le chant et la musique des instruments, pour intégrer symboliquement le monde de la matière, geste et parole qui se dilatent à la mesure même de cette Création qui s’exprime par lui. En effet, “dans la rencontre de l’homme avec Dieu, la parole ne suffit plus : une part de lui-même s’éveille et se met à chanter. Il y associe la Création car son monde lui paraît trop étroit”[3].

C’est la doctrine de saint Augustin, dans son homélie sur le psaume 32, choisie par le nouveau bréviaire pour illustrer la fête de sainte Cécile : « Eh bien, le Seigneur lui-même te donne cette méthode de chant : ne cherche pas des paroles, comme si tu pouvais expliquer ce qui plaît à Dieu. Chante par des cris de jubilation. Bien chanter pour Dieu, c’est chanter par des cris de jubilation. En quoi cela consiste-t-il ? C’est comprendre qu’on ne peut pas expliquer par des paroles ce que l’on chante dans son cœur. En effet, ceux qui chantent, en faisant la moisson, ou les vendanges, ou n’importe quel travail enthousiasmant, lorsqu’ils se mettent à exulter de joie par les paroles de leurs chants, sont comme gonflés d’une telle joie qu’ils ne peuvent pas la détailler par des paroles, ils renoncent à articuler des mots, ils éclatent en cris de jubilation. Ce cri est un son manifestant que le cœur enfante des sentiments qu’il ne peut exprimer ». Ce mouvement d’action de grâce, qui s’exprime pour nous dans la liturgie, répond à l’incarnation du Verbe : « Quand la Parole, le Verbe, se fait musique, il y a bien passage aux sens, incarnation, annexion de forces en deçà et au-delà du rationnel, captage de l’harmonie cachée de la Création, révélation du chant qui sommeille au fond des choses. Mais alors, cette transformation en musique est aussi elle-même le tournant du mouvement : elle n’est pas seulement incarnation du Verbe, mais aussi spiritualisation de la chair, de la matière. Le bois et le cuivre deviennent son, l’inconscient et l’insoluble se muent en harmonie emplie d’ordre et de sens (…). L’incarnation au sens chrétien est toujours en même temps spiritualisation, et la spiritualisation chrétienne est incarnation dans le corps du Logos qui s’est fait homme »[4].

Une musique sacrée ainsi conçue, lestée d’une dimension ontologique et d’une dimension théologale, ne peut se satisfaire de la médiocrité que voudrait lui imposer une pastorale utilitariste qui ne voit dans la musique qu’une manière d’animer les assemblées liturgiques. « Participation active », dans ce contexte, signifierait que tous doivent chanter toutes les parties de la liturgie, ce qui conduit bien évidemment à un effrayant nivellement par le bas dont celui qui vous parle ce soir est le premier à être conscient, pour ne pas dire qu’il en est aussi bien souvent l’acteur à son corps défendant ! Une telle conception de la musique liturgique signifie bien entendu la liquidation de toute formation d’élite, des schola en particulier. Joseph Ratzinger, dont le frère Georg a longtemps dirigé les Domspatzen de Regensburg, s’élève bien sûr contre cet abus lorsqu’il écrit : « Il est de fait que beaucoup de gens sont davantage capables de chanter avec le cœur qu’avec leur bouche, et leur cœur chante véritablement lorsqu’ils entendent le chant de ceux à qui il a été donné de chanter aussi avec la bouche. Si bien qu’en ces derniers, ils chantent en quelque sorte eux-mêmes, et ainsi écoute reconnaissante et chant des chanteurs deviennent ensemble une unique louange de Dieu »[5]. Merci, Très Saint Père, pour ceux qui chantent mal ! La dilatation de la louange chrétienne par l’intégration de la musique suppose un discernement des esprits. Toute musique n’est pas propre à figurer dans la liturgie. Car la musique, souligne Ratzinger, traduit une anthropologie sous-jacente. « Il y a la musique d’agitation politique, qui met l’homme en mouvement pour tel ou tel objectif collectif ; il y a la musique sensuelle, qui introduit l’homme à l’érotisme ou débouche d’une autre manière sur des sentiments de nature sensuelle ; il y a la simple musique de variétés, qui n’a rien à dire de particulier, mais veut simplement briser le poids du silence ; il y a la musique rationalisante où les sons ne servent qu’à des échafaudages intellectuels, mais qui ne parvient pas à pénétrer vraiment l’esprit et les sens. On pourrait y ranger bien des chants catéchétiques desséchés, bien des chants modernes fabriqués par des commissions liturgiques »[6].

Ratzinger réserve cependant ses critiques les plus vives à la musique néopaïenne qui, loin de toute référence au Logos, au psallite sapienter, déchaîne les forces dionysiaques latentes en l’homme marqué par le péché. D’un côté, dit-il, « il y a la musique commerciale, destinée au peuple, mais qui n’a plus rien de populaire au sens traditionnel du terme. Produite industriellement, elle appartient aux phénomènes de masse et n’est rien d’autre, finalement, qu’un culte de la banalité. D’autre part, la musique rock et ses dérivés, en particulier la techno, qui sont les vecteurs de passions élémentaires et qui, dans les grands festivals, développent un caractère cultuel, jouant même le rôle d’un anticulte par rapport au culte chrétien. Pris dans le mouvement de la foule, soumis à l’ébranlement du rythme, du bruit et des effets de lumière, les participants se sentent pour ainsi dire libérés d’eux-mêmes. Dans l’extase provoquée par l’annihilation de toute barrière et la chute de toute inhibition, ils déchaînent en quelque sorte les forces élémentaires de l’univers, dans lesquelles ils finissent par se faire engloutir”[7]. “Il s’agit de pratiques de délivrance, apparentées dans leur forme à la délivrance par la drogue et fondamentalement opposées à la foi dans le salut chrétien. Il est donc parfaitement logique que dans ce domaine se diffusent aujourd’hui des cultes et des musiques sataniques de plus en plus nombreux, dont on n’a pas encore assez pris au sérieux la dangereuse puissance de dislocation et de dissolution délibérées de la personne. Le combat livré par Platon entre musique apollinienne et musique dionysiaque n’est pas notre combat car Apollon n’est pas le Christ. Mais la question qu’il a posée nous concerne d’une manière toute particulière”[8]. Et il conclut : “Ce n’est pas pour des raisons esthétiques, ni par esprit borné de restauration, ni par immobilisme historique, mais c’est pour des raisons de fond qu’une musique de ce genre doit être exclue de l’Eglise”[9] et, pourrait-on ajouter, de l’univers propre du chrétien.

En conclusion, la musique n’est pas neutre, et pourtant elle est nécessaire à la vie chrétienne. « L’esprit n’est point avili lorsqu’il assume les sens, mais c’est toute la richesse de la Création qui est reconduite à lui. Et les sens ne sont pas privés de leur réalité lorsqu’ils sont pénétrés par l’esprit, mais c’est ainsi seulement qu’il leur sera donné d’avoir part à l’infini »[10]. Pour finir, je citerai le commentaire que donne Ratzinger d’un apologue de Gandhi : « Dans la mer vivent les poissons, et ils sont muets ; les animaux sur la terre crient ; mais les oiseaux, dans le ciel, chantent. A la mer appartient en propre le silence, à la terre le cri et au ciel le chant. Mais l’homme est participant des trois. Il porte en lui la profondeur de la mer, la pesanteur de la terre et la hauteur du ciel. Et c’est pourquoi leurs trois caractéristiques sont aussi les siennes : le silence, le cri et le chant. Je voudrais ajouter ceci : nous voyons aujourd’hui un homme sans transcendance auquel ne reste que le cri, parce qu’il ne veut plus être que terrestre et tente même de changer le ciel et la mer profonde pour en faire sa terre. La vraie liturgie, celle de la communion des saints, le restitue tout entier à lui-même. Elle lui enseigne de nouveau le silence et le chant en lui ouvrant les profondeurs de la mer et, en lui apprenant à voler, lui donne accès à l’être des anges ; en élevant le cœur de l’homme, elle fait à nouveau résonner en lui le chant enseveli. Et nous pouvons même dire : la vraie liturgie se reconnaît au fait qu’elle nous libère de l’activisme universel et nous restitue la profondeur et la hauteur, le silence et le chant. La vraie liturgie se reconnaît au fait qu’elle est cosmique et non réduite au groupe. Elle chante avec les anges. Elle se tait comme se tait l’attente des profondeurs de l’univers. Et c’est ainsi qu’elle délivre la terre ! »[11].

Et c’est sur ces paroles que je vais, moi aussi, enfin me taire !

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Notes :    (↵ reviens au texte)

  1. L’esprit de la liturgie, Ad solem, 2001, p. 135.
  2. Un chant nouveau pour le Seigneur, Desclée, 1995, p. 141.
  3. L’esprit de la liturgie, Ad solem, 2001, p. 111.
  4. Croire et célébrer, Parole et Silence, 2008, p. 103.
  5. La célébration de la foi, Téqui, 1985, p. 118.
  6. Croire et célébrer, Parole et Silence, 2008, p. 105.
  7. L’esprit de la liturgie, Ad solem, 2001, pp. 119-120.
  8. Croire et célébrer, Parole et Silence, 2008, pp. 104-105.
  9. Croire et célébrer, Parole et Silence, 2008, p. 105.
  10. Croire et célébrer, Parole et Silence, 2008, p. 106.
  11. Croire et célébrer, Parole et Silence, 2008, pp. 108-109.

Benoît XVI – L’esprit de la musique

Monsieur l’Abbé Iborra, vicaire à Saint-Eugène – Sainte-Cécile, a réuni un très intéressant corpus de textes de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI sur la musique et m’a demandé d’en faire la préface. Afin de vous donner envie d’acheter cet ouvrage, je retranscrit ici cette préface.

“Au milieu des nombreuses études « ratzingériennes » qu’il conduit depuis plusieurs années, Monsieur l’Abbé Iborra a conçu l’excellente idée de réunir les différents textes du pape Benoît XVI sur la musique. A première vue, le corpus de textes très divers ainsi rassemblés, pour beaucoup de circonstances, ne se présente certes pas comme un traité de théologie systématique sur la musique en général, ni sur la musique sacrée en particulier. Pourtant, au fil de la lecture de ces différents textes, on découvre que la pensée de Benoît XVI va bien au-delà de la simple expression de sentiments mélomanes. Elle révèle une vision théologique profonde et originale de la valeur de la musique dans le plan de la Rédemption.

Beaucoup de ces textes sont des discours prononcés à l’issue de concerts offerts au Pape. On y lit bien sûr toute la délicate amabilité du Saint-Père envers les interprètes. On le sait musicien ; il n’est dès lors pas foncièrement surprenant – quoique ! – d’y trouver également des analyses musicales – parfois réellement techniques et précises – sur les œuvres qui viennent d’être interprétées devant lui, même si aucun pape ne s’était à ce point livré à cet exercice avant lui. En premier lieu, la grande variété, tant des interprètes que des œuvres jouées dans ces concerts, fournit au Pape l’occasion de souligner combien la musique est un langage universel, le seul selon lui à avoir échappé à la malédiction de la confusion des langues après la Tour de Babel, un langage sans paroles mais pourtant apte à réunir les hommes. A l’adresse des musiciens, le Pape ne manque pas alors de rappeler que la pratique de la musique induit forcément une expérience de communion : chanter ou jouer d’un instrument ensemble nécessite à la fois l’écoute des autres et aussi un nécessaire don de soi. En ce sens, pour le Pape, la pratique de la musique et du chant contient en elle une force éducatrice universelle pour les sociétés humaines.

Au cours de ses études d’anthropologie, le R.P. Marcel Jousse, s.j. (1886 † 1961) avait posé la démonstration que l’homme primitif ne savait que chanter, et que, par conséquence, le langage parlé n’était arrivé que postérieurement, par paresse en quelque sorte, étant donné l’économie énergétique des moyens qu’il mettait en œuvre par rapport au chant. On trouvera dans ces textes de Benoît XVI cette même idée originale qui souligne combien l’homme chantant exerce par la musique la plénitude de son expression, la pleine extension de sa communication, grâce au déploiement de tous ses moyens.

Une fois posé ces aspects civilisationnels, le Pape souligne combien cette force éducatrice de la musique entraîne l’homme vers l’accomplissement d’un objectif esthétique, la recherche du beau. Loin de nier la valeur de cet impératif esthétique, le Pape montre au contraire combien cette quête de l’harmonie sonore ne constitue de fait qu’une facette de la quête fondamentale de l’harmonie ontologique de l’homme avec Dieu, et, partant, avec les autres et avec le cosmos tout entier. Dieu seul est le souverainement bon et le souverainement beau, lui seul peut parfaitement répondre à la quête des universaux – καλὸς κἀγαθός – de la beauté et de la bonté qui est profondément inscrite au cœur de tout être humain.

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