Nous offrons des cours de chant gratuits chaque samedi de 16h30 à 17h30 : travail du souffle, pose de voix, vocalises, découverte du chant grégorien et du chant polyphonique.
Votre enfant a entre 8 et 15 ans et souhaite chanter ? Inscrivez-le aux Petits Chantres de Sainte Cécile (filles et garçons). Répétitions le mercredi à 18h30 et le dimanche à 10h30.
De Jerusalem * exéunt relíquiæ et salvátio de monte Sion ; proptérea protéctio erit huic civitáti, et salvábitur propter David fámulum ejus. Alleluia.
De Jérusalem sortent les reliques, et le salut de la montagne de Sion ; aussi cette cité sera-t-elle protégée et sauvée à cause de David, son serviteur. Alléluia.
Cette antienne De Jerusalem exeunt fait partie d’une vaste série d’antiennes processionnelles qui étaient chantées à Rome lors de la procession des Litanies Majeures, lesquelles se tiennent le 25 avril. N’ayant pas été consignées dans le Missale Romanum de saint Pie V, elles sont de fait tombées en désuétudes, en dépit de leur grande antiquité. L’usage de Paris en a conservé un certain nombre et commençait la procession des Litanies Majeures par celle-ci, De Jerusalem exeunt. Ces antiennes étaient transcrites à la fois dans le Missel et dans le Processional, elles étaient utilisées non seulement pour les Litanies Majeures, célébrées le 25 avril concomitamment à la fête de saint Marc, mais également aux Litanies Mineures, c’est-à-dire aux trois jours de Rogations qui précèdent la fête de l’Ascension. Leur chant précédait à l’origine celui des sept psaumes de la pénitence et celui des litanies des saints.
Ces antiennes étaient appelées au Moyen-Age antiennes litaniales – antiphonæ lætanialis ou encore antiennes de la miséricorde – antiphonæ de Misericordia. Elles remontent très vraisemblablement à l’époque de saint Grégoire le Grand (VIème siècle) voire plus haut. A l’origine, et avant de voir leur emploi se spécialiser dans les manuscrits médiévaux pour les Litanies Majeures et Mineures, elles étaient employées à Rome pour toutes les processions, à commencer par celles qui avaient lieu tous les jours de station entre l’église de la collecte et celle de la station.
Le texte de notre antienne De Jerusalem exeunt rappelle que les reliques des saints se doivent porter aux processions des Litanies Majeures et Mineures (les Rogations), ainsi qu’on le voit sur toutes les représentations graphiques de ces cérémonies.
Voici le manuscrit parisien – le Missale Parisiense cité plus haut – sur lequel nous avons établi notre édition :
A titre de comparaison, voici la même antienne De Jerusalem exeunt dans le Processional parisien imprimé de 1556 publié par Mgr Jean du Bellay, 108ème évêque de Paris (f°32 v° et f°33 r°) :
Henry du Mont (1610 † 1684), sous-maître de la chapelle royale, maître de la musique de la Reine, organiste de Saint-Paul & du duc d’Anjou. Surrexit Pastor bonus – petit motet à deux voix pour le Temps pascal et le Dimanche du Bon Pasteur
2 voix égales (SB), violon ad libitum & basse continue.
4 pages.
Surrexit Pastor bonus est le IXème motet des Cantica Sacra d’Henry du Mont.
Le texte du cantique sacré Surrexit Pastor bonus est tiré d’un répons de l’office divin chanté au nocturne du Lundi de Pâques après la seconde leçon, qui interprète un peu librement le verset 11 du chapitre X de l’Evangile de saint Jean (évangile du Bon Pasteur). Ce même texte était aussi utilisé au Moyen-Age pour un alleluia chanté à la messe durant le Temps pascal dans certains usages diocésains, comme par exemple dans ce graduel à l’usage de l’Abbatiale Saint-Vaast d’Arras datant du XIème siècle (Cambrai, Bibliothèque municipale, 0075 (0076), f. 127v v°). Les psallettes des cathédrales du Nord de la France (Picardie et Flandres) l’ont conservé en usage, comme l’atteste les versions polyphoniques de Jean L’Héritier (c. 1480 † ap. 1551), originaire du diocèse de Thérouanne, ou celle de Jacob Regnart (c.1540 † 1599), natif de Douai. Aussi, le voir repris au siècle suivant par le liégeois Henry du Mont n’est pas surprenant.
Ce motet pourra être chanté pendant tout le Temps pascal. Il sera tout particulièrement indiqué pour le second dimanche après Pâques, qui est le dimanche du Bon Pasteur.
Voici le texte de ce petit motet et sa traduction française :
Surréxit Pastor bonus, qui ánimam suam pósuit pro óvibus suis, et pro grege suo mori dignátus est, alleluia.
Le bon Pasteur est ressuscité, lui qui a offert son âme pour ses brebis, et qui, pour son troupeau, a daigné mourir, alléluia.
Nous vous proposons la partition d’Henry du Mont dans sa tonalité originelle de sol mineur pour Superius et Bassus. La partie de violon est indiquée, comme souvent dans les Cantica Sacra, “si placet”.
Les premières mesures de cette partition :
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Guillaume Bouzignac (c. 1587 † ap. 1643), maître de chapelle des cathédrales d’Angoulême, de Bourges, de Rodez, de Clermont-Ferrand & de la collégiale Saint-André de Grenoble. Quis est iste Rex gloriæ ? – rite de l’ouverture des portes au dimanche des Rameaux
6 voix mixtes (SSATTB).
1 page – La Majeur (ton original : Ut Majeur).
Le dimanche des Rameaux, à l’issue de la procession, le clergé stationne devant les portes fermées de l’église, tandis que des chantres – symbolisant les Anges dans le paradis fermé à l’humanité – restés à l’intérieur alternent avec eux l’hymne de Théodulfe d’Orléans Gloria laus.
A l’issue de cette hymne, dans le rit romain, le sous-diacre tape à une seule reprise la porte avec le bas de la hampe de la croix de procession et celle-ci s’ouvre pour laisser entrer la procession dans l’église : le sacrifice du Christ sur la croix nous rouvre les portes du paradis qui nous était fermées.
Cependant, l’usage très ancien de la plupart des Eglises de France, remontant pour le moins au Moyen-Age, donnait un relief bien plus éclatant à ce moment de la longue liturgie du dimanche des Rameaux : ce n’est pas le simple sous-diacre, mais le célébrant lui-même qui va frapper à la porte de l’église avec la croix de procession, en engageant le dialogue suivant avec les chantres placés à l’intérieur de l’église :
C’est le Seigneur, fort et puissant,
le Seigneur, puissant au combat.
Elevez vos portes, ô princes,
et vous, élevez-vous, portes éternelles,
et il entrera, le Roi de gloire.
C’est le Seigneur, fort et puissant,
le Seigneur, puissant au combat.
Elevez vos portes, ô princes,
et vous, élevez-vous, portes éternelles,
et il entrera, le Roi de gloire.
Les chantres :
℟.Quis est iste Rex gloriæ ?
℟.Qui est ce Roi de gloire ?
Le célébrant :
Dóminus virtútum,
ipse est Rex glóriæ.
C’est le Seigneur des armées,
c’est lui, le Roi de gloire.
On ouvre ici les portes de l’église, & tous entrent.
Voici le chant de ce dialogue au rit parisien (livret téléchargeable de cette partition), dans lequel la réponse des chantres (“Quis est iste Rex gloriæ ?”) doit être chantée en montant d’un ton à chaque reprise :
Guillaume Bouzignac a mis en musique cette réponse des chantres – Quis est iste Rex gloriæ ? -, la confiant à un chœur à 6 voix mixtes (premier dessus / second dessus / Bas dessus / Haute taille / Taille / Basse). Dans les deux manuscrits qui contiennent cette partition – le Manuscrit Deslauriers du Département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France (BnF Rés Vma ms 571, f° 97 r°) et dans le Manuscrit “Bouzignac” de Tours (F-TO ms 168, f° 61 r°) – elle fait immédiatement suite au Gloria laus des Rameaux, lui aussi composé à six parties.
Par son rythme et par son ampleur vocale, la polyphonie de Bouzignac donne un éclat tout particulièrement glorieux à cette brève acclamation.
Nous offrons cette partition dans son ton original d’Ut Majeur et dans une version transposée d’une tierce en La Majeur.
Les premières mesures de cette partition :
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Or il fallait, mes bien-aimés, que Pierre en qui le Fils de Dieu venait de louer cette haute connaissance, reçût une instruction du mystère qui se devait accomplir dans la substance inférieure unie au Verbe. Il le fallait pour que l’Apôtre, dont la foi avait été élevée jusqu’à ce degré de gloire de confesser la divinité du Christ, ne regardât pas comme indigne d’un Dieu impassible de prendre sur lui notre infirmité, et ne s’imaginât point que la nature humaine était déjà tellement glorifiée en la personne de Jésus-Christ, qu’elle ne pouvait plus ni souffrir, ni mourir. C’est pourquoi le Seigneur ayant dit qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem, qu’il souffrît beaucoup de la part des anciens, des Scribes et des princes des prêtres, qu’il fût mis à mort, et que le troisième jour il ressuscitât ; comme le bienheureux Pierre, tout embrasé du feu allumé en lui par le témoignage Qu’une lumière d’en haut lui avait fait rendre à la divinité du Fils de Dieu, rejetait avec liberté, et avec une répugnance qu’il croyait religieuse, l’idée que son Maître pût endurer tous ces outrages et l’opprobre d’une mort très cruelle, il fut repris par Jésus avec une douce sévérité, et excité au désir de participer à ses souffrances. Homélie de saint Léon, pape, IIIème leçon des vigiles nocturnes de ce samedi.
A la sainte messe :
Propre grégorien du jour
Kyrie : des féries de pénitence au propre de Paris
Offertoire Dómine, Deus salútis meæ, chanté avec ses antiques versets
Sanctus XVIII
Après la Consécration : O salutaris sur le ton de l’hymne du Carême Audi benigne Conditor
Agnus Dei XVIII
Antienne de communion, chantée avec des versets du psaume LXXX
Dans le rit romain, le jour de l’Epiphanie (dont la solennité est obligatoirement reportée en France au dimanche qui suit – sauf lorsque le 6 janvier tombe un dimanche), le diacre fait selon la tradition la publication de la date de Pâques après le chant de l’évangile.
RIT ROMAIN
En voici le chant pour 2023, réalisé par nos soins :
En voici le texte & la traduction pour 2023 :
Novéritis, fratres caríssimi, quod annuénte Dei misericórdia, sicut de Nativitáte Dómini nostri Jesu Christi gavísi sumus, ita et de Resurrectióne ejúsdem Salvatóris nostri gáudium vobis annuntiámus.
Vous avez su, Frères très chers, par la miséricorde de Dieu qui nous a été annoncée, que nous avons été comblés par la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi de même nous vous annonçons la joie qui nous sera procurée par la Résurrection de notre même Sauveur.
Die quinta Februárii erit Domínica in Septuagésima.
Le 5 février sera le dimanche de la Septuagésime.
Vigésima secúnda ejúsdem dies Cínerum, et inítium jejúnii sacratíssimæ Quadragésimæ.
Le 22 du même mois sera le jour des Cendres et le début du jeûne très sacré du Carême.
Nona Aprílis sanctum Pascha Dómini nostri Jesu Christi cum gáudio celebríbitis.
Le 9 avril sera la sainte Pâque de Notre Seigneur Jésus-Christ, que vous célèbrerez avec joie.
Décima octáva Máii erit Ascénsio Dómini nostri Jesu Christi.
Le 18 mai sera l’Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le 8 juin sera la fête du Très Saint Corps du Christ.
Tértia Décembris Domínica prima Advéntus Dómini nostri Jesu Christi, cui est honor et glória, in sæcula sæculórum. Amen.
Le 3 décembre sera le premier dimanche de l’Avent de Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui est l’honneur et la gloire, dans les siècles des siècles. Amen.
Voici le chant de l’ancien usage de Paris, pour 2023 :
En voici le texte & la traduction pour 2023 :
Novérit cáritas vestra, fratres caríssimi, quod, annuénte Dei & Dómini nostri Jesu Christi misericórdia, die nona mensis Aprílis Pascha Dómini celebrábimus.
Votre charité saura, Frères très chers, que, par la miséricorde de Dieu & de notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a été annoncée, le 9 avril nous célèbrerons la Pâque de Seigneur.
RIT AMBROSIEN
Voici le chant pour le rit ambrosien, pour 2023 :
En voici le texte & la traduction pour 2023 :
Novérit cháritas vestra, fratres charíssimi, quod, annuénte Dei & Dómini nostri Jesu Christi misericórdia, die nona, mensis Aprílis, Pascha Dómini cum gáudio celebrábimus. ℟. Deo grátias.
Votre charité saura, Frères très chers, que, par la miséricorde de Dieu & de notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a été annoncée, le 9 avril, nous célèbrerons avec joie la Pâque de Seigneur. ℟. Rendons grâces à Dieu.
À l’heure du bicentenaire de la naissance de César Franck – le 10 décembre 2022 – nous ne pouvions omettre les trois œuvres suivantes : le Psaume CL, le Dextera Domini et le Panis Angelicus. Pour autant que ces trois œuvres soient relativement connues dans le répertoire vocal, celles-ci sont trop souvent utilisées dans le cadre de concerts, dépouillées de leur sens profond, ne serait-ce que la compréhension du texte mis en musique.
Il est à rappeler à ce sujet que César Franck a eu le soin de traduire musicalement en s’appuyant sur le texte, avec un attachement marqué pour l’Ancien Testament, comme en témoignent ses oratorios Ruth ou Rebecca, et bien entendu son traitement sur les Psaumes dont le Cantique de Moïse voire le Psaume CXLVI, écrit en hébreu Yimloch Adonaï en 1875.
Psaume CL
Dans la production de Franck, celui-ci se trouve être tardif, et une œuvre qui est en dehors d’un cycle ou d’une œuvre religieuse complète. Son originalité réside dans le fait également qu’il soit écrit en français, ce qui indique une œuvre composée pour être donnée en dehors de la messe : l’œuvre fut écrite pour l’Institut des Jeunes Aveugles.
Devenu en 1875 inspecteur des études musicales pour l’Institut des Jeunes Aveugles à Paris, César Franck estimait le travail et la personne de Louis-Bon Lebel, aveugle mais professeur de musique dans cette institution de 1851 à 1888, dont il est également compositeur et organiste. Ce dernier dirigera l’œuvre représentée le 17 mars 1883 à l’occasion de l’inauguration de l’orgue Cavaillé-Coll de l’Institut des Jeunes Aveugles, actuellement dans la salle André Marchal.
Tous les interprètes du chœur et de l’orchestre étaient des jeunes aveugles, élèves de l’Institut. À titre d’anecdote, le percussionniste de l’œuvre n’était autre que l’organiste Louis Vierne (1870-1937).
Cette production vocale dans la maturité de César Franck se traduit par un langage plus audacieux harmoniquement par son introduction à l’orgue sur une pédale de ré puis mi comme augmentant la tension avant l’arrivée des voix.
Les basses entrent sur l’alléluia, assez étrange bien qu’il s’avère à être des plus solennels dans son développement.
L’œuvre est structurée par un crescendo et traduit le sentiment joyeux et tonique du psaume 150.
En effet, les instruments cités, s’accouplent avec un orchestre très français dans la grande présence des harpes et dont les coups de cymbales et les trompettes résonnent par imitation, comme figurant le texte.
Si cette production met à l’honneur l’orchestre, il permet, par compensation, de doter l’œuvre d’une efficacité d’écriture pour le chœur, presque exclusivement traité en homorythmie, donnant à entendre une puissance massive, que l’on pourra retrouver dans le dernier mouvement de sa Symphonie.
Dextera Domini
Si l’on connaît ce texte notamment pour être l’offertoire du Jeudi Saint au rit romain, c’est sans compter également qu’il fut celui pour le jour de Pâques dans le rit parisien, la version de Franck correspond parfaitement à ce déploiement solennel. Ce succès est obtenu par la relative facilité de l’écriture, permettant une interprétation de nombreuses chorales paroissiales. Cette mélopée diatonique simple en sib Majeur – bien qu’elle soit redoutablement efficace – interroge compte tenu de la capacité d’écriture complexe de Franck.
Toutefois les versions actuelles l’ont rendu bien plus imposant, plus conventionnel à quatre voix, à la suite de son orchestration en 1877 qui diffère nettement de la version primitive.
Dans cette jeune église sainte Clotilde (1857), pas encore élevée au rang de basilique mineure (1898), César Franck fait chanter en 1861 ce Dextera Domini à trois voix : basses, ténor et dessus.
Ce dernier terme pourrait sembler suranné au XIXème siècle, mais correspond à la réalité selon laquelle la voix actuelle de soprano était tenue à sainte Clotilde par une maîtrise de douze enfants complétant les autres pupitres, six ténors et six basses, sous la direction de Théodore Dubois.
C’est de là que nous pouvons comprendre l’aspect pédagogique du professeur, dans les deux composantes du thème aux inflexions grégorianisantes, d’un côté syllabique pour le Dextera Domini, de l’autre dans les vocalises sur les Alléluias.
Cela comprend également une orchestration typique d’un organiste faisant écho aux jeux flûtés et diaphanes, des enfants contrastés avec des jeux de huit voire seize pieds des adultes.
L’accompagnement de l’orgue discret au départ dans un enchaînement harmonique sage se déploiera et variera rythmiquement jusqu’aux triolet de double, symptomatique de l’habitude d’improvisateur d’un organiste.
Panis angelicus
Bien qu’on préférât chanter aux siècles précédents en France les O salutaris hostias à l’élévation, ce motet chanté après la consécration connut, lors de la seconde moitié du XIXème siècle, un grand regain d’intérêt, au point que César Franck modifia le O salutaris hostias initial pour un Panis angelicus.
La version de César Franck connut un nombre considérable de versions, d’interprétations, d’orchestrations, au point que ce texte de saint Thomas d’Aquin est souvent indissociable de l’œuvre du compositeur, et amène généralement une confusion de l’auditeur en la considérant comme une pièce isolée chantée comme un noël, tant elle a marqué les esprits.
Celle-ci fait en réalité partie de sa Messe en La Majeur, opus 12, créée au départ pour la Messe de la Nativité de 1861, et remanié pour le 24 avril 1878 laquelle devint solennelle par l’ajout d’un Credo, mais également par l’apparition du Panis angelicus.
La spécificité dans cette seconde version de sa Messe solennelle, est l’orchestration très française par l’usage de la harpe, du contrepoint du violoncelle, et de la contrebasse accompagnant le trio vocal.
D’autre part, le langage de Franck se complexifie, dans ce Panis angelicus, grâce à un usage moins modéré des chromatismes, dans une plus grande amplitude mélodique comme les 12 mesures lyriques du violoncelle préludant au chant puis en lui répondant en canon, ou encore la présence d’audaces harmoniques, propres à la mutation de son langage musical s’inscrivant dans les pas de Franz Liszt.
Le fait de reprendre cette œuvre correspond également à une évolution dans l’ampleur de son rayonnement à Sainte Clotilde. C’est encore symptomatique du principe d’un langage musical français, fondé sur un sujet, un thème, lequel correspondra à une proposition, qui pourra en amener d’autres à l’avenir. L’organiste connaisseur du chant, reprend en somme l’esprit des différentes clausules amassées sur l’organum primitif, comme des strates successives qui peuvent être interchangeables.
En somme, l’esprit des œuvres de César Franck n’est pas dans le fait de fixer une œuvre, en raison de sa remise en question permanente voire de ses doutes personnels ; l’œuvre s’adapte ainsi au gré de la situation liturgique, de son espace, du temps dans lequel elle se meut.
Guillaume-Gabriel Nivers (c. 1632 † 1714), organiste du roi Louis XIV & de Saint-Sulpice, maître de musique de la Reine et de la Maison royale de Saint-Louis à Saint-Cyr. Troisième O salutaris.
2 voix égales (SS) & basse continue.
2 pages.
Cet O salutaris est tiré des “Motets à voix seule, accompagnés de la basse continue et quelques autres motets à deux voix, propres pour les religieuses, avec l’art d’accompagner sur la basse continue pour l’orgue et le clavecin, par le sieur Nivers, organiste de la Chapelle du Roi & de l’église Saint-Sulpice”publiés à Paris chez l’auteur en 1689.
On le retrouve par la suite dans les collections de partitions manuscrites et les livres d’offices destinées à la Maison royale d’éducation de Saint-Cyr, fondée par Madame de Maintenon pour les jeunes filles de la noblesse pauvre, maison pour laquelle Guillaume-Gabriel Nivers va consacrer toute son énergie au cours de la dernière partie de sa vie. Dans les sources de Saint-Cyr, notre motet est appelé “Troisième O salutaris de Mr Nivers” et il est en général privé de sa partie de basse continue.
O salutáris Hóstia,
Quæ cœli pandis óstium :
Bella premunt hostília,
Da robur, fer auxílium.
Ô victime salutaire,
Qui nous ouvres la porte du ciel,
L’ennemi nous livre la guerre,
Donne-nous force, porte-nous secours.
O salutaris, depuis une ordonnance du roi Charles V († 1380), devait être chanté à l’élévation de toutes les messes hautes du Royaume de France. Cette ordonnance fut régulièrement observée jusqu’au XIXème siècle dans notre pays.
Par commodité, nous fournissons cet O salutaris de Nivers selon trois transposition : en si bémol majeur (ton de l’édition des motets de 1689), en la majeur (ton utilisé par les manuscrits de Saint-Cyr) et en sol majeur.
Les premières mesures de cette partition :
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Les 7 Paroles du Christ en Croix : si ce genre musical s’est particulièrement illustré dans le passé par Heinrich Schütz ou Joseph Haydn, on notera que son développement en France ne date que du milieu du XIXème siècle.
On pourrait se demander la raison d’un engouement si tardif mais qui a généré des productions majeures par de compositeurs de premier ordre : Charles Gounod, César Franck, Théodore Dubois, mais également Adolphe Deslandres en 1867 et plus tard par Fernand de La Tombelle (1909) ou Charles Tournemire (1935).
La redécouverte des maîtres anciens comme Palestrina au début du XIXème siècle, correspond à une volonté de redécouvrir et de réinterpréter le répertoire religieux dans ce qu’il a d’authentique, et surtout loin de l’écriture opératique ou de romances qu’on voyait à l’époque, comme le Sette ultime paroli de Saverio Mercadante (1838), écrite en italien.
Le retour à l’emploi de maîtres de chapelles, l’éclosion musicale suscitée par l’édification d’orgues et donc la formation de nouveaux organistes, favoriseront la renaissance de ce répertoire.
Quant à la version de César Franck, celle-ci se situe à la croisée des chemins entre Charles Gounod et Théodore Dubois, entre deux traditions : l’une sévère, et l’autre plus orchestrale.
Trois compositeurs pour Les 7 paroles du Christ : Gounod, Franck, Dubois
Il est remarquable d’avoir trois organistes présentant le même type d’œuvre. Franck et Gounod ayant été élève du même Anton Reicha, c’est pourquoi il est assez aisé de pourvoir les faire dialoguer. Dubois, plus jeune sera affilié à César Franck à Sainte Clotilde, mais entretiendra de nombreuses relations avec Gounod au point qu’il lui succédera en 1894 dans son fauteuil d’académicien. Pour autant, trois styles distincts se révéleront dans Les 7 paroles du Christ que tous les trois écrivirent.
Ce sens des Lamentations dans Gallia au point d’entendre un O vos omnes dans les deux œuvres, traduisent l’expression de la douleur de cette période, même si Dubois l’avait composé avant les événements.
En revanche, il est étonnant d’apprendre que l’œuvre de Franck n’a pas été mise en valeur du temps du compositeur, Charles Bordes, créateur de la Schola Cantorum avec Vincent d’Indy, ne connaissait pas cette œuvre, et le titre du manuscrit est même apocryphe.
Ce n’est que fort récemment qu’on redécouvrit son manuscrit daté du 14 août 1859, mais qui apporte un éclairage intéressant dans la production de Franck. Cet oratorio précède en effet la grande fresque orchestrale et vocale des Béatitudes datant de 1871. Les ingrédients dramatiques sont déjà présents et surtout dans la forme grâce au thème récurrent correspondant au chœur a cappella qui répondent aux paroles du Christ. Pour autant, le chœur est à l’origine exclusivement masculin, divisé en deux parties de ténor, une partie de basse et la voix de soprano était destinée aux enfants.
On remarquera chez César Franck la grande volonté d’intelligibilité et de lisibilité particulièrement dans la 4ème parole “Deus meus, Deus meus ut quid derelequisti me ?” (Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?)
L’écriture très verticale pour chœur, peu animée, dans un ambitus vocal restreint, rend d’autant plus importante la dramaturgie de l’abandon, d’un orchestre à ce moment absent. Théodore Dubois, l’interprétera par un baryton soliste comme voix du Christ avec un soutien modéré de l’orchestre.
En revanche, c’est l’inverse qui se produit dans leur final respectif, après le tremblement de terre orchestral, on est surpris par un “Adoramus te Christe” de Dubois de très grande retenue homorythmique, qui répond au “Pater in manus tuas commendo spiritum meum” (Père, en tes mains, je remets ton esprit) de César Franck, avec un ténor soliste accompagné d’une orchestration autour du timbre chaleureux et expressif du violoncelle qui diffère également du noble dialogue des deux chœurs dans la version très paisible de Charles Gounod.
César Franck a pu composer trois Ave Maria, le premier en fa Majeur daté du 24 mai 1845, dédié au curé mélomane de Notre-Dame de Lorette, l’abbé Étienne-Théodore de Rolleau, lequel ayant réussi non seulement à constituer un chœur liturgique mais plus encore à réunir les fonds pour l’édification de l’orgue auprès du jeune facteur d’orgue âgé seulement de 21 ans : Aristide Cavaillé-Coll. C’est à ce moment que Franck s’orientera vers le répertoire religieux en prenant ses distances avec l’autorité dominatrice paternelle.
Le deuxième, référencé FWV57, fait partie du corpus de son Salut contenant Trois Motets avec accompagnement d’orgue, avec un O Salutaris et un Tantum ergo, publié en 1865.
Il s’agit d’un duo soprano et basse accompagné de l’orgue, en sol mineur, datant de 1858 soit peu après son entrée en fonction à Sainte Clotilde. Le grand orgue n’était certes pas achevé, cependant si l’accompagnement à l’orgue demeurait sobre, c’était surtout pour laisser la part belle à la voix de soprano, la basse rentrant en contrechant à la reprise, se rapprochant davantage d’une mélodie accompagnée par l’égrènement des arpèges, qu’une recherche d’audaces orchestrales. Ainsi Franck a pu s’installer progressivement au sein de sa nouvelle paroisse.
L’objet de notre étude concerne particulièrement son troisième Ave Maria, en mi mineur, FWV 62, pour trio vocal (soprano, ténor et basse) et accompagnement d’orgue. Ce dernier a pu poser problème dans sa datation, probablement par erreur d’éditeur qui l’a regroupé avec les autres pièces d’offertoires, en supposant que la sobriété de l’orgue et de développement structurel de cette pièce correspondrait à la carence de jeux d’orgues, en référence à l’absence temporaire du grand orgue de Sainte Clotilde.
Or, les recherches récentes indiquent clairement que l’œuvre était isolée, sa première édition fut réalisée en 1889 par Le Bailly-Bornemann, et c’eût été méconnaître non seulement le soin vétilleux qu’apporte Franck à jouer dans le cadre de la liturgie, mais plus encore si l’on se penche raisonnablement dans l’analyse harmonique de la partition.
Dédié à son élève Léon Husson, cette version de l’Ave Maria fait montre de grande hardiesse dans l’écriture harmonique, qui permet de dater l’œuvre aux alentours de 1880. Le langage musical de César Franck évolue en effet sous plusieurs aspects que l’on peut faire correspondre avec les contacts réguliers qu’il a entretenus avec son ami Franz Liszt (1811-1886).
Comme pour le Domine non secundum, l’œuvre se scinde en deux parties distinctes en mi mineur, puis son homonyme Majeur, au moment de la césure traditionnelle de l’invocation “Sancta Maria”. C’est pourquoi, l’on trouve parmi les différentes versions de cet opus, une alternance entre le pupitre de soprano avant que ne lui succède le chœur comme reprise polyphonique et ce, pour chacune de ses sections. Cela devait se justifier sur le principe que la pièce tînt sur l’intégralité du temps de l’offertoire aux messes solennelles.
Dans cette première partie, Franck va communément de la tonique vers sa dominante (mesure 10), puis instaure une marche modulante pour retourner à sa tonique (mesure 18). Mais les enchaînements sont troublés par ce que l’on désigne comme des degrés faibles du mode (IIIème et VIIème degré), tout comme des enchaînement de type plagal (IVème allant vers le Ier degré), lesquels altèrent la compréhension tonale, et la rend plus ambiguë.
On peut alors concevoir l’harmonie suspensive, par cette déficience d’enchaînements conventionnels, dans une nuance piano, comme la fragilité et l’expression de la douceur de l’Ange Gabriel se présentant à la Très Sainte Vierge Marie.
La période plus modulante, plus intense, (mesures 11 à 18) s’engage certes sur une marche harmonique, mais également sur des entrées en imitations, très expressives grâce aux retards mélodiques ainsi créés. Il achève cette première section par une accélération harmonique très riche, que l’on retrouve spécifiquement dans la période de maturité de César Franck.
Au “Sancta Maria” commence donc la seconde partie, plus diaphane et traduit une proximité étonnante avec langage de Gabriel Fauré (1845-1924) – entre autres son opus 21 (ca. 1880) Poème d’un jour : Adieu – par l’emploi de gammes pentatoniques par ses enchaînements plagaux, à la manière d’un léger balancement, et enfin la basse de l’orgue qui se dérobe au loin, pianissimo.
On notera, en revanche, un grand crescendo amenant vers l’imploration des pécheurs qui bascule sur le riche accord de 9ème de dominante de la, incipit de la Sonate FWV 8, pour violon en la Majeur (1886), de César Franck.
Si l’année 2018 a été une opportunité pour la paroisse Saint Eugène-Sainte Cécile de célébrer le bicentenaire de la naissance de Charles Gounod, l’année 2022 nous oriente vers un autre géant de la musique religieuse du XIXèmeCésar Franck.
Né le 10 décembre 1822, le compositeur, surnommé le Pater Seraphicus, prolonge notre exploration du répertoire religieux romantique français, non seulement pour son usage au sein de la liturgie traditionnelle, mais plus encore dans les liens que César Franck tisse avec Paris, et même avec notre secteur paroissial, ayant vécu entre autres, au 6 rue de Trévise. A cela s’ajoute la comparaison avec ses contemporains, et Franck aura l’occasion de s’en démarquer à plusieurs reprises.
Sans rentrer dans des éléments biographiques exhaustifs (nous vous recommandons, en revanche, l’excellent César Franck par Joël-Marie Fauquet, Fayard, 1999), quelques éléments caractéristiques traduisent le style musical de Franck : son écriture d’organiste, son talent d’improvisateur, et son apport pédagogique, fondateur d’une école stylistique singulière.
Au nombre de 97, le corpus des œuvres de Franck est limité, et plus encore dans sa production de musique religieuse. Son répertoire pour l’orgue est important sans être démesuré. On pourrait s’étonner de cette faiblesse ayant été organiste pendant plusieurs décennies.
Le compositeur écrivait peu mais jouait surtout en tant qu’improvisateur reconnu, dans le cadre liturgique, et suscitait l’admiration entre autres de ses élèves comme Vincent d’Indy. Marqué par les travaux du R.P. Lambillotte (1797 † 1856), jésuite et compatriote belge, Franck s’est appuyé sur les recherches de celui-ci afin de développer son accompagnement du plain-chant, dès les années 1854 au point de vouloir créer une école de musique ecclésiastique avec son frère Joseph, en 1867. En prenant le grand orgue de Sainte Clotilde, il se déchargera de sa fonction de maître de chapelle au profit d’un jeune compositeur de vingt ans : Théodore Dubois.
Le répertoire pour chœur
Longtemps délaissé dû au fait qu’il n’était destiné qu’au culte, le répertoire vocal religieux de César Franck s’est constitué pour l’essentiel dans la décennie de 1860, publié ou retrouvé de manière posthume, et difficile à compiler. Ces œuvres correspondent à son arrivée à la basilique sainte Clotilde de Paris, et donc de la conception du grand orgue et de ses 46 jeux initiaux du Cavaillé-Coll, en 1859.
Comme dans plusieurs églises parisiennes, un trio vocal (soprano, ténor et basse) chantait pour les offices solennels. Une seule messe nous est parvenue, son opus 12 (1865), des psaumes, des motets et Les Sept Paroles du Christ sur la Croix écrite en 1859, redécouverte en 1955 !
César Franck – Domine non secundum FWV66
Cet offertoire est clairement présenté “pour un temps de pénitence”. Datant de 1871, le texte est tiré de l’office du Mercredi des Cendres. Il est symptomatique que Franck mentionne “avec un accompagnement d’orgue”, car celui-ci se présente en effet plus comme un véritable soutien qu’un instrument en dialogue avec le trio vocal.
La structure de l’œuvre est relativement simple et typique des œuvres de César Franck, c’est-à-dire en deux modes distincts si mineur et son homonyme Majeur à partir de la 45ème mesure séparé par l’entrée complète du chœur à la mesure 24.
Pour être plus précis, César Franck se remarque dans le fait d’exposer le thème pour ensuite l’enrichir d’un contrepoint, soit dans l’éclairage Majeur, inspiré de la technique schubertienne. C’est en effet une superposition mélodique s’agrégeant progressivement qui épaissit l’écriture musicale, comparable à un jeu d’orgue supplémentaire que l’on ajoute : c’est une écriture d’organiste.
À cela s’ajoute l’emploi régulier du mineur mélodique ascendant, très utilisé dans la musique française dont Gabriel Fauré fera une marque de fabrique.
La partie centrale, repérable par l’entrée du chœur modifie l’écriture, elle devient homorythmique au profit d’une harmonie plus complexe, modulant sur son IVème degré en Majeur, après un grand crescendo vers le “Domine” fortissimo. Cette modulation de si vers Mi se déclinera encore par ce rapport au IVème degré, de Mi vers la, puis s’inverse en miroir vers mi puis vers si. Cet emploi du IVème degré plutôt que du Vème degré est typique chez Franck, et particulièrement dans cette relation harmonique du IVème degré vers le Ier, qu’on appelle “plagale” : cela évoque les sonorités de musique religieuse, généralement utilisé pour harmoniser le “Amen” final.