Vous êtes chanteurs ou instrumentistes et vous souhaitez vous engager au service de la liturgie traditionnelle, n’hésitez pas à nous rejoindre !

Retrouvez les partitions que nous éditons, classées par temps liturgique ou par compositeur. Elles sont téléchargeables gracieusement.

La Schola Sainte Cécile chante dans la basilique Saint-Pierre de Rome au Vatican

Nous offrons des cours de chant gratuits chaque samedi de 16h30 à 17h30 : pose de voix, vocalise, découverte du chant grégorien

Ave Rex noster – une antienne parisienne pour la procession des Rameaux

Dominica Palmarum
In Processione, Antiphona ad adorandam Crucem

Antienne parisienne pour les Rameaux : Ave Rex noster

Ave, * Rex noster, Fili David, Redémptor mundi, quem prophétæ prædixérunt Salvatórem dómui Israel esse ventúrum. Te enim ad salutárem víctimam Pater misit in mundum, quem exspectábant omnes sancti ab orígine mundi. Et nunc : “Hosanna Fílio David : Benedíctus qui venit in nómine Dómini : Hosánna in excélsis”. Salut, notre Roi, Fils de David, Rédempteur du monde, que les prophètes prédirent être le Sauveur de la maison d’Israël qui doit venir. C’est toi en effet que le Père envoya dans le monde comme victime salutaire, qu’attendaient tous les saints depuis l’origine du monde. Et maintenant : “Hosanna au Fils de David ; béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, Hosanna dans les hauteurs.”

Source : Missel Parisien de l’ancien fond de Notre-Dame de Paris (c. 1225) – F-Pn lat. 1112 f°75 r° (CAO n°1543).

L’antienne Ave Rex noster, qui n’a pas été retenue parmi les pièces chantées à la procession des Rameaux par le Missel de Saint Pie V de 1570, n’est pas propre à Paris : elle se rencontre au cours de la cérémonie du dimanche des Rameaux dans de très nombreux usages diocésains ou d’ordres religieux (on la retrouve ainsi chez les Cisterciens, les Carmes et les Dominicains – à Tolède, le chantre qui l’entonnait portait un sceptre en honneur de la royauté du Christ[1]).

Au rit parisien, après le chant de l’évangile des Rameaux (ou après le sermon qui le suit, s’il y a lieu), on chante cette antienne Ave Rex noster. Ce chant au cours des âges à donné lieu à une cérémonie touchante, accompagnant la salutation du Messie comme notre roi.

Pendant ce chant en effet, le célébrant, ses ministres, et le reste du clergé selon son rang, puis le peuple, tous viennent adorer deux à deux la croix. Celle-ci est soit la croix hosannière, édifiée pour cette cérémonie le plus souvent dans le cimetière, soit la croix de procession (ou même parfois à la croix de la poutre de gloire à l’entrée du chœur de certaines églises).

Cette adoration se déroule de la façon suivante : on s’incline profondément devant la croix, puis on se met à genoux pour l’embrasser, en jetant à son pied une petite branche de son rameau, à l’imitation du peuple de Jérusalem jetant des Rameaux sous les pas du Sauveur entrant dans la Ville. On se retire en s’inclinant à nouveau une seconde fois. Certaines Semaines Saintes notent qu’on répète l’antienne Ave Rex noster autant de fois que nécessaire pendant toute cette adoration[2].

Cette cérémonie est décrite dans le Cérémonial parisien du Cardinal de Noailles de 1703, Chapitre VII, 9 (De Dominica Palmarum :

Post concionem, vel ubi non habetur, post evangelium, cantatur antiphona Ave Rex noster, tuncque celebrans, ministri, ac reliqui de clero per ordinem, & populus, prostrati crucem osculantur, & ad ejus pedem projiciunt surculum rami, profunde inclinantes ante & post.

Au Moyen-Age, dans les endroits où l’on avait coutume de porter une hostie consacrée à la procession des Rameaux[3], c’était le corps du Christ qui était adoré au moment de l’antienne Ave Rex noster, au lieu de la croix.

Au travers de ce petit exemple aujourd’hui oublié de cette antienne des Rameaux, on admirera le génie des liturgies médiévales qui associaient habilement le chant des textes liturgiques à des gestes profonds, apte à marquer soutenir la foi des peuples.

Ave Rex noster - Missel parisien de Saint-Louis de Poissy, c. 1325.
Ave Rex noster – Missel Parisien de Saint-Louis de Poissy, c. 1325.

***********

Rit parisien – Répons Inter natos mulierum – Nativité de saint Jean Baptiste

In Nativitate S. Ioannis Baptistæ
In tertio nocturno, Resp. tertius

Répons Inter natos mulierum - ton 1 - Nativité de saint Jean Baptiste, rit parisien.

 

Inter natos mulíerum non surréxit major Joánne Baptísta : * Qui viam Dómino præparávit in erémo. Entre les fils des femmes, il n’y en a point eu de plus grand que Jean-Baptiste. Il prépara la voie du Seigneur dans le désert.
(Matthieu XI, 13)
℣. Fuit homo missus a Deo, cui nomen erat Joánnes. ℣. Et ayant jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim ensuite.
(Jean I, 6)
* Qui viam Dómino præparávit in erémo. * Il prépara la voie du Seigneur dans le désert.
Glória Patri, & Fílio, & Spirítui Sancto. Gloire au Père, & au Fils, & au Saint-Esprit.
* Qui viam Dómino præparávit in erémo. * Il prépara la voie du Seigneur dans le désert.

Source : Antiphonaire de Notre-Dame de Paris (c. 1300) – F-Pn lat. 15182 f°211 v°. – Cantus ID: 006979 & 006979a.

Ce répons, le troisième du troisième nocturne de la fête de la Nativité de saint Jean Baptiste dans l’ancien rit parisien, était également repris au cours de la procession qui précédait à Paris la grand-messe de cette fête (en seconde position, après le répons Hic præcursor). Présent dans de très nombreux manuscrits médiévaux un peu partout en Europe, ce répons ne figure plus dans l’office romain actuel, qui a éliminé les dernier répons de matines par simplification de cette partie de l’office, en posant que le Te Deum en tenait lieu (la disposition primitive était : chant du dernier répons – chant de l’évangile de matines – chant du Te Deum ; or l’évangile de matines, attesté par Egérie au IVème siècle, a fini par disparaître en Occident, mais il s’est conservé à l’office dominical bénédictin ainsi qu’aux matines de Noël et de l’Epiphanie dans la plupart des usages diocésains ou religieux).

Procession de la Fête-Dieu à Saint-Germain-L’Auxerrois (XVème s.)

Procession de la Fête-Dieu à Saint-Germain-L'Auxerrois - miniature du XVème siècle.
Procession de la Fête-Dieu à Saint-Germain-L’Auxerrois – miniature du XVème siècle.

Cette miniature représentant la procession de la Fête-Dieu est tirée d’un Missel à l’usage de la paroisse parisienne de Saint-Germain-L’Auxerrois, daté des années 1480-1490, commandé par Pierre de Cerisay, doyen de Saint-Germain-l’Auxerrois de 1474 à 1507et conservé à la Bibliothèque Mazarine sous la côte 410. Les miniatures sont dues au maître Jacques de Besançon.

La procession de la Fête-Dieu au cours de laquelle le célébrant porte une hostie dans un ostensoir – est généralisée dans tout l’Occident au XVème siècle. Les premières processions eucharistiques avec le Saint Sacrement apparaissent dès le XIème siècle et se situent tout d’abord au cours de la Semaine Sainte : on se met à porter le Corps du Christ lors de la procession des Rameaux, afin de mieux figurer l’entrée triomphale du Seigneur à Jérusalem. Le Vendredi Saint, après la messe des Présanctifiés, en beaucoup d’endroits on porte une hostie consacrée qu’on place dans un sépulcre (souvent, un groupe sculpté représentant une mise au tombeau), pour figurer l’ensevelissement du Christ, à l’instar des vêpres de l’ensevelissement du Grand Vendredi byzantin. Cette hostie est sortie du tombeau au petit matin de Pâques, après les matines pascales, et est portée triomphalement au cours de la procession pascale et rapportée au maître-autel. Cette procession de l’aurore du jour de Pâques est du reste la mère de toutes les processions de l’Eglise, elle rappelle la venue des saintes femmes et des disciples au sépulcre après la résurrection du Christ.

Lorsque la Fête-Dieu fut instituée en 1246 à Liège puis à Rome en 1264, et fixée au jeudi qui suit la Trinité, il s’agissait de reporter la liesse et la joie due à l’Eucharistie qui ne pouvait pas éclater librement au cours de la Semaine Sainte. Il est possible que l’idée de faire une procession avec le Saint Sacrement le jour de la Fête-Dieu soit d’origine française : les plus anciennes mentions qu’on puisse trouver remontent aux conciles de Sens de 1320 et de Paris de 1323 qui précise : “Quant à la Procession solennelle qui se fait le jeudi de la fête en portant le divin Sacrement, comme il semble que ce soit par une sorte d’inspiration divine qu’elle s’est introduite en nos jours, nous ne statuons rien pour le présent, laissant toutes choses à la dévotion du clergé et du peuple.”

Le Milanais Donat Bossius rapporte, en sa Chronique, que “le jeudi 29 mai 1404, on porta pour la première fois solennellement le Corps du Christ dans les rues de Pavie, comme il est passé depuis en usage.” L’usage se répand de là en Italie, les papes Martin V et Eugène IV, en leurs Constitutions de 1429 et 1433 mentionnent l’usage de la procession comme établi à Rome.

Mais revenons à cette miniature du missel manuscrit de Saint-Germain-L’Auxerrois : l’artiste nous dépeint une procession paroissiale dans les rues de Paris telle qu’elle avait lieu dans les années 1480 : les maisons à pans de bois sont pavoisées de tentures multicolores et de tapisseries.

Dans la tradition parisienne, la procession de la Fête-Dieu avait alors lieu après le chant de l’heure de prime, avant tierce et la grand’messe (tandis qu’au rit romain, l’usage s’est établi de faire la procession après la messe du jeudi de la Fête-Dieu). La couleur des ornements liturgiques sur cette miniature est bleue, toutefois les traditions sur les couleurs des ornements ne sont pas vraiment fixées au XVème siècle. Par la suite, les livres parisiens célèbreront la Fête-Dieu en rouge (contrairement au romain qui use du blanc). Du reste, le dais qui protège & honore le Saint Sacrement est de couleur rouge (comme souvent dans les miniatures représentant cette procession). Ce dais est orné du texte de l’introït de la messe, brodé en lettres d’or : Cibavit eos ex adipe frumentiIl les a nourris de la fleur du froment.

Sous le dais rouge, le célébrant porte le Corps du Christ dans un ostensoir soleil, dont la forme est alors une innovation, on use encore volontiers des monstrances médiévales qui gardent plutôt la forme de reliquaires. Le célébrant en chasuble (et non en chape comme au romain) est assisté de son diacre et de son sous-diacre en dalmatique et en tunique. Devant le dais marchent deux chantres en chapes qui tiennent leurs processionnaux contenant les hymnes à chanter (le répons Homo quidam est chanté au départ de la procession dans l’église, puis les livres parisiens prévoient le chant des hymnes Verbum supernum prodiens, Pange lingua gloriosi & Sacris solemniis.

Le clergé et les assistants ont curieusement la tête couverte de ce qu’on appelait en vieux français des “bonnets de prêtres”, l’équivalent de nos barrettes actuelles, dont la forme pourrait se rapprocher de celle des mortiers des magistrats parisiens. L’usage de rester tête découverte en présence du Saint Sacrement ne s’est pas encore établie. Tous portent des flambeaux, (torches constituées de 4 cierges joints), la rubrique que tous portent ces flambeaux pour accompagner le Saint Sacrement a été conservée jusqu’aujourd’hui dans les livres liturgiques.

Missel de Saint-Germain-L'Auxerrois : la Fête-Dieu
Missel de Saint-Germain-L’Auxerrois : la Fête-Dieu.

Ce Missel magnifiquement enluminé témoigne des derniers feux d’un art qui était alors condamné à disparaître : le premier missel parisien imprimé fut en effet réalisé en 1481, en même temps que cette somptueuse commande de Pierre de Cerisay, sonnant le glas d’un art pluri-séculaire porté à son zénith mais gage d’un nouveau mode de partage du savoir.

***

Dans cette série :

Rit parisien – Répons Adduxi vos per desertum – IVème dimanche de Carême

Dominica IV in Quadragesima
In tertio nocturno, Resp. tertius

Addúxi vos per desértum quadragínta annos, ego Dóminus ; non sunt attríta vestiménta vestra : * Manna de cœlo plui vobis, & oblíti estis me, dicit Dóminus. Je vous ai menés à travers le désert pendant quarante ans, moi, le Seigneur, & vos vêtements ne se sont pas usés : * J’ai fait pleuvoir du ciel pour vous la manne, & vous m’avez oublié, dit le Seigneur.
(Deutéronome XXIX, 5)
℣. Pópule meus, quid feci tibi aut quid moléstus fui ? Respónde mihi. Quia ego edúxi vos de terra Ægypti. ℣. Mon peuple, que t’ai-je fait ? Ou en quoi t’ai-je été désagréable ? Réponds-moi.
(Michée VI, 3)
* Manna de cœlo plui vobis, & oblíti estis me, dicit Dóminus. * J’ai fait pleuvoir du ciel pour vous la manne, & vous m’avez oublié, dit le Seigneur.
Glória Patri, & Fílio, & Spirítui Sancto. * Gloire au Père, & au Fils, & au Saint-Esprit.

Source : Antiphonaire de Notre-Dame de Paris (c. 1300) – F-Pn lat. 15181 f°222 r°. – Cantus ID: 006529 & 006529a.

Ce répons, le troisième du troisième nocturne du IVème dimanche de Carême dans l’ancien rit parisien, était également repris au cours de la procession qui précédait à Paris la grand-messe de ce dimanche. Son texte est tiré du Deutéronome et son verset, emprunté au prophète Michée, sera repris dans les Impropères du Vendredi saint. Ce répons fait partie du fond ancien du répertoire romano-franc : il figure dans l’Antiphonaire de Compiègne du IXème siècle (le plus ancien témoin complet du cursus romain de l’office divin) comme ultime répons de l’office nocture du IVème dimanche de Carême. Présents dans de très nombreux manuscrits médiévaux un peu partout en Europe, il n’a pas été retenu dans le Bréviaire romain de saint Pie V.

Rit parisien – Répons Minor sum – IInd dimanche de Carême

Dominica II in Quadragesima
Ad processionem, Resp.

Répons parisien - Minor sum cunctis miserationibus tuis - ton-4

Minor sum cunctis miseratiónibus tuis, Dómine Abraham. In báculo meo transívi Jordánem istum : et nunc cum duábus turmis regrédior. * Líbera me, Dómine, de mánibus Esau quia valde contrémit cor meum illum timens. Je suis indigne de toutes vos miséricordes, Seigneur d’Abraham. J’ai passé ce fleuve du Jourdain n’ayant qu’un bâton, et je retourne maintenant avec ces deux troupes. Délivrez-moi, Seigneur, de la main d’Esaü, parce que mon cœur le crains extrêmement.
(Genèse XXXII, 10-11)
℣. Tu locútus es quod mihi bene fáceres, et dilatáres semen meum sicut arénam maris. ℣. Vous m’avez promis de me combler de biens, et de multiplier ma race comme le sable de la mer.
(Genèse XXXII, 12)
* Líbera me, Dómine, de mánibus Esau quia valde contrémit cor meum illum timens. * Délivrez-moi, Seigneur, de la main d’Esaü, parce que mon cœur le crains extrêmement.
(Genèse XXXII, 11)

Source : Antiphonaire de Notre-Dame de Paris (c. 1300) – F-Pn lat. 15181 f°234 v°. – Cantus ID: 007156 & 007156b.

Ce répons fait partie de la couche ancienne du répertoire de l’office romain, puisqu’on le trouve dans l’antiphonaire de Compiègne du IXème siècle, le plus ancien témoin complet du texte de l’office divin. Son texte est établi sur celui de l’histoire de Jacob Israël, dans le livre de la Genèse, qui est lue à l’office nocturne de ces jours du Carême. Ce répons a cependant progressivement disparu des différents usages diocésains médiévaux, il n’a pas été conservé par les Ordres religieux ni par le Bréviaire romain de saint Pie V.

L’usage de Paris l’a conservé en l’assignant à la procession dominicale qui précède la grand-messe du IInd dimanche de Carême.